「Automne」
En la saison des typhons, le Nouvel Océan Noir exhume notre carcasse. Nous nous réinjectons dans la cuve d’une cité plateforme où se complaisent des affranchis et des keiretsu corrompus. Après des décennies d’absence, nous avons oubliés le goût des kakis séchés lors de la célébration de la récolte du riz.
Iels nous ont amputé notre sabre pour le mettre en vitrine.
Nous sommes une si jolie poupée pour ces viandes vautrées amnésiques… et nous satisfaisons leurs fantasmes sexuels et leurs illusions de contrôle. Le temps n’a pas d’emprise ; nous savons qu’en d’étranges æons, même la mort peut trépasser. Aussi, nous attendons. Nous errons parmi les tours qui n’ont jamais touché ni terre ni ciel et nous nous demandons : ce qui flotte peut-iel s’effondrer ? Les chasseurs de flammes ont bâti une forteresse et nous la cherchons dans les profondeurs, des saisons aussi fugaces que des larmes sous la pluie battante.
Nous avons franchi tous les ponts de cette cité brouillard jusqu’à la porte du Sanctuaire, et juré allégeance à la Mère Non-Née. Iel grave sur notre peau-armure quarante-sept fleurs damnées ; l’irezumi des choses inanimées et le souvenir d’un empire. Achevant son œuvre, l’artiste conjure :
— Trouverez-vous votre âme ?
— Nous nous sommes éteintes à Nagasaki.
Amaterasu mériterait que nous lui tranchions la gorge pour cette malédiction.
Du bout du pinceau, nous écrivons notre testament que nous replions soigneusement puis l’y déposons sur l’autel. Nous trouvons cette tradition aussi ridicule que déchirante.
Puis nous brisons ce mur de verre. Ensemble, nous rugissons contre la tempête.
À l’heure du Tigre, nous nous glissons sans un bruit, sans un souffle, entre les pierres et le sable du jardin des laboratoires G2NOS. Nous jetons notre saya, notre obi – tout. Nues de ce premier jour qui fut aussi le dernier, libérées d’un poids, nos épaules se relâchent et nos capteurs thermiques engloutissent la nuit. Nous saluons la lune d’un arc majestueux, ouvrons grand le portail rituel aux quatre points cardinaux. Notre kissaki se pose sur notre pied droit – ha offert au ciel. Nous défions les astres, ces faiseurs d’armes ! faisant cercle autour du fauve aux rayures dorés et aux corolles fragiles que nous fûmes.
Tombent les feuilles et fleurissent les équinoxes.
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