Rendez-vous fouareux

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Je n'y comprends plus rien. Qu'est-ce que le frère de Géraldine fait dans cet appartement ? Avec son couteau, il pense qu'il me fait peur ? Que je vais m'aplatir ? Cette soirée se transforme en du grand n'importe quoi. Pourquoi y-a-t'il autant de gars pour deux sachets de beuh ? Cédric, le cul sur une chaise, a bien ramassé. À sa tronche, je réalise que les choses ont mal tourné. Un homme avec une gueule patibulaire le maintient fermement assis. Sa main appuyée sur son épaule, il me toise du regard. Mais qui m'a envoyé les messages ? Si c'est Cédric, comment a-t-il fait ? L'a-t-il avant de se faire démonter ?

Dans le fond de la cuisine, proche du four, un autre gars est avachi sur le tabouret de bar. Il est dos à moi. Sa tête tombe vers l'avant. Je crains pour son état. Rien de rassurant. Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'un simple ravitaillement se transforme en un règlement de compte ? J'ai l'impression d'être dans un de ces vieux polars qu'affectionnent mon père. Il ne manquerait plus que Robert De Niro se pointe avec sa bande de truands. Je fais mon malin, mais je n'en mène pas large. Ressaisis-toi Zach, ne flanche pas. Pourtant, j'ai bien envie de jouer au con.

— Bon, les gars, si je comprends bien, la soirée est terminée ? On peut remballer, dis-je avec aplomb.

— Fais pas le malin Zach, t'inquiète ça va être ton tour, me répond Karl, le frère de Géraldine.

— Ouais alors écoute, t'es bien gentil, mais range ton attirail, tu pourrais te faire mal. Ta mère t'a jamais dit qu'il ne fallait pas jouer avec des objets tranchants.

— Ferme la, pauvre con. Si tu ne veux pas finir comme tes deux potes.

— Qui ? Cédric ? Parce que l'autre, il ne me dit rien.

— Pourtant, il joue dans la même cour que ton ami le volleyeur.

Quoi ! Je connais le gars qui gît au fond de la cuisine ? Vu comme il est sapé, on ne fréquente pas les mêmes boutiques. Le seul crocodile accessible est celui que me chantait ma maman tout petit.

Ah ! Les cro, cro, cro (bis)

les crocodiles

Sur les bords du Nil, ils sont partis,

N'en parlons plus.

J'ai un pincement au cœur. Mes poings se serrent dans mes poches. Tout à coup, j'aperçois la montre au poignet du gars KO sur la chaise. Elle me dit quelque chose. Mais oui, je la reconnais. Je rêve, pourquoi est-il là ? Décidément, le monde est petit et moi je suis le bouffon d'une comédie del arte.

— Tu peux m'expliquer Karl ? Je crois que ma version est périmée, demandai-je du tac-o-tac.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Qu'est-ce qui est périmé ?

— Ben, ce putain de rendez-vous foireux.

— Arrête de te faire plus bête que tu l'es. C'est ça de vouloir jouer chez les grands.

— Ouais, soupiré-je. Alors moi, j'étais juste venu…

— … T'en foutre plein les poches.

— C'est moi qui paie. Tu as vraiment que du courant d'air entre les oreilles. Ferme la porte, sinon ça va sonner vide dans ta cervelle. Je te rappelle que je consomme. Je ne vends pas, j'achète. Hé oh, réveil toi matelot, je viens me ravitailler.

— Tes potes ont voulu nous entuber, alors méfie-toi.

— Fais pas chier avec mes potes. Il y a en a un que je ne connais même pas.

— Enfin, lui, il est de mèche avec Cédric.

Décidément, c'est le bordel. Cédric a encore mis les pieds où il ne fallait pas. Je me suis fait bananer sur toute la ligne. Et Manu dans tout ça ? Est-ce qu'il est au courant des petites manigances de son ami ? Dois-je vraiment lui faire confiance ? À nouveau, une main m'attrape le bras et me le tire violemment dans le dos.

— Karl, lâche-moi.

— Ah pas de bol, je pourrais. Mais je te présente ton pire cauchemar.

Le mec face à moi est un baraqué, balafré et tatoué. Je crois que je suis bien dans la merde. Comment vais-je pouvoir m'en sortir ? Ils m'ont piqué mon portable, je ne peux pas prévenir Manu. Lui dire de filer. Je ne voudrais pas le retrouver assis à côté de moi. Il y a un truc qui me chiffonne. Un de ces flashs backs que l'on souhaite oublier et qui nous colle à la peau comme ce tatouage de double tête de mort enlacée.

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