A new day

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Le centre de Gastes est désert, pas étonnant à cette heure de la nuit. Les embruns marins chatouillent mes narines. La portion de route que nous empruntons borde l’océan, dont la surface scintille, éclairé par la lune.

— Je comprends mieux pourquoi tu voulais t’arrêter ici, on est au bord de la mer ! dis-je tout content.

— Presque, elle est un peu plus loin. Ce que tu vois est un grand lac, il y a même des hydravions qui s’y posent, me répond Zach qui finit de se moucher. J’y allais parfois les admirer avec ma mère.

Entre son cauchemar, les souvenirs de sa maman et cette conne de Géraldine, je ne suis pas étonné qu’il soit à cran. Lui comme moi, on a vraiment besoin de dormir. Savoir qu’il vient de casser avec Géraldine est à la fois une méga bonne nouvelle et la pire pour moi. La voie est libre, mais je vais surtout devoir l’aider à surmonter sa rupture. Je ne suis vraiment pas la bonne personne pour endosser ce rôle. C’est le grand bordel dans ma tête, je ne sais plus quoi penser. Pour l’instant, la priorité est de poser la bagnole. Je vois un grand parking désert, avec des arbres en bordure, parfait.

— Ça te va si on s’arrête ici ?

— N’importe où me convient, j’ai trop envie de pioncer, me dit Zach, déjà en train de trouver comment abaisser le siège.

Je vérouille automatiquement la voiture, tente de trouver moi aussi une position confortable pour dormir. Anouchka derrière, nous a déjà devancés. J’entends sa respiration. Je devine dans la quasi obscurité le visage de Zach, déjà endormi. A défaut de pouvoir me blottir dans ses bras, je me réjouis d’être si près de lui, même dans une voiture. Je ferme les yeux et tente de trouver le sommeil. Je ne peux m’empêcher de repenser à la photo que Zach a trouvée dans la voiture, celle de moi tout petit sur les genoux de mon père. Je me demande pourquoi il la conserve dans sa boîte à gants. Serait-il devenu sentimental ? Manu, ne te fais pas de film, et essaye plutôt de dormir.

Des images défilent dans mon esprit. Je me revois en début de soirée chez Olivier, une coupe de champagne à la main, puis moi quittant l’appart, en train de courir sous la pluie pour rejoindre la voiture de Zach, moi en train de soigner sa blessure dans sa salle de bain, notre hallucinante course poursuite. Et nous deux observant les étoiles scintillantes au-dessus de nos têtes. Elles veillaient sur nous pour nous porter chance. Nous en avons eu jusqu’ici, mais pour combien de temps ?

*

— Hé, ho, réveillez-vous les jeunes, vous ne pouvez pas rester là !

Je sursaute, ébloui par la lumière du jour. Je me retourne, endolori par la mauvaise position de la nuit. La tronche d’un mec moustachu me sourit. J’abaisse la vitre. Anouchka se met à japper.

— Bah, alors, on fait la grasse matinée ? Il est six heures, il faut partir, sinon, vous risquez d’être verbalisé. Le marché s’installe ici, revenez plus tard !

Je comprends rien à ce que ce mec me raconte.

— Excusez-nous, monsieur, on s’en va immédiatement, lui répond Zach, derrière moi.

Le mec a un temps d'arrêt. Il finit par rire en secouant la tête, avant de s’en retourner à son camion que j’aperçois devant.

Les cheveux en bataille, Zach me pousse gentiment pour que l’on s’active. Si sa tête ahuri ressemble à la mienne, je comprends pourquoi le mec se marrait. Je descends de la voiture, m’étire de tout mon long. Je ne me suis même pas aperçu que je bandais. Je cache comme je peux mon énergie matinale en tirant mon sweat à capuche devant la bosse de mon pantalon. Je prends la place de Zach, qui démarre aussitôt la voiture pour la stationner deux cent mètres plus loin.

Ils nous suffit de quitter le parking pour marcher dans le sable de la plage bordant le lac. Il n’y a personne, hormis une dame, habillée d’une petite polaire mauve, avec un gros Terre-Neuve. Le chien se met à aboyer en apercevant Anouchka. Comme elle, il n’a pas de laisse. Les deux chiens se tournent autour pour faire connaissance.

— Malbrouk n’est pas méchant, ne vous inquiétez pas, nous lance la dame, avec un grand sourire.

— Ils ont même l’air de bien s’entendre tous les deux, répond Zach, les mains dans les poches.

— Oui, je vois ça. Je n’ai pas l’habitude de croiser du monde à cette heure-ci, des jeunes qui plus est ! Vous êtes bien matinaux, dites-moi.

Nous nous regardons, comme deux bêtas, ne sachant trop quoi répondre.

— Et pas très bien réveillés ! Rien ne vaut une petite marche matinale pour ça. Revenez au marché tout à l’heure. Il y a un boulanger qui fait de délicieux croissants. Je suis sûr qu’il aura même une petite surprise pour votre chienne, n’est-ce pas, Malbrouck ?

Le chien répond à sa maîtresse en aboyant. Nous la remercions gentiment de sa proposition avant de continuer notre chemin. Marcher nous fait effectivement le plus grand bien.

— Si on m’avait dit que je me réveillerais au bord d’un lac…

— Ouais, c’est clair, me répond Zach, songeur. Tu sais, Manu, je t’ai pas tout dit pour hier soir, j’ai réfléchi et…

— Et rien du tout, tant qu’on n’a rien dans le ventre, on ne peut pas réfléchir correctement.

— À vos ordres, chef !

Je le bouscule gentiment d’un coup de coude. Faussement, il s’offusque et me bouscule à son tour. Je l’évite de peu et commence alors le jeu du chat et de la souris à nous poursuivre pour faire tomber l’autre sur le sable. Surprise, Anouchka entre dans la danse en jappant, ne sachant pas si son maître a besoin d’elle. Elle trouve un morceau de bois mort qu’elle attrape et vient l’apporter à Zach.

— Je crois qu’elle aussi a envie de jouer ! me dit-il, en lui retirant de sa gueule l’objet.

Il le jette le plus loin possible. Aussitôt la chienne pique un sprint pour l’attraper. C’est le top départ pour nous aussi. Nous courons en zigzaguant avant de nous écrouler dans le sable, au pied d'Anouchka qui ne comprend plus ce qui nous arrive. Nos rires la rassurent. Elle fait plusieurs fois le tour de nous qui sommes allongés sur le dos, côte à côte. Nous nous regardons, reprenant notre souffle. Je sens mon coeur battre à tout rompre.

— Nous voilà bien réveillés, je crois, me lance Zach en se relevant.

Il me tend la main pour m’aider à me mettre debout. Mais au lieu de ça, je ne peux pas m’empêcher de l’emporter dans ma chute. Au début, il résiste, puis se résigne à se laisser tomber sur moi, en se réceptionnant sur ses mains, pour se retrouver au-dessus de moi, comme s’il exécutait des pompes. Son visage si proche du mien me sourit. Il reprend sa respiration et attend quelques secondes, sans rien dire. Je déglutis, je ne sais plus quoi penser et encore moins quoi faire. A-t-il l’intention de m’embrasser ? Il finit par s'agenouiller, ses fesses viennent frôler le bas de mon ventre. Je me mets à bander direct. Putain, merde, ce n’est pas le moment ! Et tout à coup, il se déchaîne en me chatouillant. Je hurle direct en me tortillant dans tous les sens. Je crie qu’il n’a pas le droit et que ce n’est pas du jeu. Cela ne l’empêche pas de continuer de plus belles. Je réussis à le renverser sur le côté pour me relever.

J’enlève les grains de sable sur mon pantalon. A sa tête, il est content du tour qu’il m’a joué.

— Bon, allez, je commence à avoir la dalle, pas toi ?

Je lui réponds que je rêve d’un bon café. Il appelle sa chienne qui s’en est allée un peu plus loin, sûrement lassée de nos pitreries.

Nous retrouvons la BMW pour y prendre notre sac à dos et nos papiers. Au loin, nous apercevons le marché, déjà bien rempli d’exposants. Une nouvelle journée commence.

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