Droit devant

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— Manu stp, sors et grouille avant qu'ils nous captent.

J'ai un mal de crâne insupportable, je ne sais pas si c'est la première droite administrée par le malabar à la cicatrice sur l'œil gauche ou lorsque Karl m'a fait valser contre la porte du placard. Je dois effrayer Manu, mais pas le temps de lui expliquer quoi que ce soit. S'ils nous chopent après ce que j'ai fais, pas sûr que nous ne soyons pas dans les faits divers dans le journal : "Règlement de compte entre petites frappes dans les quartiers chics". Il nous faut filer le plus vite possible. Enfin, notre survie est entre les mains de Manu. Ok, je lui en demande beaucoup mais je suis incapable de conduire. Si c'est pour nous foutre en l'air en voiture, si je nous loupe c'est son père qui me fera la peau. Deuxième titre croustillant dans les infos du soir : " Le fils de notre maire a péri dans un accident de voiture, le conducteur était sous l'emprise de stupéfiants".

— Bon enfin bref, je sais pas toi, mais j'ai toute la vie devant moi et je veux en profiter un maximum alors je sais que je vais te demander un truc fou. Mais emmène moi loin d'ici, le supplié-je tout en reniflant dans mon coude. Va pas imaginer que je chouine. J'ai juste une saleté dans l'œil. Allez prends le volant.

— Tu veux aller où ?

— On passe deux minutes chez mon père et après tu m'emmènes à la gare. Je prendrai le train pour chez ma mamie Pierrette, à Mezange.

— Tu déconnes Zach,hors de question, je te laisse pas dans cet état, je pars avec toi, dit-il en reprenant son souffle de peur que je l'envoie sur les roses.

— Tu es sûr, c'est peut-être de la pure folie et pas garanti qu'il y ait possibilité d'avoir un billet retour.

— Je prends le risque après tout on a 18 ans et si on ne se lance pas maintenant, quand est ce que nous le ferons ?

— Oui enfin là, officiellement, on part pas en vacances, t'en a conscience ?

— Je sais pas dans quel bordel tu t'es foutu, Zach, mais tu peux compter sur moi. La semaine de vacances avec Olivier, pour tout te dire, j'en ai pas très envie ! Il me couvrira, j’en suis sûr.

— Et tes parents, ils vont dire quoi ?

— Ma mère, je la gère, et mon père, il fait tellement attention à moi que je ne serais pas étonné qu’il ai oublié ma semaine dans les Pyrénées.

— Tu n'aurais pas un truc parce que là ma tête va exploser… Laisse tomber démarre, je choperai un cachet en passant dans la boîte à pharmacie de mon père et j'en profiterai pour lui laisser un message. Mon téléphone est mort.

Manu sans réfléchir appuie sur l'accélérateur, c'est la première fois que je le vois se projeter sans se poser mille et une questions. Une main accrochée sur le volant, avec l'autre, il monte les vitesses avec facilité. J'ai dû mal à croire qu'il n'est pas prêt pour passer son permis.

— Sympa la conduite accompagnée avec toi, me lance-t-il tout en glissant à l'orange.

— Fais quand même gaffe faudrait pas qu'on se fasse flasher. Déconne pas, j'ai pas envie de perdre un point.

Je m'enfonce dans le siège, ferme mes yeux, les lumières m'agressent, mes mains pianotent sur mes cuisses au rythme de la radio qui crache un air de musique que je ne connais que trop bien et Manu aussi, Eddy De Pretto :

Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune larme glisser

Sur cette gueule héroïque et ce corps tout sculpté

Pour atteindre des sommets fantastiques que seule une rêverie pourrait surpasser.

On se regarde deux secondes, sous le coup de l'émotion, mes poils se hérissent sur les bras. Je ne sais pas si c'est l'air qui s'engouffre dans l'habitacle depuis que j'ai ouvert la fenêtre ou le shot l'adrénaline que je viens de m'enfiler pendant cette soirée. Ça cogne dans mon crâne, ça tape dans ma poitrine, ma vie s'accélère et celui qui a le pied sur la pédale pour l'heure c'est Manu.

Après dix minutes, il stoppe la voiture devant mon immeuble. Ses mains se mettent à trembler, tout son corps se relâche. Je viens poser les miennes sur les siennes, ça doit pulser dans sa tête et lui dis le plus calmement possible :

— Franchement Manu, tu as assuré je ne sais pas ce que j'aurai fait sans toi. Tu veux m'attendre où tu préfères monter ?

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