Une déclaration d'amitié

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Lettre extraite d'un roman, quoique elle n'y apparaîtra peut-être même pas en entier. Mais elle importante pour les personnages, et je me devais donc de l'écrire en entier. Isaan et Camarian sont deux personnages principaux, et Camarian est personnage point de vue.

Isaan a écrit cette lettre à Camarian quelques mois avant de disparaître mystérieusement. Pendant le roman, Camarian lit et relit ces mots pour tenter de savoir si son ami l'a abandonné volontairement.

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Mon cher Camarian,

joyeux anniversaire.

Célébrer ta naissance est pour moi une grande joie.

Nous les hommes, nous sommes encore carapaçonnés dans des normes de genre qui nous handicapent dans l'expression de nos sentiments. Je le regrette, et pourtant je suis réduit à constater combien ces biais sont ancrées en moi. Pour cette raison, je choisis l’écrit pour réussir à articuler mes sentiments. Voici donc ce que j'ai à dire :
Camarian, tu es mon meilleur ami.
Un Ami, avec une grande et belle majuscule.

Ceci est dit.
Ceci toutefois amène cette autre question : qu’est-ce qu’un ami ? Me fais-je des illusions sur la valeur des liens ? Parfois je doute : l'adolescence m'a suffi pour être déçu par plus d'une amitié. Nous en avons déjà un peu discuté. Quand je t’ai recommandé pour la formation d’artificier, tu as protesté : tu craignais que notre lien ne se ternisse si je te fournissais cette chance que d'autres n'ont pas. Je comprenais, mais j’ai persisté. Car celui qui est chanceux ici, c’est moi.

J’ignore quelles sont les limites de l’Amitié. Certainement, je ne parle pas ici des amitiés courantes, celles qui se contentent d'activités de groupe, avec au fil des saisons des éléments dudit groupe qui seront perdus puis remplacés, tout pouvant partir tant que le collectif reste. Ce continuum de l'amitié jusqu'à la simple camaraderie n'inclut pas ce que je ressens pour toi.

Si je chéris ma vie sociale, ce n'est pas tant pour ses individus que pour son ensemble. La somme de mes amis m'est plus que chacun de mes amis pris séparement. Au contraire, tu es l'individu dont je me sens indivisible. Nous séparer créerait un vide inepte, interdit. Je crains cela terriblement.

Tout mensonge, toute cachoterie doivent-ils êtres prohibés entre amis ? Ou bien peut-on dans l’intérêt de l’Ami omettre la vérité ? Peut-on être un véritable Ami, si on entraîne l’autre dans des activités qui lui sont néfastes ? Je ne sais pas au juste.

Nos échanges sur l’amitié ont continué dans mes pensées, parfois élogieux, parfois élégiaques. Certains éléments toutefois sont peu à peu devenus ces certitudes. Cette lettre a pour objet de les coucher sur le papier.

Dans le mot Amitié, il faut entendre deux parts d’âme et une forme d’amour.

Le sens exact de ces deux termes m’importe ici assez peu. L’amour évoqué n’est pas celui que l’on dessine avec un cœur rose, pas plus que ce n’est pas un amour qui suscite le désir sexuel ; non. En ta compagnie j’oublie jusqu’à ton apparence extérieure. Ce que je sais, c’est que je souris quand tu entres dans la pièce, que te retrouver après une absence est comme se réchauffer après une longue marche hivernale. Que mes pensées les plus intimes tournent en rond si je ne peux te les exprimer. Un lien lové entre nous, approbation chaleureuse et réconfortante.

En ce qui concerne les deux parts d’âme, c’est notre cœur commun. Ce que l’on appelle être proche. Comme avec un parent, comme en famille. Une partie de moi bat en toi, une partie de toi bat en moi. Parts immatérielles, reflets de nous qui vivent dans le miroir qu’est autrui. Ta part en moi à tes réactions, ta curiosité, ton enthousiasme. Et réciproquement, une part de moi a grandi en toi. Ce reflet te permet d’anticiper mes souffrances, de refuser de me faire de la peine, de choisir de me défendre avec véhémence si on m’attaque. Par ces reflets intérieurs, même absents nous sommes présents l’un en l’autre.

Trois choses donc qui nous lient, deux part d’âme et une forme d’amour.
Comment s’expriment-elles ?
Par l’amour nous nous rendons heureux l’un l’autre.
Ce qu’il y a de moi en toi me pousse à te défendre et à prendre soin de toi.
Et ce qu’il y a de toi en moi me pousse en avant, hors de moi, pour me grandir.

Ainsi donc voici l’énoncé du fabuleux guide d’Isaan pour localiser un grand Ami !
Dans notre cœur il nous réchauffe il nous renforce, liens lovés en entrelacs.
Campé dans notre dernier carré, défense qui tiendra avec nous jusque dans les dernières épreuves.
Et, premier parmi nos multiples cercles d’amis et de connaissances, il est toujours à nous pousser en avant, à nous dépasser !

Te voilà ! Ô mon ami !
Sois certain de mon affection et quoi qu'il arrive ne t'inquiète pas.

Peu ont cette chance de trouver une personne pour occuper cette position incroyable, à l’intersection de ces trois ensembles. J’aurai été satisfait de trouver quelques amis pour occuper chacune séparement. Il me semble encore incroyable que tu aies pu les trois combler.

Grâce à toi, je suis un des chanceux.
Merci d’exister.

Ton Ami, Isaan

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