Naaan, il ne plaisante pas !

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J’ai préféré m’isoler dans la chambre d’amis pour passer mon appel.

— Allô, maman, c’est moi.

— Oh, mon chéri, j’arrive enfin à te joindre !

— Désolé, mais je ne suis pas obligé d’être joignable 24h/24.

— Je sais mon grand, mais tu connais ta mère. Tu vas bien ?

— Oui, oui.

— T’es toujours avec Zach ? Allô, tu m’entends ?

— Oui, je t’entends. Je suis toujours avec Zach, pourquoi tu me poses cette question ?

— Pour rien, je voulais juste prendre de vos nouvelles.

— Maman, qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien avec Patrick ? ll est toujours à Madrid avec Francis ?

— Arrête d’appeler ton père, Francis, s’il te plaît. Tu peux l’appeler papa, non ?

— Inutile de remettre ça sur le tapis. C’est tout sauf un véritable père pour moi, t’es bien placé pour le savoir, non ? Tu viens de le quitter et tu trouves encore le moyen de prendre sa défense, j’avoue que ça me dépasse.

— Je sais ce que tu en penses, mais ça reste et restera jusqu’à la fin de ta vie ton père que tu le veuilles ou non…Il m’a appelé plusieurs fois, il cherche désespérément à te joindre.

— Attends, je comprends plus rien. Tu me dis de vivre ma vie et finalement tu te plains qu’il ne puisse pas me contacter, il faudrait savoir.

— Je sais, j’avais peur qu’il ne réagisse trop durement pour la voiture et qu’il te prive de je ne sais quoi pour tes vacances.

— Ouais, bah, il n’est pas prêt de se venger, si tu veux mon avis.

— Calme-toi, mon chéri. Je regrette presque de t’avoir encouragé à ne pas le suivre. Il a failli ne pas partir à Madrid avec Patrick, tu sais. Ça avait l’air très important. Il n’a rien voulu me dire. Pourquoi tu ne lui réponds pas ? C’est à cause de notre séparation ?

— Pas du tout. C’est un truc entre lui et moi, laisse tomber. Et toi, qu’est-ce que tu voulais me dire, maman ?

— Assieds-toi mon chéri.

— Tu me fais peur, là. Il lui est arrivé quelque chose de grave ?

— Non, enfin pas pour le moment. Tu sais combien ça n’a pas toujours été facile avec ton père… Et ça fait longtemps que Patrick et moi…

— Et ?

— Ton père n’est pas prêt à digérer le fait que ce soit moi qui ait pris la décision de le quitter…

— Je t’arrête tout de suite maman, ce sont vos histoires, pas les miennes. Je te soutiendrais quoi que tu décides…

— Je ne te demanderais jamais de prendre parti mais dans les prochains jours, tu risques de voir les choses peut-être différemment.

— Comment ça ?

— Ce sont des histoires d’adultes. Patrick me conjure de t’en parler, mais tu es si jeune...

— Maman, on vient de fêter mes dix-huit ans, alors épargne-moi…

— C’est pas ce que je veux dire. Je sais que tu es majeur et responsable. C’est juste que je voudrais te protéger encore un peu. Je ne voudrais pas qu'à cause de nos histoires, tu en fasses les frais…

— Dans deux mois, je suis en Irlande avec ton frère, je serais loin.

À l’autre bout du téléphone, j’entends soudain la voix de Patrick qui se veut pressente.

— Attends, mon chéri, Patrick veut absolument te parler.

— Mais, comment ça, t’es avec lui à Madrid ?

— Allô, Emmanuel ?

— Oui. Qu’est-ce qui se passe à la fin ?

— Ta mère est venue me rejoindre, mais ton père n’est pas au courant, bien entendu. Pour commencer, sache que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour rendre heureuse Françoise.

— Je t’apprécie Patrick, tu le sais. Tu as besoin de mon accord pour lui demander sa main ?

— Si seulement, ça pouvait être ça, je serais le plus heureux des hommes. Mais tu n’y es pas du tout.

— Dis-moi, alors.

— Ça fait des années que je travaille avec ton père, j’ai suivi sa carrière politique depuis le début. Je l’ai toujours soutenu, quitte à sacrifier une grande partie de ma vie pour que notre boîte d’import-export soit au top niveau.

— Oui, je sais tout ça, papa me l’a assez répété. Combien de fois je t’en ai voulu de le voir passer en courant d’air dîner à la maison avant de repartir bosser à tes côtés.

— Je suis conscient de tout ça. Mais aujourd’hui, j’ai envie d’autre chose. J’ai envie de penser à moi pour une fois.

— C’est cool, où est le problème ?

— Ce n’est pas la principale raison de notre appel. Pour faire court, si ton père est arrivé à son poste de maire, ce n’est pas sans difficultés. Il du faire des choix, difficiles pour certains. Au fil des années, il a commencé à passer de plus en plus de temps dans son bureau de maire, et cela au détriment des responsabilités qui lui incombaient dans notre affaire. Aujourd’hui, l’équilibre n’y est plus du tout. De plus, j’ai découvert récemment qu’il a mis en danger notre boîte en se servant d’elle pour un business qui n’a rien à voir avec nos affaires.

— Il a magouillé, c’est ce que t’es en train de me dire ?

— Oui, clairement. Et aujourd’hui, je crois pouvoir le prouver. Jusqu’ici, j’ai fermé ma gueule, mais il est allé trop loin. Et si je ne le fais pas maintenant, c’est moi qui vais y laisser des plumes.

— Et pourquoi tu n'es pas aller le balancer à la police ?

— Je serai considéré comme complice dans cette affaire. J’aurais dû le dénoncer plus tôt pendant qu’il était encore temps pour sauver ma peau. Mais, il y avait ta mère, je ne voulais pas.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ?

— Ton père est un sacré malin, il s’est bien protégé. Il se croit intouchable, mais je suis sûr qu’il y a moyen de le coincer. Il est grand temps qu’il réponde de ses actes.

— Comment ça, expliques-moi, tu m’en as trop dit ou pas assez.

— Tu vas me trouver lâche, mais tout seul je n’y arriverai pas. J’ai pu réunir un certain nombre de documents qui pourront je l’espère servir de preuves, mais je n’ai pas accès à tout ce que je voudrais. J’ai envoyé un mail à Fabrice. Il m’a dit qu’il pourrait peut-être en faire quelque chose.

— Mais comment sais-tu que je suis chez lui ?

— Tu viens de me le confirmer.

Merde, quel con, je me suis fais bêtement avoir.

— Avec ta mère, on est content que vous soyez avec Zach tous les deux. Il va avoir besoin de toi, tu sais.

— Pourquoi tu dis ça ?

— C’est la seule solution que j’ai trouvée pour vous aider. Vous allez devoir vous débrouiller. Rassure-toi, vous ne serez pas seuls dans cette affaire, promis.

— Tu me fais carrément flipper là. Je crois que maman avait raison, je suis trop jeune pour…

— J’espère que les copains de Fabrice sont des bons.

— Mais tu parles de quoi ? Qu’est-ce que Fabrice a à avoir avec cette histoire ?

— Il t’expliquera. Je sais que je t’en demande beaucoup et que c’est ton père, mais je suis pieds et poings liés.Ta mère aussi. Quand ton père apprendra notre relation, il n’hésitera pas à nous faire porter le chapeau à tous les deux.

— J’ai l’impression que je n’ai pas trop le choix.

— Si, tu as le choix et nous comprendrions que tu refuses.

J’entends ma mère pleurer et reprendre le téléphone.

— Oh, mon chéri, je suis tellement désolée, je suis une mauvaise mère. Je suis à bout, je ne sais plus quoi penser.

— Ça va, maman, t’inquiète, on est avec Fabrice et toi avec Patrick, c’est le principal.

— Je dois te laisser, mon chéri. On s’appelle très vite, d’accord ?

— Oui, maman.

Dans quelle merde se sont-ils fourrés ? Je fonce retrouver Fabrice. Il est assis sur le canapé, un ordinateur sur les genoux.

— C’est quoi, cette histoire avec Patrick ?

— Ta mère avait commencé à m’en parler, mais je ne voulais pas rentrer dans leurs histoires. Ça a beau être ma meilleure amie, ça va trop loin pour moi.

— Qu’est-ce qui t’as fait changer d’avis ?

— Toi, imbécile, et ton copain Zach. Il est hors de question que vous soyez mêlés à des histoires d’adultes irresponsables.

— J’ai bien peur qu’il soit déjà trop tard.

— Ne soit pas défaitiste.

— J’ai gaffé, Patrick sait que je suis ici. Mais il croit que Zach aussi.

— C’est pas grave. Ça ne change pas grand chose pour le moment.

— Il t’a envoyé un mail.

— Oui, je viens de le recevoir. Regarde, c’est un lien qui renvoie à un site sécurisé. Mais je n’ai pas le mot de passe.

— C’est malin. On fait comment ? Il m’a parlé de tes amis, qui est-ce ?

— Tu les as rencontrés cet après-midi, Johan et Marion.

— Sans déconner ! Ce sont des pirates informatiques ou quoi ?

— On peut dire ça comme ça.

— Tu plaisantes…. Naaan, il ne plaisante pas ! J’espère qu’ils seront habillés cette fois-ci.

— Comment tu peux plaisanter dans une situation pareille.

— Chacun gère son stress à sa manière, non ?

— T’inquiète, ça va bien se passer.

— En général, quand ils disent ça dans les films, c’est que l’affaire pue un max et que le pire est à venir.

— Heureusement, on n’est pas dans un film.

— Monsieur a toujours réponse à tout. Et moi qui pensait naïvement que je pouvais respirer tranquille encore quelques jours. Je crois que je vais me rependre une deuxième coupe de champagne, tu m’accompagnes ?

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