Mal de crâne

7 minutes de lecture

Ce matin, je me réveille avec un horrible mal de crâne. La nuit a été agitée tout autant que la fin de journée. Pour commencer, j’étais peinard, seul, à barboter dans l’océan et Monsieur Etienne s’est tapé l’incruste. Je me sentais si bien. J'enchaînais les longueurs, l’eau apaisait mon esprit et détendait mes muscles. Je rêvassais la tête dans les nuages. Mes pensées voyagèrent et mon corps se relâcha, tant et si bien que je me retrouvai comme un con avec un début d'érection devant Étienne. Heureusement, il a eu la délicatesse de me jeter mon caleçon mais bien sûr il n'a pas pu s'empêcher d'ajouter un commentaire : "putain, je comprends mieux ". Moi, j'ai pas su me taire, des fois je ferais mieux de fermer ma gueule. Alors j'ai posé la question de trop : " Qu'est-ce que tu entends par là ?" Sans aucun filtre, il s'est empressé de me dire : " t'es sacrément gaulé, pas étonnant qu'il fantasme sur toi".

Alors là, il m'a perdu avec ses allusions ou sous-entendu. Sentant que je perdais le contrôle de la situation, je lui ai alors demandé de me jeter ma serviette. Il n'a pas pu se retenir et a joué au plus malin. Mais c'est mal me connaître, je reste le plus costaud des deux. J’ai tiré sur la serviette et il a fini tout habillé dans l'eau. Résultat : j'étais toujours à poil, rien pour me sécher et lui qui ne perdait pas le nord en me suggérant de le rejoindre. Quelle idée ! Il croyait quoi ! Non mais même pas dans ses rêves ! Il est pas du tout mon genre, son tatouage est sexy mais pas autant que les abdos de … mais qu'est ce qui m'arrive ? Je pars en vrille. Du coup, je l'ai laissé planté dans l'océan et lui ai donné rendez-vous dans le salon de Grandma une fois qu'il se serait rafraîchi. J'ai enfilé mon short et filé en direction de la forêt. Je l’entendais me crier : "ne ferme pas la porte". Mais quelle porte ? Qu’est-ce qu’il pouvait raconter comme conneries ! Est-ce qu’il existe un décodeur pour traduire l’Etienne ? Plutôt que de me balancer des énigmes, il ferait mieux d’aller droit au but. Quand il a une idée derrière la tête, il ne lâche pas le morceau.

À l'abri sous les pins, mes idées se sont emmêlées et mes pieds se sont empêtrés dans une racine. J'ai fini étalé au sol la tête la première, je vais devoir envisager investir dans un casque et le porter en non-stop. Légèrement sonné, je me suis relevé et passé ma main sur mon front pour y découvrir un œuf en formation. La douleur restait supportable, j'ai poursuivi ma route jusqu'à la maison.

À peine arrivé, j'ai entendu des cris provenant du salon, j'ai pressé le pas pour aller voir ce qu'il en était, inquiet. Dans ma précipitation, j'ai glissé et fini le cul dans la marre aux canards. Les volatiles se sont mis à faire un barouffe d'enfer, effrayé par mon intrusion. Pendant que je me redressais tant bien que mal, j'ai entendu un fou rire derrière moi et un "fallait me le dire que tu préférais les oiseaux, tu fais dans la zoophilie, chacun ses goûts, tu me déçois. Je te pensais un mec à femme, tu n'es qu'une petite poule d'eau".

Furieux, je me suis retourné. J'ai reconnu la voix de mon cousin Pierre. En colère, j’ai foncé dans sa direction, prêt à lui en mettre plein la tronche. Il me gonflait au plus au point, entre les insultes, le fait qu’il emmerdait Grandma en se ralliant à la cause de Beauseigneur et le pire du pire il avait joué au chauffeur pour Manu. Je n’avais qu’une envie de me défouler sur lui, mais les mots de Manu me sont revenus en pleine tête " la violence ne mène à rien". D'habitude, il est là pour m'empêcher de faire le pire, pour me calmer dans les situations les plus compliquées. Même si physiquement il n'est pas présent, je sais que j'ai merdé et il ne souhaiterait pas que je fasse quelque chose qu'ensuite je regretterai. Pierre a profité de mon absence temporaire pour me pousser en arrière et me balancer avec son air de fils à papa " rejoins la fange, c'est ton royaume".

Je me suis rattrapé tant bien que mal, j’étais au bord d'exploser, je sentais mon pouls frapper mes tempes. Mais je résistais, il ne réussirait pas à me péter un cable. Il en a profité pour s'échapper et faire crisser les pneus, j'ai évité de justesse les graviers propulsés par son accélération. À ce moment-là , Étienne est arrivé pour m'aider, il m’a sorti de mon bourbier. Il hurlait en direction de Pierre : "p'tit con prépare-toi, tes avocats vont avoir du pain sur la planche" la réponse ne se fit pas attendre, mon cousin sortit son bras par la fenêtre et nous gratifia d'un doigt d'honneur tout en klaxonnant. Il m'écoeure. Puis, je me suis retourné et j'ai découvert Grandma allongée au sol.

J’ai foncé dans sa direction et me suis jeté à terre. Elle avait perdu connaissance, les battements de mon cœur s'affolaient pourtant j'essayais de garder mon calme. Mes mains tremblaient, je m'assurais qu'elle respire et l'installait en position latérale de sécurité. Étienne, quant à lui, continuait à balancer des cailloux en direction de la voiture et il se stoppa net en m'entendant hurler. Il se précipita à son tour pour m'aider et posa ma serviette de plage sous la tête de Pierrette. Mes pensées fusèrent dans tous les sens. Une main se posa sur mon épaule et je perçus faiblement quelques mots :

— Regarde tout va bien, elle reprend connaissance, me disait Etienne.

Je serais Grandma fort contre moi, j'avais un besoin irrépressible de sentir son souffle dans mon cou.

— Grandma, tu m'entends, tout va bien aller, je suis là.

— Où est passé ce salopiaud de Pierre ? disait-elle en se redressant.

— Calme toi, je t'en supplie. Il est parti.

— Heureusement pour lui, sinon je lui aurais administré une fessée cul nul devant la place de la Mairie. Il s'en serait souvenu.

— S'il te plait, apaise toi. Tu viens de faire un malaise, disais-je tout en la tenant fort contre moi.

— Zach à raison Pierrette, il te faut prendre soin de toi.

— Appelons Max, pour qu'il vienne t'ausculter.

— On ne va pas l'embêter pour si peu. Allez les garçons aidez moi à me lever. On va boire une bière, ça me requinquera.

— Mais …

— Après tu pourras l'appeler si tu veux, comme ça tu pourras lui montrer l'entaille que tu as au milieu du front.

— Qu'est ce que tu racontes ? Elle a cicatrisé depuis le temps.

— Alors pourquoi saignes-tu ?

Je passa ma main sur le visage et réalisa que mes larmes étaient rouges. Je sentis le sol se dérober sous mes fesses, les arbres semblaient bouger dans tous les sens pourtant il n'y avait pas une pique d'air sinon pour quelle raison est-ce que je transpirais ? Des gouttes de sueur se mêlaient au filet de sang qui coulait sur ma joue. Mes yeux me piquaient, je me sentais nauséeux, ma vue se troublait, une main ferme m'attrapa pour me guider vers le fauteuil du salon. Je ne me souvenais pas qu'il faisait office de rocking-chair, ça balançait beaucoup trop. La dernière fois où je me suis senti aussi mal je ne l'oublierai jamais. Ce connard de curé avait eu le débilité de dire qu'il regrettait de ne pas avoir vu ma mère aux offices ces derniers temps. J’aurai voulu lui faire fermer son clapet mais je fus dévasté en voyant mon père s'effondrer en larmes. Il venait de dire de doux mots pour celle qui l'avait rendu heureux en 20 ans de vie commune. Comment un homme d’église pouvait-il faire une telle remarque le jour d’un entterrement ? Puis, nous avons accompagné le cercueil jusqu'à son dernier voyage et après je ne me souviens plus de rien. Je m'étais évanoui dans les bras de Grandpa. Quelques mois plus tard, c'était à son tour de la rejoindre dans les étoiles.

Là à nouveau, je me sentais vraiment mal, j'entendais une voix, la sienne mais impossible il n’était pas revenu. Pourquoi serait-il là ?

— Manu, Manu ne pars pas, j'ai besoin de toi, criai-je en me redressant d'un coup d'un seul sur mon lit.

— Tout va bien Zach, c'est moi, Étienne, me répondait-il en plaquant ses mains sur mes épaules.

— Où est ce que je suis ? demandais-je tout en regardant autour de moi.

— Dans ton lit, Pierrette m'a demandé de veiller sur toi cette nuit.

— Je ne comprends rien. Pourquoi ?

— Tu ne te souviens pas ?

— De quoi ? Ah si Grandma, elle est où ? Comment va-t-elle ?

— Bien mieux que toi. Rassure-toi, elle s'est endormie il y a une vingtaine de minutes. Camille veille sur elle. Max nous a dit qu’il s’agissait d’un malaise vagal lié au surmenage.

— Et moi, comment suis-je arrivé jusqu'ici ?

— Max et Bruno t'ont monté. Le Doc a garanti qu'il n'y avait pas besoin de t'emmener à l'hosto. T'as la tête dure, quelques points de suture et tu es comme neuf.

J’ai passais mes mains sur mon visage et découvrais le bandage sur mon front.

— Même en momie, tu as une belle gueule.

— Te fous pas de moi.

— Allez, repose-toi si tu as besoin, je suis juste au-dessus de toi.

— Etienne, merci pour tout, dis-je en réalisant qu'il s'inquiétait vraiment.

— Oh de rien, dans l'histoire je pense qu'il n'a pas tort, tu as des putains yeux bleus auxquels on ne peut dire que oui.

Annotations

Vous aimez lire Tom Ripley ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0