Plume - Sous-Titres

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Lorsque j’aperçois sa silhouette de fée, étendue sur l’asphalte, je subis les morsures de centaines de clous dans mon ventre. J’ai littéralement l’estomac dans les talons. Pourvu qu’elle soit vivante. Je suis encore loin et ma vue est gênée par la brume cendrée qui recouvre la scène. Alors que je suis à deux doigts de perdre la raison, il me semble voir son pied droit qui bouge imperceptiblement. Je rends mon petit-déjeuner entre deux voitures ; le soulagement sans doute. Elle est sauve ; le reste n’a pas d’importance. Pourquoi est-ce que je continue de trembler comme un bobblehead sous amphétamines alors ? Si je me tape la tête très fort contre le mur le plus proche, je finirai bien par oublier tout ce foutoir, non ? Quelqu’un aurait-il l’amabilité de me prendre dans ses bras et de me chanter une berceuse ? Stop, arrête de geindre, c’est elle qui a besoin d’être secourue. Le preux chevalier bien caché en moi rassemble ses castagnettes et avance vers elle.

  Son regard est rivé vers le ciel, complétement vide. Elle n’a même pas l’air de remarquer la boule de poil qui s’agite dans mes bras. Ma gorge est nouée, mais un petit filet de voix arrive tout de même à s’en échapper : « Plume, je suis là. » Je m’accroupis près d’elle, lui caresse les cheveux. « Que s’est-il passé ? ». Elle ne répond pas, semble sous le choc. Ne sachant trop quoi faire, je pose Bukoswski sur son ventre. Je dois avouer qu’à cet instant précis, je me sens un peu comme un Saint accomplissant son miracle ; il doit y avoir un halo tout autour de mon visage, c’est sûr. Je guette un signe, un geste. Rien. C’est ton matou d’amour, une réaction, merde ! Je garde cette pensée pour moi évidemment ; je crois que ce n’est pas le moment idéal pour lui crier mon besoin de reconnaissance. De nouvelles larmes affluent dans les yeux de ma belle. Sa main, fébrile, plonge affectueusement dans la fourrure de Bukowski. Ce dernier, tout tremblant, enfouit sa tête dans la chevelure de sa bienfaitrice. C’est lui qui récolte les caresses et les papouilles, quelle enflure. « Je l’ai trouvé à trois rues d’ici, caché sous une Lamborghini. Monsieur a apparemment des goûts plutôt raffinés en matière de bolides. » Il est sans doute trop tôt pour dégainer de mauvaises blagues. Je vois bien que Plume n’entend pas, ou ne comprend pas ce que je lui raconte. La suite devrait capter son attention pourtant : « Je crois que celui qui a fait ça t’a laissé un message… » lui dis-je, en lui désignant la petite enveloppe jaune scotchée sur le ventre de Bukowski. Plume frémit en la voyant. Elle s’en saisit, mais la garde dans sa main de longues minutes, sans la regarder. Repousser la lecture d’une lettre repoussante, rien de plus normal. Puis, elle se redresse enfin, décachette l’enveloppe et déplie la lettre qu’elle renferme, minutieusement. Son regard s’embue une nouvelle fois ; elle laisse la missive tomber à terre. On peut y voir le dessin d’une plume sanguinolente, et quelques mots, terribles :

Tendre est la nuit, n’est-ce pas ?

Les Liaisons Dangereuses se consument sur Le Bûcher des Vanités, ma jolie.

Des titres de livres. SA signature. Je sais ce qu’elle se dit à cet instant précis : qu’il doit bien se marrer, le saligaud ; que c’est une vraie fosse à purin ce type, avec ces airs de soupirants à la mords-moi-le-nœud ; que la cruauté de l’homme ne cessera jamais de la surprendre ; que son radar à salopards a vraiment foiré ; qu’il faut vraiment être une sacrée cruche pour confier ce qu’il te reste de cœur à un bourreau de première catégorie. Qu’une nouvelle fois, un gros colon s’est payé la tête d’une squaw. Attention, je ne prétends pas retranscrire les pensées de Plume avec exactitude. À vrai dire, en cet instant, la pauvrette ressemble plus à une colombe amputée de ses ailes, qu’à une Walkyrie au langage fleuri.

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