Merci Pierette

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Un rayon de soleil sur mes paupières fermées, je profite de sa chaleur. Je m’en fous de savoir l’heure qu’il est, je reste là, recroquevillé sur le côté, avec une présence derrière moi qui m’enlace. Le temps que mon cerveau percute que c’est Étienne, panique à bord ? Non, je sais que nous avons juste dormi ensemble, rien de plus.

J’essaye de retirer doucement sa main de ma hanche pour ne pas le réveiller, mais il est trop tard, j’entend un grognement de reproche dans mon dos. Je me retourne maladroitement.

— Salut mon beau volleyeur qui m’écrase. C’est quoi cette tête ? J’ai pas lâché de caisse, pourtant.

— Non rien, c’est juste que je n’ai pas l’habitude de me réveiller avec un mec qui m’enlace.

— Et moi avec un mec avec qui je n’ai fait que dormir, ironise-t-il en regardant son téléphone.

— Oh putain, t’as vu l’heure ? Pourquoi personne ne nous a réveillé ? T’entends en bas, ça s’active déjà, faut qu’on descende tout de suite.

— Oui, t’as raison, dis-je en m’étirant.

Je regarde mon téléphone à mon tour. Tiens, Zach m’a laissé un message à deux heures du matin, étrange.

— Je passe à la salle de bain et je descends, propose Etienne, en sautant du lit tout guilleret.

Il referme la porte derrière lui, je m’empresse d’écouter le message.

Magne-toi, il faut qu'on récupère les doses…Pourquoi ?... Pour le boss, il s'est fait choper par la douane volante en revenant de Madrid…Eh alors on s'en tape. Tant mieux on pourra dealer peinard et reprendre le marché…Tu déconnes, il n'hésitera pas à nous balancer pour sauver son cul…Eh bien tu t'en débarrasseras lui comme tu l'as fait pour l'infirmière et Karl…Putain, connard ferme ta gueule. On pourrait nous entendre…Qui voudrais-tu qui nous captes. T'as vu dans l'état où ils sont tous ces futurs maccabées. Franchement, on fait bien de récupérer la came. Avec eux c'est de l'argent foutu en l'air…T'a raison, la sécu devrait nous remercier. Allez bouge. Dans une minute les lumières vont s'allumer…Et pour le fouineur ? C'est quoi le plan…J'attends les consignes. Mais s'il faut, il sera mon prochain sur la liste. Il en sait trop…Et son pote…Tu te fous de moi, on touche pas au fils du boss…Dommage, je me serai bien tapé le pédé, il a un putain de cul…Abruti, c'est pas le moment. Allez bouge, prend ce qu'il y a sur l'étagère. Ça suffira pour aujourd'hui…Faudra trouver un nouveau mec pour venir faire la récolte. Maintenant que Karl n'est plus là…T'inquiète des petites frappes, on en a plein dans le quartier.

Qui sont ses deux mecs ? C’est bien de mon père dont ils parlent ? Et Zach, que lui est-il arrivé ? Il faut absolument que je le contacte, sauf que j’ai peur de ce qu’il va me raconter s’il décroche là, maintenant. Et si j’appelais plutôt Jérémie ? Coïncidence ou pas, un texto de sa part arrive à l’instant : “Ne t’inquiète pas, avec Zach, on a géré. Il ne t’a pas dit qu’il était en route pour Mezange. Je vois qu’il est arrivé. Essaye de ne pas lui en vouloir stp”.

Comment ça “on a géré”, ça veut dire quoi ? Zach est ici ? Mon sang ne fait qu’un tour. J’avais oublié que Jérémie pouvait tracer nos téléphones, ce qui, en définitive ne me plaît pas du tout, même si je sais que c’était pour nous aider. Cela veut dire qu’il a pu tout écouter de la conversation que j’ai eu avec Olivier ou ma mère. Je réalise aussi qu’en réalité, je n’ai plus de vie privée ! Il en est hors de question ! Je décide de l’appeler. Je tombe sur son répondeur. Il abuse, franchement ! J'étends Étienne descendre les escaliers, je n’ai pas d’autre choix que de filer me préparer pour être un minimum présentable avant de descendre à mon tour.

Lorsque j’arrive dans la cuisine, Pierrette est déjà en train de servir un café à ses invités. Tout le monde est là : Camille et sa grand-mère Mimie, assises l’une en face de l’autre, picorant dans un morceau de brioche ; Oscar, les deux mains posées sur la table, expose les derniers préparatifs pour la manifestation de cet après-midi. Etienne, on le voit, prend sur lui pour supporter son ex. Et enfin, Zach et son père, concentrés par ce qui est dit.

— Bonjour tout le monde, désolé d’arriver en retard, dis-je en jetant mon dévolu sur la dernière chaise vide, juste à côté de Zach. Je n’ose pas le regarder et préfère faire le mec sérieux déjà à l’écoute.

— Ne sois pas désolé, mon petit, me dit Pierrette. Tout à l’heure, Zach est monté voir si toi et Etienne, vous dormiez encore. Il est redescendu en me disant que vous faisiez vos marmottes ! Tu avais besoin de sommeil, voilà tout. Je te sers un café ?

— Oui, avec plaisir, dis-je, en essayant d’encaisser le mieux possible la gaffe de Pierrette.

Je sens le corps de Zach se raidir. Je tente un regard désespéré dans sa direction, mais comment lui faire comprendre que je peux tout expliquer sans qu’il s’imagine le pire ? Le désarroi dans ses yeux me détruit littéralement le bide. Je me sens obligé de quitter la table pour aller me réfugier dans le jardin, sans pouvoir donner la moindre explication.

J’avale une grande bouffée d’air pour reprendre mes esprits, mais je n’y arrive absolument pas. La panique s’empare de moi. Mes pieds commencent à trembler, mon équilibre devient plus que limite, j’ai la tête qui tourne. Je suis obligé de m'asseoir sur la balancelle. A cause de la rosée matinale, les coussins, légèrement humides, vont mouiller mon short, voilà à quoi je pense. C’est complètement con, je sais. C’est finalement grâce à ce contact avec le tissu et l’air frais que je finis par reprendre une respiration normale.

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