Ross & Wel

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23h. Marion et Johan sont arrivés. Ça fait tout drôle de les voir habillés. Marion a laissé glisser ses cheveux ondulés sur ses épaules. Sa robe au voilage légèrement transparent est ravissante. Johan porte un simple short et une chemise à fleurs entrouverte. Sa peau dorée fait ressortir ses yeux bleus clairs. Ils forment un joli couple. Étonnamment, Fabrice s’est changé lui aussi. Il a troqué sa tenue décontractée contre un bermuda et polo assortis aux couleurs vives. Pour ma part, je suis resté en short et t-shirt décontracté.

Les températures ont légèrement baissé et la nuit s’annonce plus respirable. Fabrice nous sert une bouteille de champagne au salon, dans une ambiance tamisée. Il a choisi une musique feutrée d’une bossa nova. Ses amis sont confortablement installés et des plus détendus. Sont-ils vraiment au courant de ce qui se passe ? Contrairement à eux, ma sérénité retrouvée de cet après-midi a complètement disparu. Marion qui a du remarquer mon impatience, me demande enfin de leur expliquer une nouvelle fois ce que Fabrice a pu leur raconter dans les grandes longueurs au téléphone.

Il est deux heures du matin, Marion est encore penchée sur son ordinateur. Elle n’arrête pas de froncer des sourcils. Fabrice est à ses côtés pour la soutenir. Je ne suis pas sûr qu’il y comprenne grand-chose, mais ça n’a pas l’air de le déranger, au contraire. Pendant ce temps, Johan est avec moi sur le canapé, un ordinateur portable sur les genoux, sur lequel il s’acharne lui aussi. Je ne sais pas si c’est le champagne ou les lignes de commande qui défilent sur l’écran qui me donnent le tourni, mais je n’ai qu’une envie, c’est d’aller me coucher. Quand soudain, Marion pousse un cri de joie.

— Ça y est, j’ai réussi ! s’exclame-t-elle, victorieuse, avant de coller un smack sur la bouche de Fabrice, qui malgré la surprise, fait comme si de rien n’était.

J’ai la berlue ou elle vient de l’embrasser ? Je regarde Johan qui comme moi a assisté à la scène. Ça n'a pas l’air de l’avoir choqué.

— Donne-moi accès à ton ordi, chéri, je t’envoie tout en copie.

— Ça roule, mon amour.

— Vous avez trouvé quelque chose ?

— Oh que oui, Manu. Je suis désolé pour ton père, mais ce qu’a réussi à rassembler l’associé de ton père n’est pas joli joli.

— De quoi s’agit-il exactement ?

— Pour commencer, Patrick savait en nous envoyant le lien que nous pourrions entrer sans grandes difficultés dans le système informatique de leur société, même s’il est soit disant 100% sécurisé.

— Tu as devant toi les célèbres hackers français, Ross & Well.

— N’exagèrons pas, Fabrice, on se débrouille, c’est tout, lance Marion, avec néanmoins une pointe de fierté dans la voix. Ne me regarde pas comme ça, Manu. On n’est pas du genre à pirater des ministères ou des hôpitaux et demander des rançons, jamais de la vie. Mais faire chier Bill Gates, oui. Les logiciels libres, ça te parle ?

— Ouais, vaguement…

— Commence pas à le saouler avec ça, tu vois bien qu’il n’y panne rien, pas vrai ? poursuit Johan, en me faisant un clin d'œil.

— Je me tais, je suis pas venue pour faire ma pédante et encore moins te donner un cours, même si je crois qu’il est notre devoir de citoyen de continuer à défendre la liberté de pensée. Sur la toile, il y a encore du boulot…

— Arrête, et dis nous plutôt ce que tu as trouvé. De mon côté, je crois être sur un truc curieux, mais je ne suis pas encore certain, enchaîne Johan.

— Manu, ton père est tout sauf blanc comme neige.

— Je ne suis pas si surpris que ça.

— Pour commencer, il y a deux ou trois bricoles pas très clean dans sa compta et ses impôts. Ce n’est pas le premier à qui ça arrive et pas le dernier, mais passons. Deuxièmement, et c'est là que ça devient intéressant, il y a sept ans, il a monté une deuxième société, Gaïa Herbolario, tu étais au courant ?

— Non pas du tout. Je sais seulement que la société qu’il a avec Patrick concerne le gros matériel et véhicules dans le BTP avec l’Espagne. En quoi est-ce un problème d’avoir créé une autre boîte ?

— Aucune sur le principe. C’est une société d’import-export, spécialisée dans l’herboristerie du monde entier, tout ce qu’il y a de plus légal en apparence. Il y a même un site en ligne, ça donne très envie, d’ailleurs. Ça te dit vraiment rien ?

— Non, désolé.

— Les premières années d’exploitations, tout va bien. Au vu des bilans d’exploitation et financiers, la société monte en flèche et se stabilise, rien à dire. Sauf qu’il y a un hic, un gros. Depuis deux ans, il y a des transferts d’argent de la boîte de BTP sur cette dernière qui n’ont pas lieu d’être.

— Et Patrick n’a rien vu, c’est curieux, non ?

— Ton père s’est cru malin. Mais son associé est loin d’être un abruti. Dans le dossier auquel il nous a gentiment donné accès, j’ai constaté qu’il a consciencieusement relevé un tas d’incohérences au fil des années. Au départ, ce n’était pas grand chose, mais au fur et à mesure, les sommes détournées sont de plus en plus régulières et importantes.

— Comment savoir que c’est bien son père et non Patrick qui détourne l’argent ? demande Fabrice.

— C’est pour cette raison que nous sommes là, non ? Malgré toutes les précautions prises, monsieur Courtois a forcément laissé des traces.

— Vu le sourire de Marion, ça va être un jeu d’enfant pour elle de prouver qui a fait quoi, où et quand, ajoute Johan, confiant.

— Donnez-moi quelques heures, et j’en fais mon affaire. Patrick devrait pouvoir être blanchi et s’en tirer sans trop de problème.

— Sérieux, c’est aussi simple que ça ? m’étonne-je.

— Seulement quand tu as des pros en face de toi, prévient Fabrice.

— Attend, pas si vite, qu’est ce que c’est ce bordel ? s’écrie soudain Johan en fermant brusquement son ordinateur, mal à l’aise

— Il y a autre chose ? demande-je.

— Je…

— Vas-y, crache le morceau. Mon père est à la tête d’un réseau de proxénétisme ou quoi ?

— Ah, ah, très drôle, si tant est que ça le soit. Non, pas du tout. Ça n'a rien à voir avec ce détournement d’argent. Ton père est en ce moment à Madrid, c’est bien ça ?

— Oui, pourquoi ?

— La livraison du paquet que Zach était censé faire, c’est aussi à Madrid, n’est-ce pas, drôle de coïncidence, non ?

— Oui, on en a conclu la même chose avec Zach, mais comme je vous l’ai dit, il n’a pas prévu de faire le trajet, c’est pour ça que Karl veut le récupérer.

— J’avais bien compris. Mais je crois avoir trouvé le lien entre ce trafic et ton père.

— Tu déconnes ?

— Il est encore trop tôt, je ne voudrais pas m’avancer. Je dois encore vérifier certaines choses. Dans les différents documents de Patrick que j’ai pu consulter, un terme revient à plusieurs reprises : Antelax. C’est quoi ce machin ? Qu’est ce qu’il y a Manu, t’es tout blanc d’un seul coup ?

— C’est ce qu’a prononcé Zach dans son sommeil. Il ajoutait aussi “Méfie toi des Courtois”.

— Merde. Et si ton pote était aussi sur la piste de ton père ?

— Mais pourquoi ? Ça n'a aucun sens. Il ne le connaît pas. Il ne l’a vu qu’une seule fois à une réunion parents professeurs.

Nerveux, Johan s’allume une clope.

— Marion, jette un coup d'œil à mon ordi, et dis-moi ce que tu en penses.

Marion s'exécute. Son regard s'assombrit. Elle nous regarde un à un.

— C’est grave, docteur ? Tentè-je pour dédramatiser.

— Je ne touche pas à ça, c’est trop gros pour nous et surtout en dehors de notre domaine de compétence.

— Vous me laissez tomber, c’est ça ?

— Pas si vite, mon beau, échappe Johan. Nous connaissons quelqu’un encore meilleur que nous qui saura t’aider. Son éthique et sa manière de faire sont… Comment dire, plus radicales. Attention, ce n’est pas une critique, mais un compliment. Il est d’une autre génération, la tienne et je pense qu’il a un temps d’avance sur nous.

— Je comprends rien à ce que tu dis.

— Te casse pas la tête, je le contacte tout de suite.

— Au beau milieu de la nuit ?

— Il ne dort jamais à ce qu’il paraît. Son nom de scène, si je puis dire, est Light Yagami.

— Comme dans le manga Death note ? Ne me dis pas qu’il tue aussi facilement ses ennemis, en écrivant simplement un nom sur un cahier.

— Non, je ne pense pas. Si c’était le cas, je préfère ne pas savoir. Il est aussi rusé qu’un renard. T’as de la chance, il crèche à la Rochelle. Tu pourrais peut-être lui rendre visite, qu’en penses-tu ?
— A vrai dire, ça fait un peu trop d’informations en si peu de temps à digérer. Je ne sais pas quoi en penser.

— Je crois qu’on a tous besoin de sommeil surtout, lance Fabrice.

— J’ai bien envie de creuser encore un peu cette affaire, annonce Marion, les yeux alertes.

— J’en étais sûr, une fois lancée, on ne l’arrête plus, déclare son compagnon.

— Les amis, vu l’heure, je vous propose de rester dormir. Et tu viendras te coucher quand tu veux, Marion.

— Si Manu occupe la chambre d’amis, on prendra le canapé, t’inquiète, propose Johan.

— Il n’est pas convertible, mais je vous prête mon lit, je dormirais sur un lit d’appoint que j’ai dans la chambre.

— Ok, on fait comme ça, répondent-ils en cœur.

Il est presque trois heures. J’ai les yeux qui se ferment tout seul. Je lance un bonne nuit à tout le monde et m’en vais dans ma chambre. Alors que je referme la porte, j’entends Johan se marrer à voix basse.

— T’abuses, Fabrice. Il est loin d’être con, il sait que t’as un lit king size, non ?

— Moins fort, idiot, arrête tes pitreries sinon…

Je n’entends pas le reste de la phrase, juste un rire étouffé. Décidément, les amis de Fabrice sont certes très sympas mais un peu chelous.

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