Où est la cavalerie ?

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Quand est-ce que la cavalerie va se pointer ? J'en aurais bien besoin. Cette soirée devait être différente, sans problème, juste un moment à partager, à discuter et plaisanter avec un mec bien. Manu est le seul qui ne me juge pas et avec qui j'ai envie d'échanger sans me prendre la tête. Il y aurait bien aussi Jérémie mais depuis qu'il est rentré du Canada, nous n'avons pas eu l'occasion de nous voir. Je sais que sa mère et son beau-père ont une maison à La Rochelle. Quand j'essaye de le joindre, son répondeur me claironne la chevauchée fantastique, signe qu'il s'est mis en veille. Pourtant, il faudra que je lui parle de mes nouvelles pistes.

Pas le temps pour le quart d'heure nostalgie, là, c'est Fort Alamo dans un appartement grand standing. D'ailleurs, on est chez qui ? J'aurai dû prendre deux minutes pour consulter les noms sur la boîte aux lettres. D'ailleurs, est-ce qu'il y en aurait eu un ? Qui a les moyens de se faire installer un jacuzzi dans son salon ? La lubie d'un mec avec des billets qui débordent des poches ou la planque idéale pour un mafieux. Donc ce serait un nom d'emprunt qui ne me servirait à rien. Mon cerveau fonctionne à mille à l'heure, un train à grande vitesse sans pilote, si je déraille, ça va faire mal.

Voilà déjà plus d'une demi heure que j'ai dis à Manu que j'en avais pour cinq minutes. Dehors c'est un feu d'artifice à tous les étages. Dans la cuisine ultra moderne, ce sont les artificiers qui s'amusent à tous nous allumer. Ils ont eu la délicatesse de remettre Cédric en état, je ne sais pas trop pourquoi. Son acolyte sur l'autre chaise n'a pas eu le droit aux mêmes faveurs. Je pense surtout qu'il a moins bien encaissé les coups. Pas convaincu qu'il n'ait pas des nausées demain matin. J'espère qu'on sera toujours de ce monde pour se dire qu'il est temps d'arrêter nos conneries et de passer à autre chose.

Moi, si je compte les points, je dirais deux zéros pour eux, je rebondis de l'un à l'autre. La dernière raclée m'a fait terminer un genou à terre et depuis je suis collé à l'îlot central. Je patiente, il faudra à l'occasion que je remercie mon père de m'avoir fait mater pendant des heures entières la série Macgyver. Je suis sûre qu'il serait fier de savoir qu'il va peut-être me permettre de jouer à Oudini. Depuis la mort de ma mère, tous les samedis, on passe des heures et des heures sur le canapé alternant film et sport. Nous mettons nos téléphones en sourdine de façon à être injoignables.

Comment vais-je pouvoir prévenir Manu ? Vaut-il pas mieux le laisser dans l'ignorance ? Le gros lourdeau, après avoir entendu sonner deux fois mon portable avec la même musique en écho, a balancé l'appareil contre le mur. Il a terminé son travail à coup de rouleau. Quelque part, il vaut mieux qu'il se soit acharné sur ce mobile pourri que sur ma tête. Enfin, j'ai bien reconnu la sonnerie que j'avais choisie pour Manu. J'espère qu'il ne voudra pas jouer à Zorro. Ce ne serait pas un bon plan. On est déjà trois dans la merde. S'ils venaient à toucher une mèche de sa tignasse, je pense que je pourrais péter un câble.

Je profite de la distraction occasionnée par des doigts qui tambourinent à la porte pour me débarrasser de mes liens. J'attrape le premier truc dans le tiroir, ouais j'aurais pu être plus malin : une fourchette. Tant pis, ça fera l'affaire. J'entends Cédric parler à quelqu'un dans le couloir. La seconde voix n'est pas assez forte, pourtant il y a des tonalités qui me semblent familières.

Non c'est pas possible, Manu. Je voudrais lui hurler de se casser. Je commence à me lever pour essayer de m'éclipser, c'est sans compter que j'ai un Saint Bernard nommé Karl. Il m'attrape par la taille et plaque son autre main sur ma bouche.

Je ne lâche pas la fourchette, je suis complètement barge, je vais en faire quoi ? Je suis à un contre cinq, je ne peux pas compter Cédric dans mon camp. Je ne sais pas si un jour, il l'a été. L'autre larve sur la chaise, vu son état comateux, je peux oublier. Je me demande même si j'aurai pas envie de lui filer à mon tour, une raclée. Manu, je préfère le savoir tout sauf ici, au milieu d'un affrontement dont je ne maîtrise rien. Même s'il est un sacré joueur de Volley, pas sûr que ça lui serve à grand chose pour l'heure. Je profite de la confusion dans les troupes. Ils ne semblent pas d'accord sur la suite des évènements.

Je mets un bon coup dans les parties de ce cher Karl qui se plie en deux sur le carrelage en hurlant. File en direction de la porte d'entrée, je bouscule Cédric. Il ne réagit pas et au moment de mettre mes doigts sur la poignée de la porte, je sens une main me barrer la route. Par réflexe, je saisis la fourchette et la lui plante dans les doigts. Vu sa tête, il s’en souviendra. Je profite de l'effet de surprise pour m'engager dans le couloir. C'est étrange, je n'entends pas de cri ni de bruit de pas derrière moi.

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