Je découvre le premier message d’Olivier auquel je ne comprend rien. “Manu, ça va ? T’es avec Zach ? Reçu texto chelou de Cédric. Il veut savoir si t’es avec lui ou bien avec moi. Tkt pas, j’ai pas répondu. Préfère te prévenir. Fais-moi signe”. Message suivant : “ T’as eu Cédric ? Tiens-moi au jus stp”. Cela ne fait plus aucun doute, il y a un truc qui cloche. Que lui répondre ? Que je suis dans un immeuble en train de chercher Zach parti chercher de la beuh ? Combien de fois m’a-t-il répété de me méfier de lui ?

Exit de l'ascenseur, je suis à deux doigts de partir, mais quelque chose me retient. Je ne peux pas me casser comme ça. Et si les fournisseurs de Zach l’avaient retenu contre son gré ? Manu, stooop ! T’es ni dans un film, ni dans une série B à la con. Réfléchis plutôt. J’ai jamais autant flippé de ma vie. Zach, tu fais chier. Si t’étais pas aussi bandant…

Demi-tour. J’appelle l'ascenseur. Retour à la case départ. Courage Manu, t’es à deux doigts de faire dans ton froc, mais dis-toi que Zach a besoin de toi. Je me poste devant une des trois portes, le point levé, prêt à frapper. Je compte jusqu’à trois. Un, deux… Mais celle-ci s’ouvre déjà. Devant moi, Cédric en personne, la lèvre tuméfiée. Je n’ai pas le temps de lui demander ce qu’il fait là, qu’il referme la porte derrière lui et fait signe de me taire.
— T’as pas eu mon texto ? Je t’ai dis de te casser, putain, me chuchote-t-il énervé.
— Si, mais…
— Faut pas rester là, viens, dépêche, m’ordonne-t-il.
Il ouvre grand la porte de la cage d’escalier et me pousse à l’intérieur.
— Non, mais ça va pas la tête, qu’est-ce qu’il se passe à la fin ? Il est où Zach ?
— Moins tu en sais, mieux ça vaut pour toi, crois-moi, dit-il les yeux affolés.
Il flippe à mort, ça se voit. Et vu sa lèvre boursouflée, il a dû se prendre un méchant coup de poing. Il va finir par me foutre vraiment la trouille, si ça continue. Je tente quand même de ne pas me laisser impressionner pour autant.
— Je ne partirai pas sans savoir où il est !
Il lève les yeux au ciel.
— Je crois que t’as pas bien pigé ce que je viens de te dire : casse-toi. C’est la dernière fois que je te le dis, sinon il ne faudra pas venir pleurer.
Son regard se veut menaçant, mais je vois bien qu’il n’est pas à l’aise dans son rôle. Il a tout de même réussi à me faire remballer illico presto mon costume de super-héros.
— No problem, je me casse, dis-je en descendant les premières marches.
— Quand t’arrive au rez-de-chaussée, prends la sortie de secours, à droite.
Je m’apprête à répliquer, mais son regard m’indique que je n’ai pas une minute à perdre, et lui non plus.

Et dire qu’il y a une heure à peine, je sirotais tranquille une flûte de champagne. Je soupçonne d’avoir échappé à un sale truc dont je ne veux même plus entendre parler. Je suis bien content d’être à l’abri dans cette voiture, même si mon jean mouillé me colle à la peau. Cette histoire m'apprendra à faire une fixette sur un mec avec qui je ne suis pas prêt d’arriver à quoi que ce soit, hormis celle de comater sur un canapé devant un vieux film d’Al Palcino et de me bourrer à la bière pour oublier.

On cogne à la vitre. La porte s’ouvre d’un coup.
— Vas-y, Manu, bouge, on se casse de là tout de suite !
Zach est là, la gueule en sang, paniqué. Ahuri, je le regarde le temps que je capte que c’est pas fake du tout. Je me dégage aussi vite que possible.
— Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu saignes de partout, putain !
C’est comme s’il ne m’avait pas entendu et démarre en trombe la voiture. Nous avons fait à peine une centaine de mètres que celle-ci zigue zague.
— Fais gaffe, bordel, tu vas faire un aquaplaning !

— Manu, ferme la avec ton aquamachin de merde, c’est vraiment pas le moment.

Il grince des dents, en clignant des yeux, gêné par une traînée de blood dégueulasse qui lui coule sur la paupière. Résultat, la voiture fait une embardée sur le bas-côté puis s’arrête brutalement.
— Allez, vas-y prend le volant, j’arriverais jamais à conduire, dit-il rageant, en plaquant un mouchoir en papier sur son front.
— Sérieux ? Je te rappelle que j’ai pas le permis, et si on se fait arrêter…
Mais Zach a visiblement rien à foutre de mon piètre argument. Il est déjà sorti de la bagnole, bien décidé à prendre ma place. C’est à mon tour de jouer, et merde !