8. Une Boutique pas si Tranquille
Parce que "Le Chaudron d'Elena" devait ouvrir, Mark et moi avons convenu de reporter notre discussion à ce soir.
Le dépanneur est passé devant la boutique et l'a embarqué pour le conduire jusqu’à sa voiture, et a réglé le problème en un rien de temps – juste un fusible à changer. Mark est reparti aussitôt se rendre à la quincaillerie à propos du lampadaire.
De mon côté, je suis vite passée par la salle de bains me refaire une beauté avant l’arrivée des premiers clients. En recoiffant mes cheveux auburn, j'ai laissé quelques mèches rebelles encadrer mon visage hâve – tel un visage d’ange, aux yeux noirs tout à fait maléfiques.
"Ne rien laisser transparaître". Avec les bêtises d’Arthus et cette boutique qui semble avoir sa propre vie, ce n’est pas simple. Arthus, fidèle à lui-même, a déplacé des articles de choix, caché des objets de valeur ; et cette bougie sur le présentoir, celle qui ne s’éteint jamais, m’a rendue dingue toute la matinée.
En jetant un œil dehors, je constate que l’orage de cette nuit a laissé place à un ciel gris plombant, comme s’il annonçait un mauvais présage.
Mais… c’est moi, ou j’entends des pleurs ? Des sanglots discrets.
Je suis pourtant seule, à présent, à ranger ce dernier carton de bouteilles de vin blanc de la veille.
En le soulevant, je constate qu’il est étonnamment léger pour son volume, et en l’ouvrant, je reste littéralement scotchée. Incompréhensible : les bouteilles sont vides. Fermées… mais vides.
« Arthus, dis-moi, tu ne serais pas un peu alcoolique sur les bords ? » je me surprends à dire tout haut.
Pas de réponse. À moins que ce ne soit qu’une mauvaise blague. Ou une erreur des vignerons.
Si ça continue comme ça, il va falloir que je m’affirme un peu plus dans le coin. Me faire respecter, c’est la moindre des choses.
Tout cela me fatigue. Mais je me ressaisis : j’ai finalement quitté un environnement toxique ; ce n'est donc pas pour me laisser marcher sur les pieds… et un peu de magie ou de chaos autour de moi ne devrait pas me déstabiliser.
À cette idée, je n’ai qu’une envie, me réfugier dans un livre sous mon plaid préféré - une tasse de thé brûlant parfumé à la cannelle, serrée contre moi. Je respire un grand coup. Hors de question que je me laisse faire.
Pour couronner le tout, alors que la nuit approche je n’ose même pas imaginer ce que cette soirée me réserve : je sens que je vais rire à mon tour, d'un rire nerveux et sarcastique, ne serait-ce que pour rester dans l'ambiance... d'un sorcier sous ma boutique.

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