La balancelle

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Manu, tu ne vas pas rester ici toute ta vie, il va falloir rejoindre les autres, sinon ils vont se demander ce qui t’arrive. Je m’apprête à me lever lorsque j’aperçois Zach.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi t'es-tu enfui ? Tout va bien, me demande-t-il avec gentillesse.

Je ne m’attendais pas à ce qu’il réagisse comme ça.

— Oui, ça va mieux, merci…

Mes doigts pianonnent sur le coussin de la balancelle, je suis mal à l’aise.

— Allez, dis-moi ce qui ne va pas… dit-il en posant sa main sur la mienne.

— Je sais que les apparences sont contre nous, mais ce n’est pas du tout ce que tu crois…

Je vois bien qu’il prend sur lui, et que c’est difficile.

— Qu’est-ce que je devrais croire, alors ? répond-il, les yeux humides.

— Comment t’expliquer…Il ne m’attire pas dans le sens que tu pourrais imaginer, dis-je, en réalisant que je suis en train de m’enfoncer tout seul comme un grand.

— Je voudrais tellement te croire, mais…

Je soupire, si triste d’un seul coup.

— Je comprends, Zach. Et pourtant, c’est la vérité.

— Ta vérité ? Après, est-ce que tu as vraiment besoin de te justifier ?

— Avec toi, oui. Parce que tu m’as embrassé. Et ce deuxième baiser à La Rochelle, je ne l’attendais plus. Je refuse de tout gâcher.

— Gâcher quoi ? Je suis perdu. Je me pose mille et une questions.

— C’est à moi que tu dis ça ? On est au moins 48 dans ma tête depuis une semaine. À ce rythme, je vais devenir fou.

— Dans ces cas-là, va falloir m'interner à tes côtés. Peut-être devrions nous partager une camisole.

— Le problème, c’est que l’on risque d’être très serré avec.

— Ce serait si embêtant ? J'ai peur de tout foirer.

— C’est vrai que la situation environnante n’est pas optimale.

— Oui, il y a un peu trop de monde aux mètres carrés. J'ai surtout la trouille, de ne pas être à la hauteur. De ne pas être capable de dire ce que tu voudrais entendre.

— Je crois que ce que je vois, j’ai envie d’être un mec pragmatique pour une fois, et non celui qui se fait des nœuds dans la tête, je m’en suis assez fait.

— Eh si moi je te disais que j'ai envie de te suivre les yeux fermés.

— Tu risques de te casser la gueule. Oui, je sais, ma blague est nulle.

— Alors, je veux faire l'idiot avec toi et personne d'autre.

— J’accepte la proposition, mais à une condition.

— Laquelle ?

— Qu’on en finisse avec toute cette histoire avec nos familles.

— Je ne ferai rien que tu ne valideras pas. Quel que soit ton choix, ça ne fera pas revenir ma mère. Te perdre toi aussi serait le coup de grâce.

— Jérémie m’a dit avant que je vienne ici, que l’on ne devrait pas chercher à jouer aux supers-héros.

— Je ne veux surtout pas être un super débile. Je crois que j'ai assez morflé. Je sais ce que ça impliquerait pour ton père. Même si c'est sûrement un connard, je ne pense pas qu'il voulait la mort de ma maman, dit-il en reniflant.

— Je commence à croire que tu as raison. Juste un truc, tu m’as laissé un drôle de message cette nuit sur mon répondeur, j’ai pas tout compris. Il vaut mieux laisser Jérémie s’en occuper et aller rejoindre les autres pour la manifestation, qu’en penses-tu ?

— Attends Manu, de quel message tu parles ? dit-il tout en m'attrapant par le bras.

Je sors mon portable de ma poche et le lui fais écouter.

— Putain, les aveux de l'autre connard sont enregistrés sur ton portable. Comment est-ce possible ?

— À toi de m’expliquer, tu sais qui sont ces types ?

— Le balafré tatoué et son bras droit. Ceux qui se trouvaient dans l'appartement la semaine dernière. Olivier et Cédric les ont vu tout comme moi. Manu, je peux t'avouer quelque chose.

— Pas sûr d’être prêt, mais je t’écoute.

— Cette nuit, je suis allé à l'hôpital pour remettre les doses d'Antelax dans la pharmacie et avant que je fasse quoi que soit, ils sont arrivés. Le meurtrier de ma mère se tenait à quelques mètres de moi. J'ai eu envie de lui sauter au cou, lui ôter la vie.

— Tu réalises ce que tu dis ?

— Oui. Mais rassure-toi, je n'ai rien fait.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne pouvais pas.

— Je ne comprends pas.

— Je suis un lâche. J'étais mort de trouille.

— Dis pas de conneries. C'était de la folie, tu le sais. Ils t'auraient massacré. Et …

— C'est ton sourire qui m'a empêché de faire l'impensable.

Une déflagration de bonheur illumine mon cœur. Cette fois-ci, je ne laisse plus passer aucune chance. Je prends son visage dans mes mains, ferme les yeux et viens déposer un baiser sur sa bouche.

— Faites l’amour, pas la guerre ! nous lance Camille qui arrive en nous offrant deux t-shirts. Désolé, mais vous n’allez pas échapper au pouvoir du totem en bois ! Oscar m’a missionné pour vous dire qu’on était sur le départ. On doit rejoindre le collectif sur la place du village.

Zach décolle ses lèvres des miennes.

— Dis à Oscar qu’on en a pour une minute, lui répond-il en empoignant les t-shirts d’une main.

— Même deux, si vous voulez, nous répond avec un sourire de connivence Camille qui s’en retourne aussitôt vers la maison.

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