La réalité du quotidien me rattrape. Je met fin à la pénombre des lieux en éclairant le comptoir. La lumière artificielle du néon que je compte bien remplacer nous donne deux secondes pour nous dévisager : deux secondes qui me paraissent être des siècles. Un regard ténébreux à en faire perdre la mémoire, des yeux bleus perçants à dévorer sur place... curieuse de nature, je lui demande :

— « En fait, vous étiez sur le point d'arriver à l'heure à l'inauguration ? Et vous êtes tombé...

— ... en panne, oui, vous avez deviné. Aussi, la batterie de mon portable s'est vidée alors que j'étais sur le point de trouver un hébergement. Ma voiture se trouve à dix kilomètres, impossible d'y dormir sachant qu'elle est en plein milieu de la chaussée. J'ai donc bataillé pour trouver mon chemin dans le noir... Pardon, moi c'est Mark, enchanté.

Et gentleman, en plus.

Je rassemble mes esprits et lui répond, sans chichis :

— « Eléna, enchantée. Je suis la propriétaire de cette boutique d'arts divinatoires, ma passion. Je crains que vous n'ayez d'autre choix que de rester ici pour la nuit ; tout le monde dort. Un petit lit d'appoint fera l'affaire. Je vous rapporte une chauffeuse de l'arrière-salle. »

Il me remercie et laisse tomber un sac de randonnée sur le sol.

— « Pour le reste, on verra demain.

— Bien sûr, ma... -demoiselle ? »

Un soupir de ma part lui suffit à ne pas s'étendre sur le sujet.

Après tout, qui a dit que j'étais célibataire ?

A cette pensée, le néon vieillot fait des siennes ; il clignote, jusqu'à s'éteindre. Encore une manifestation d'Arthus ? Une colère sourde m'envahit, mes joues virent au rouge pourpre en repensant à ce secret bien gardé mais pas de panique : Mark me propose de s'en occuper dès son réveil en guise de remerciement.

Y'a pas de quoi.

Euh... du néon ou du secret ?

Soudain, j'entends comme un murmure venant d'en bas :

« Une... Romance... ou un... Sort... »

Mark, lui dort déjà à poings fermés. C'est bien ma veine, vraiment ; mais qu'est-ce que je fais là ?

La nuit porte conseil. De retour dans mon petit lit douillet, j'essaie de m'en convaincre tellement fort que Morphée m'offre ses bras sans attendre. Ce n'est que partie remise...