Au coin du feu

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— Il y a de quoi ravitailler un régiment vu le poids du panier, et je sais pas vous mais moi je meure de faim, s’écrie Camille toute joyeuse.

— Bon voyons voir ce qu'il y a de bon.

Zach regarde attentivement l'intérieur et éclate de rire.

— Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ça fait une éternité que je n'ai pas fait ça.

— Quoi donc ? dit Camille tout à coup très curieuse.

— Tu te souviens pas, avec Pierre à l'époque où il n'était pas un sale con, Grandpa nous accompagnait jusqu'à la plage. Une fois le feu de camp allumé, la toile de tente montée, il nous laissait ici tous les trois. Bien sûr, il s'assurait que nous ne manquions de rien. Dès la nuit tombée, il filait et nous étions libres de vivre une nouvelle aventure.

— Pas possible, il y a un paquet de marshmallow, ajoute Camille le secouant devant la tête de Zach.

— Une lampe torche, une boîte d'allumettes, des sandwichs au jambon et un paquet de BN.

— J’ai trop la dalle ! Merci Pierrette.

— Bon organisons-nous, dit Zach en me lançant le paquet d'allumettes. Je pars chercher du petit bois et toi mon p'tit Manu vous vous chargez de préparer le coin pour le feu.

— Tu crois qu’on a le droit de faire un feu, ici ?

— Tu m’avais pas dit que c’était un rabas-joie, ton copain !

— Écoute, tu vas pas me croire mais cette partie de plage est sur les terres de grandma au grand dam de cet abruti de Maire.

— La dinguerie ! Vous devez avoir de ces souvenirs, ici ! Il manque juste une guitare, de l’alcool et on se croirait dans une série américaine pour teenagers.

— Oui, ajoute Zach en faisant un clin d'œil à Camille.

— Il y a des moments que l'on n'oublie pas, précise-t-elle.

— Va pas te faire des films, Manu. C’est pas ce que tu crois.

— Mais je crois rien du tout. Je suis presque déçu, c’est tout.

— Toi, tu voudrais des histoires croustillantes sur ton pote ou je rêve, lâche Camille en me donnant un petit coup de coude dans les côtes.

— C’est un vrai obsédé, tu n’imagines même pas.

— Ok, ok, j’arrête, j’ai les oreilles chastes, de toute façon.

— Allez, on te taquine. Soyez sages, je vais chercher de quoi faire une bonne flambée.

Zach s'éloigne vers le bord de la forêt et disparaît me laissant seul avec Camille.

— Dis donc toi, je rêve où tu en pinces pour mon meilleur ami ?

— C’est Etienne qui m’a balancé ? Ça se voit tant que ça ?

— Non pas besoin, ça se voit comme le nez au milieu de ta figure, je suis étonnée qu'il n'est rien vu.

— Il est bien le seul, on dirait. Mais je t’en pris, bouche cousue. Je veux rien précipiter et c’est vraiment pas le moment de tout gâcher.

— Oula, je serai muette comme une tombe, mais c'est étrange. Zach est comme grandma, il lit chez les autres avec tant de facilité.

— Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, comme dirait mon grand-père.

— Et toi ça fait longtemps ? Que ? Tu vois ce que je veux dire…

— Comme je t’ai dis tout à l’heure, dossier sensible. M’en veux pas, c’est que c’est un peu trop le bordel dans ma tête

— Oui, c'est ce que j'avais compris mais bon là, c'est mon ami et il a déjà bien morflé.

— Ecoute, c’est très gentil de ta part de vouloir le protéger, je ferais pareil à ta place. Mais j’ai vraiment pas envie d’en parler pour le moment.

C'est à ce moment-là qu'une petite lumière rouge apparaît au loin, sûrement la cigarette de Zach. Aussitôt Camille me donne le paquet pour que je pique sur des bouts de bois les bonbons et ajoute à voix basse

— T'inquiète, promis cette conversation restera entre nous. Tu es un mec bien, Zach n'arrête pas de me le dire. J'ai confiance en lui aussi je peux t'accorder la même confiance. Je veux juste qu'il soit heureux.

— Qui doit être heureux ? demande Zach en posant le bois dans le futur foyer. Tony ?

— Oui, tout à fait, il vient de m'envoyer un message pour me dire qu'il était trop heureux de pouvoir arriver un jour avant et comme j'étais trop contente, je n'ai pas pu m'empêcher de le dire à voix haute. Manu a été témoin de mon enthousiasme.

— Cool, dit Zach en prenant Camille dans ses bras. Attention si tu me fais des cachotteries je le serai, tu mens très mal.

— Du coup, je mange un morceau avec vous et je file pour pouvoir aller le chercher à la gare aux aurores.

Zach n’a aucun mal à allumer le feu qui prend très rapidement. Sa complicité avec Camille fait chaud au cœur. J’aurais peut-être dû m’ouvrir à elle au lieu de me replier sur moi comme je le fais trop souvent.

— Tiens mon p'tit Manu, je me suis dis que tu pourrais me montrer comment on fabrique un moulin à eau, on n’a pas vraiment eu le temps tout à l’heure, dit-il en me tendant une poignée de bout de bois.

— Il me manque un couteau bien affûté, c’est con, j’en avais un dans mon sac.

— Ce n’est que partie remise.

Nous nous installons autour de l'âtre, les premières flammes réchauffent l'espace. Camille distribue les sandwichs que nous dévorons sans plus tarder. Zach a trouvé trois bières, j’hallucine.

— Ah ça, c'est le petit plus, précise-t-il en me tendant la bouteille.

— C'est clair, dit Camille le sourire aux lèvres, avant nous avions juste le droit à une grenadine. Pourquoi tu te marres, Manu ?

— Quand je vois comment vos grand-mères sont au petit soin, je me dis que ça n'aurait pas été du luxe qu’elles donnent deux ou trois leçons à la mienne. Parce que moi, c’était plutôt thé anglais et biscuit dégueux au petit salon.

— Ah nos grands mères valent le détour, on ne s'ennuie jamais à leur côté, ajoute Camille en éclatant de rire.

— Et encore tu n'as pas connu mon Grandpa, je peux te dire que passer du temps avec lui était toujours un moment incomparable. Il était prêt à faire les quatre cent coups sans hésiter.

— Bon le mien je t'en parlerai pas, Mimie a eu tellement d'histoires avec de charmants jeunes gens qu'à force je ne sais pas vraiment qui était mon grand-père.

Je manque de recracher ma bière.

— Oui je crois que finalement ta grand-mère est encore plus atypique que la mienne. Elles font un sacré duo. Pas étonnant qu'elles se soient lancées dans ce projet de manifestation.

— J'espère qu'elles sauront rester raisonnables le temps venu.

— Tu plaisantes, tu les connais, raisonnables ne fait pas partie de leur vocabulaire. Ni du nôtre en y réfléchissant. Tu sais pas où tu as mis les pieds Manu. J’espère que vous restez assez longtemps ici pour m'aider au cas où ça tournerait mal.

— C’est que, pour tout te dire, Camille, avec Manu, on va devoir partir le plus tôt possible…

— Oh, non, vous déconnez les garçons, restez, pleaaase ! Une petite semaine, ça vous dit pas ?

— Elle est prévue quand exactement votre manif ?

— Le week-end prochain.

Nous nous regardons avec Zach.

— Je te promets rien, si les choses se calment pour nous, on revient, promis pour vous filer un coup de main.

— Tu me tiendras au courant. Bon allez je rentre avant que Mimie lâche les chiens pour me retrouver et Zach si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle.

Camille dépose un bisous sur sa joue et murmure à son oreille. Puis elle se retourne et me fait un petit signe de la main. Elle emmène avec elle son agréable parfum. Elle est vraiment pétillante cette fille ! Zach la regarde partir, pensif, sa brochette à la main.

— J’ai comme l’impression que tu as eu les yeux plus gros que le ventre. Si tu ne la finis pas, moi je dis pas non.

— J’avais oublié que tu étais gourmand. Tiens, régales toi, moi j’en peux plus. J’ai un gros coup de barre d’un seul coup. Je rentrais bien.

— Déjà ? Je serai bien resté encore un peu.

— C’est vrai, on est bien ici, devant ce feu, sous les étoiles. Allez, raconte-moi n’importe quoi, histoire que je ne m’endorme pas.

— J’ai bien une idée, mais je ne suis pas sûr que tu apprécies. Je m’en voudrais que tu fasses des cauchemars.

— C’est encore une histoire de cul ?

— Tu m’as déjà vu te raconter un truc salace ? dis-je, piqué.

— Néan, je blague. Rien ne peut me choquer, tu sais.

— Tu es sûr de ce que tu dis ?

Il se cale confortablement sur le côté, le coude sur sa serviette.

— Allez lance toi, je suis prêt à t’écouter. Après tout, c'est l'été de tous les risques. Et puis quoi que ce soit, je te dois bien ça, dit-il en baillant.

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