Me voilà bien avancé   

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J’arrive essoufflé devant la porte d’entrée de l’immeuble derrière lequel Zach a disparu. L’eau ruisselle sur mon visage. J’ai le pantalon trempé. J’appuie sur un interphone au hasard. Rien ne se produit. Un second, en vain. Le troisième me répond bruyamment.

— C’est pour quoi ? me crachote une voix aiguë.
— Bonsoir madame. Excusez-moi de vous déranger. Heu, c’est que… J’ai oublié mes clés et…
Soudain, un grésillement se fait, puis plus rien.
— Vous m’entendez ? Allô ?

Merde ! J'appuie sur le bouton de nouveau, mais la personne ne répond pas pour autant. Je ne peux pas lui en vouloir. Manu, la prochaine fois, sois plus imaginatif !

J’essaye un autre numéro. Le 13. Pas sûr que ça me porte chance. Aucun son ne sort de l’interphone, seul le déclic de la porte se fait entendre. Yes, j’ai réussi ! Je me précipite et entre enfin. Direction l'ascenseur, deuxième étage. Ça sent la cigarette froide. Les portes s’ouvrent et me voilà dans l’obscurité. Je devine la lueur d’un bouton d'interrupteur sur lequel j’appuie. La lumière douce éclaire un long couloir. Me voilà bien avancé, ne sachant pas à quelle porte dois-je frapper. Du calme, Manu, ça va le faire. Au pire, tu t’excuseras en disant que tu t’es trompé.

Je colle mon oreille sur la première porte devant moi. Aucun son ou bruit ne m'indique la présence de quelqu’un à l’intérieur. Je frappe quand même. Ça résonne dans le couloir. Personne n’ouvre. J’essaye la deuxième, sans plus de succès. Il me reste trois autres paliers. Je commence à douter de mon entreprise. J’imagine la scène : la porte s’ouvre sur un mec souriant, mais intrigué. Vous êtes ? Je me présente : je suis Manu et je souhaite parler à Zach qui doit être chez vous pour récupérer un peu de… Putain, Manu, c’est juste n’importe quoi ! Tu ne peux pas débarquer chez les gens comme ça… Je suis interrompu par la vibration de mon portable. Deux messages non lus. Le premier a été envoyé il y a douze minutes, le deuxième, deux. Comment ça se fait que je ne les reçoive seulement maintenant ? On doit mal capter ici. À moins que ce soit l’orage ? Le premier texto est d’Oliver. Ce n’est vraiment pas le moment, me dis-je en imaginant déjà des émoticônes en forme de courgette ou d'éclaboussures de gouttes d’eau. Je préfère m’intéresser au deuxième. C’est un numéro inconnu. J’hésite à appuyer dessus, mais la tentation est trop forte. Le message est lapidaire : “casse-toi”, signé, Cédric. Mes cils battent plus que de raison. Je relis ces deux mots plusieurs fois pour que l’information monte à mon cerveau.

Cédric ? Manu, c’est pas compliqué, tu ne connais qu’un seul Cédric. Cédric et Matthieu, les copains débiles de Zach. C’est bien la première fois qu’il t’envoie un texto. Je suis surtout étonné qu’il ait mon numéro de portable. Je ne me souviens absolument pas le lui avoir donné. On n’est pas ce que l’on peut appeler des potes. On se tolère mutuellement, c’est tout. Idem pour Matthieu, même si j’avoue qu’il me paraît un peu moins abruti. S'il n'était pas toujours collé à Cédric, je suis sûr qu’il serait différent, lui aussi.

Ce texto me fout direct les jetons. Mes pieds font demi-tour, direction l'ascenseur. Les portes s’ouvrent avec une lenteur désespérante. J’appuie frénétiquement sur le bouton du rez-de-chaussée. Elles se referment enfin, avant que la cage ne descende. Je sens les battements de mon cœur s’accélérer. J’ai les larmes aux yeux. C’est quoi ce bordel ? Nouvelle vibration de mon téléphone. Un texto d’Oliver. Ah, non, ce n’est vraiment pas le moment !

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