2.8 Cassandra Vingt quatre ans

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État 34, An 3197

Maman me tanne pour que je lui fasse une petite fille. Célia et Clara ont déjà accompli leur taf même si j'ai un peu aidé en secret. Mon cocktail est efficace bien qu'il rende malade assez souvent. Sophie vient d'accoucher de sa seconde fille le mois dernier. Je suis à la traîne. Ma soi-disant fausse couche n'a calmé Maman que quelques mois. Elle a vite recommencé à me lancer des piques.

Tous les jours, je reçois un petit message d'incitation. Parfois, c'est un encouragement, d'autres des reproches non dissimulés. Avant hier, c'est la publicité pour une nouvelle vitamine. Hier, celle d'un chemisier et d'une jupette pour bébé trop mignons. Celui de ce matin, c'est la courbe de fertilité qui diminue avec l'âge de la mère. Je n'en peux plus et je craque. Les messages me font pleurer. Je ne veux pas enfanter. Je n'ai aucune envie d'être mère.

Mes sœurs m'ont avoué qu'elles en resteraient là. Un seul enfant leur a suffi. La grossesse a abîmé leurs corps et elles ne veulent plus jamais endurer des telles souffrances. Le récit de leurs accouchements et des complications postérieures sont tellement glauques et me donnent envie de gerber. Avoir un enfant n'a rien de merveilleux.

La seule qui ne se plaint jamais est Sophie. Tout est parfait et fantastique pour elle. Ses grossesses ont été de vrais moments de bonheur et ses accouchements se sont faits sans douleur et trucs dégueu après. Ses deux filles partagent l'aura de beauté magique de leur mère. Elles donnent tellement de bonheur et de satisfaction à Sophie que mon amie est prête à rempiler pour une troisième.

Ce qui fait le plus rager Célia et Clara, c'est que Sophie était réellement encore plus resplendissante durant sa gestation et qu'elle a retrouvé sa ligne sportive en quelques mois après ses accouchements. Célia a vomi pendant sept mois et pleurait tout le temps. Clara a gonflé comme une baleine et son corps gardera pour toujours des cicatrices sur le ventre et les seins. Clara a perdu de sa superbe et n'ose plus les bikinis en public. C'est une petite vengeance pour moi.

La fille de ma défunte chef médecin a repris les recherches. Fort heureusement, la Delta a une assez bonne mémoire et tout n'a pas été perdu. Malheureusement, certains détails manquent et la médecin n'a pas toutes les capacités de mon ancienne équipe. Je ne peux pas prendre le risque de d'être de nouveau attaqué. J'ai dû être repéré par une jalouse. Alors, maintenant, seule la médecin travaille sur ce projet.

J'avancerais moins vite et les lacunes de ma Delta ne seront pas comblées, mais cela est plus sûr pour moi. Je reste persuadée que quelqu'un me surveille et me veut du mal. Ma voiture est régulièrement retrouvée les pneus crevés. On a tiré sur mon véhicule où fort heureusement, la balle n'est pas parvenue jusqu'à moi. Maman a bien fait de me dire de renforcer le blindage. Une de mes Zêtas qui m'a volé de la nourriture est morte empoissonnée avec une toxine qui m'était destinée. Quelqu'un veut ma mort.

J'ai prévenu Maman qui fait des recherches. Je ne sais pas qui m'en veut à ce point. Je suis la seule Alpha visée. Ma tête est mise à prix sans que j'en sache la raison. Peut-être est ce les quelques femmes entrées en rébellion qui se terrent dans les montagnes. Maman a des doutes. Les stratagèmes sont très efficaces et il faut avoir de bonnes connaissances en armes pour tirer aussi bien et un savoir en biologie non négligeable pour introduire si discrètement la toxine dans ma viande.

Je laisse Maman poursuivre son enquête à l'aide des premières espionnes qui sortent de nos centres de formation. Je me concentre sur mes fonctions d'Alpha et les différents projets en cours. En partenariat avec Célia, je crée de nouveaux lieux de plaisirs, destinée à nos amies Alphas ou Deltas. Des lieux où il n'y aura aucun jugement et où les femmes seront libres de s'adonner à tous leurs fantasmes moyennant finances.

Les futures maisons aux volets clos pour préserver le secret et l'anonymat sont en cours de construction chez Célia. Les suggestions de services demandées dans la toute première maison sont incroyablement perverses et nombreuses. Moi qui avais parfois honte d'être lesbienne, je m'aperçois que je ne suis pas la seule à être attirée par les femmes et que d'autres femmes sont encore plus tordues que moi en matière de sévices corporels.

Célia et moi refusons les fantasmes incluant les reproducteurs trop jeunes et encore aptes à procréer. Les mâles féconds sont trop peu nombreux pour être utilisés dans de telles ignominies. Cependant, les autres demandes incroyablement dégueulasses à mes yeux sont autorisées. Nos maisons contiendront donc des reproducteurs âgés, mais aussi des Zêtas de tous les âges, des animaux, des objets de plaisir divers et des instruments de torture variés, ainsi que de l'alcool à foison. Il est prévu aussi de fournir des drogues diverses, dont les deux toutes nouvelles substances mises au point par ma chercheuse Delta. Une molécule qui aide les mâles à bander et une autre qui excite sexuellement mâles et femelles puis leur fait oublier les dernières heures. J'en attends un fric fou.

La vie poursuit son cours tranquillement. Il y a quelques mois, mon amie Sophie m'a offert un étrange cadeau pour mon anniversaire. Une Delta venant d'avoir un garçon au potentiel prometteur lui a fait des cachotteries. La femme a tenté de fuir avec son bébé. Mon amie a eu tôt fait de la rattraper. Officiellement, la femme a été exécutée pour trahison. En réalité, Sophie me l'a offert pour que je reprenne mes expériences. Elle sait que j'ai besoin d'un utérus de qualité.

Mon seul souci est que je n'ai plus un seul échantillon de sperme. Tout a été détruit dans l'incendie. Mardi est mort et j'ignore totalement comment recueillir du sperme autrement que durant un acte charnel dégoutant. Or, je ne peux pas supporter qu'un mâle, y compris vendredi, me touche. J'ai demandé à Sophie, mais elle refuse de récolter de la semence pour moi, préférant maximiser ses chances de tomber enceinte. Je la comprends. Je ne peux évoquer ce sujet qu'avec elle ou ma Delta médecin qui est aussi ignorante que moi sur le sujet, mardi se débrouillant toujours seul et dans le secret de sa chambre. Je suis dans l'impasse.

Je me morfonds et réfléchis. Je dors mal la nuit. Les messages de Maman et les questions de mon entourage me rendent nerveuse et crispée. J'ai envie de leur hurler dessus, mais je dois me taire. Je pleure toutes les nuits. J'ai beau dormir seule maintenant, le cauchemar qui m'assaille cette nuit est si fort que mon cri alerte vendredi qui accourt. Je me débats et pleure en tenant des propos incompréhensibles.

Je viens de cauchemarder que Maman me forçait à coucher devant elle avec mes reproducteurs, mes sœurs et mon amie Sophie me tenant tandis que vendredi me souillait. Je revis mon traumatisme de manière récurrente la nuit. Cette fois-ci, le mauvais rêve a été particulièrement réaliste et mon cœur bat à tout rompre.

Doucement, en me parlant, vendredi finit par me calmer et je lui raconte mon cauchemar et la pression de Maman pour que je tombe enceinte. Je lui avoue ma détresse, moi qui ne peux supporter le contact masculin. Je ne sais plus quoi faire. J'ai soudain une idée. Sans tout expliquer à vendredi, je peux peut-être le convaincre de me dire comment on recueille de la semence masculine et aussi de m'en donner un peu de la sienne.

— Si seulement je savais comment avoir du sperme sans qu'on me touche. Je pourrais me l'introduire avec une poire de lavement. Avec un peu de chance, je tomberais enceinte de cette façon et Maman me laissera tranquille.

— Je ne pense pas que ce soit aussi simple. Tu as été fécondée sans succès avant.

— Mon corps refusait à cause de l'acte que je devais subir. Je suis sûre que sans le contact physique, je pourrais y arriver. Mais je ne sais pas comment faire. Tu es le seul à savoir pour mon dégoût et mon abstinence.

— Si tu crois que cela peut t'aider, je te donnerai de moi. Mais j'ai vraiment des doutes.

— Tu accepterais ? Tu m'en fournirais ?

— Oui. Pour te rendre service et pour que tu ne pleures plus. Je n'aime pas te voir en larmes.

— Ce serait tellement fantastique. Tu es vraiment un ami, vendredi. J'ai une pote médecin. Je vais la faire venir. Elle m'aidera à introduire ta semence.

— D'accord. Fais la venir et je me débrouillerais.

— Merci vendredi. Je te promets que si je tombe enceinte, je te serais reconnaissante.

— Si tu es enceinte, ne me fais pas partir chez une inconnue qui pourrait me faire du mal. Garde moi pour veiller sur toi et le bébé ou laisse moi m'enfuir pour rejoindre mes deux fils. J'aimerais tant m'occuper de mes enfants.

— Promis. Tu resteras ici en sécurité.

— Tu cesseras les décrets limitant les libertés ? Tu reviendras sur la séparation mère-enfant ?

— Oui, je te le promets.

Vendredi me borde et me fredonne une chanson douce comme le chanterait une maman. J'écoute en me suçotant les lèvres et me rendors, apaisée et sereine. Ma nuit n'est plus coupée par le moindre cauchemar. Dès le réveil, j'appelle ma Delta qui débute les injections de booster de fertilité auprès de ma prisonnière. Je refuse de porter un enfant. Le cadeau de Sophie sera mon utérus.

Je fais mine de surveiller mes cycles devant mes reproducteurs et vendredi. Le jour où ma Delta me dit que la prisonnière est féconde, je vais trouver mon ami et lui demande un peu de semence. Il va s'isoler dans sa chambre et revient de longues minutes après, avec un verre contenant une substance gluante.

Je fonce chez ma Delta avec mon trésor. Elle insémine l'utérus esclave. Au bout de quelques semaines, nous constatons que c'est un échec. Ce n'est pas grave. Nous retentons plusieurs fois dans les mois qui suivent, jusqu'à ce que la femme soit enfin gestante. Cet animal remplit enfin ses fonctions.

Je simule donc une grossesse auprès des personnes qui m'entourent. De peur que je ne me fasse encore attaquer, Maman m'envoie des soldats d'élites pour assurer ma défense. Je ne peux pas faire un pas dehors sans trois gardes du corps à mes basques. Maman est aux petits soins pour moi à distance. Mes sœurs m'envoient de la layette en soutien.

Il est hors de question que je pouponne. Je ne supporte pas les enfants. Dès que cela sera possible, je me débarrasserais du bébé en l'envoyant auprès de Maman dans mon centre de formation d'espionnes. Mes deux nièces vont y aller aussi. Maman veut éduquer elle-même ses petites filles.

Au mois de juin, peu avant mes vingt-cinq ans, une petite fille, aux grands yeux noirs très légèrement bridés comme ceux de son père, pointe le bout de son nez parfait. Bien qu'elle soit plutôt jolie, son potentiel est incroyablement bas. Maman est furieuse. Ces petites filles sont toutes des Zêtas et ma progéniture atteint des scores de médiocrité qui font sortir de ses gonds Maman. Moi et mes sœurs n'avons pas été capables de faire des filles avec de bons scores de potentiel. En plus, le bébé de Clara est hyper moche avec de gros sourcils et un front proéminent.

Pour calmer Maman, je lui enverrais dès la fin de l'allaitement le bébé et je lance une mesure d'éducation à l'encontre des mâles. Dorénavant, ils n'apprendront plus à lire, écrire et compter. Ils n'apprendront plus rien, si ce n'est à satisfaire leurs propriétaires. Ils ne sont plus humains, mais des bêtes destinées à servir.

Maman déteste les mâles. Pour elle, ce sont des animaux indignes de vivre. Sa haine est profonde et bien ancrée. Je pense que ma grand-mère a dû éduquer Maman dans cette haine. J'ai demandé les raisons de ce dégoût intense. Maman n'a pas subi de viols ou de violences de la part des reproducteurs. Elle n'aime guère l'acte physique, toutefois, elle était toujours consentante. Elle n'a aucune explication autre que leurs instincts d'animaux sauvages.

Suite à ce décret, vendredi est fâché contre moi. Je n'ai pas tenu ma promesse alors qu'il m'a offert la solution à mes problèmes. En effet, depuis mon pseudo-accouchement, Maman ne me dérange plus. La prisonnière donne son lait au bébé qui grossit à vue d'œil. Malgré son score médiocre, le bébé semble très éveillé et a beaucoup de force dans les membres.

Au bout de trois mois, la fatigue et le manque de nourriture font tarir la lactation. J'envoie donc le bébé à l'orphelinat et ordonne de préparer la prisonnière pour une nouvelle grossesse. La femme, qui a perdu ses deux enfants, profite d'un moment d'inattention de ma Delta médecin pour se trancher la gorge avec un scalpel. J'ai perdu mon utérus.

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