4.1 Enfants innocents

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Deux ans auparavant, An 3211, dans l'État 25, dirigé par la Vice- Suprême Sophie.

J'ai fêté mes seize printemps il y a quelques mois. Je suis MD75-25-9506-002. Mâle Delta d'aptitude 75, né dans l'État 25 en juin 3195 et second de ma promotion. Le bus des attributions vient de finir sa tournée. Mes sept compagnons de promotion ont tous été distribués excepté ma personne et mon camarade surnommé Numéro Un en raison de son excellent résultat aux tests de classement. Nous nous arrêtons devant une petite maison au jardin fleuri. Une jolie demeure au crépi jaune assez coquette.

L'instructrice qui nous conduit à l'aube de notre nouvelle vie nous demande de descendre tous les deux. Je viens d'arriver chez ma première propriétaire. Celle de Numéro Un le recueillera ici. Nous voyons deux femmes qui discutent au fond du jardin. Nous nous approchons avec prudence, en suivant la Zêta chargée de nous.

C'est une jeune fille et une femme adulte. Elles se ressemblent un peu. La plus jeune doit avoir le même âge que moi. Son allure générale, plutôt mignonne, me fait penser à une créature magique mystique. Les longs fils couleur or qui entourent son doux visage sont attachés en chignon, formant une boule dorée comme le pain. Ses vêtements couvrants laissent toutefois transparaître via le jeu des ombres un corps mince et sportif dont la fermeté ne fait aucun doute. De grands yeux noisette lui dévorent le visage. Au mordillement de ses lèvres et à son dandinement, la jeune sirène me parait si timide et craintive.

La femme adulte est la Vice Suprême Sophie. J'entends la Zêta le dire. C'est la première fois que je la vois. C'est une très belle femme, blonde elle aussi. Son allure générale possède elle-aussi cette aura mystique par sa perfection. Cependant, son expression faciale dénote de l'assurance et impressionne, effrayant même les jeunes adultes que nous sommes. Alpha Sophie nous observe, d'un air gourmand. Je sens qu'elle ferait bien de moi son quatre-heures. Je sais que je suis plutôt attirant physiquement, avec mes cheveux couleur jonquille coupés en brosse, mon air doux et mes yeux clairs azur. Malheureusement pour Alpha Sophie, c'est Numéro Un qui lui est attribué.

Moi, j'appartiens à la jeune fille. Delta Solène. Solène. Ce prénom est magnifique. Numéro Un commence à trembler. La Vice Suprême n'a pas l'air commode. J'entends Alpha Sophie donner des conseils à Solène sur comment m'éduquer ou me punir. Les reproducteurs n'ont leur place qu'en cuisine ou dans un lit, d'après ses paroles. Elle évoque la puissance des décharges à choisir et offre un fouet à la jeune fille qui n'a guère l'air inspirée par son cadeau. La douce enfant est terrorisée et n'ose pas s'exprimer.

La Zêta et la Vice Suprême s'apprêtent à partir enfin avec Numéro Un. Je ne l'aime pas trop toutefois, j'ai un peu pitié quand je vois la lueur de terreur dans ses yeux et la laisse en cuir que lui passe Alpha Sophie qui embrasse Solène sur le front. Je réalise aussitôt le lien filial entre les deux êtres féeriques devant moi. La jeune sirène tremble et adopte une attitude soumise, baissant les yeux et le visage vers le sol. Je ne comprends pas. Les filles sont des trésors que leurs mères idolâtrent et dorlotent. Cela ne semble pas être le cas ici. Solène se montre craintive et répond par monosyllabes.

Les autres s'éloignent. Je reste en tête-à-tête avec Solène. Je lui fais peur. Elle a son doigt prêt à appuyer sur le bouton d'urgence de neutralisation et me regarde avec crainte, ne sachant quoi dire. Je n'ai pas le droit de parler. Un reproducteur ne doit ouvrir la bouche que quand sa propriétaire lui pose une question. Solène est silencieuse. Elle se dandine d'un pied sur l'autre.

Mon attitude est similaire pour des raisons que je soupçonne différentes. Cela commence à devenir gênant. Je veux lui faire bonne impression. Au centre de formation, on nous a dit que les demoiselles aiment les fleurs. Je m'accroupis et cueille une petite pâquerette blanche dans le gazon. Je lui tends avec un sourire que j'espère désarmant. Solène semble complètement perdue par mon geste. J'ai l'air idiot avec ma fleur. Elle finit par la saisir très vite et me rend mon sourire, dévoilant de parfaites dents blanches qui illuminent son visage.

— Je ... Euh... Merci. Je m'appelle Delta Solène. Je suis ta propriétaire. Suis-moi. Je vais te faire visiter, me dit la jolie blonde d'une voix hésitante et tremblante.

Elle part presque en courant à l'intérieur. On dirait qu'elle vole tant sa démarche est légère. J'attrape mon sac et la rejoins dans l'entrée. Le couloir est simple et tout blanc. Solène me montre la penderie pour les manteaux, le tapis noir pour les chaussures et s'avance vers le salon. Une grande pièce lumineuse avec peu de meubles, mais fonctionnels et très jolis. Solène parle à toute allure.

Elle est troublée par ma présence et comble le silence en bavardant d'une voix chantante et hésitante. La cuisine moderne et chaleureuse, le bureau où elle travaille tout en bois, une chambre d'amis coquette et la salle de bains aux petits carreaux de faïence blancs et bleus, défilent sans que je ne puisse vraiment les voir.

J'aperçois enfin la chambre. Notre chambre. Dans les tons pastels, avec un grand lit à l'épaisse couette moelleuse, la pièce respire le calme et la douceur. J'apprends que Solène travaille à domicile. Elle me dit de poser mon sac et repart vers le salon. Elle est vraiment très mal à l'aise. Sa nervosité est tant visible qu'elle se communique à ma personne.

Vu son âge, je dois être son premier reproducteur. Ce doit être les instincts sauvages que je dois refréner qui la terrifient. Pourtant, je ne me sens pas si dangereux que cela. Nul bête indomptable ne se dissimule en moi. La chambre est coquette, blanc cassée et jaune pâle. Un grand lit avec une tête de lit matelassée et de jolis draps de coton beige forment la partie de nuit. Une porte-fenêtre donne sur la terrasse et apporte une source de lumière qui irradie la pièce. Un grand dressing, une commode et une table de chevet complètent l'ameublement succinct de la pièce. Je pose mon sac au sol, dans un coin.

Je retourne auprès de Solène. Elle s'agite et brasse de l'air pour se donner une contenance. Je m'approche avec précaution comme on le ferait d'un animal. Elle s'éloigne et reste à deux bons mètres de distance. Solène a posé le fouet sur un meuble bas. Elle surprend mon regard inquiet sur l'objet et s'arrête de parler pour prendre le fouet et aller le poser dans l'entrée à côté des parapluies.

— Pardon. Tu es mon premier reproducteur. J'ai seize ans à peine comme toi. Je suis un peu nerveuse. Je ne sais pas trop ce que je dois faire.

Elle murmure, semblant s'excuser. Elle a l'air si gentille. Je crois que j'ai eu de la chance. Les Zêtas nous ont appris que les filles aiment les bisous et les caresses. Solène s'est immobilisée. Je parviens à saisir sa main. Je m'incline pour embrasser sa main doucement. Mes doigts effleurent la paume et mes lèvres goûtent pour la première fois à la douce chaleur de sa peau rose et veloutée. Je sens ma divine propriétaire trembler sous le contact fugace. La jolie blonde ne retire pas sa main.

Je lève les yeux vers Solène. Elle est toujours nerveuse, toutefois, elle me sourit timidement. Je lui rends son geste en dévoilant mes dents blanches et me redresse en gardant sa main dans la mienne, la regardant droit dans les yeux. Nos pupilles se croisent sans se détacher et chacun de nous se perd dans les prunelles de l'autre, oubliant pour ma part le cours de mes pensées. Le temps s'arrête quelques instants ...

Soudain, un horrible bruit des plus gênants brise ce moment de silence magique. Mon estomac grogne comme un ours affamé. Je n'ai rien eu le droit d'avaler depuis ce matin et il est presque dix-neuf heures. Je baisse les yeux, gêné et honteux.

— Tu as faim ?

— Oui, Delta Solène.

— Oooh. Euh ... Viens. Suis-moi dans la cuisine. On va préparer à manger.

Elle garde ma main et me guide. Solène farfouille dans le frigo et les placards. Elle me tend différentes choses qui me chargent les bras. Au vu des ingrédients, je vais avoir droit à du poulet à la crème, aux champignons et du riz. Ça a l'air délicieux. Je salive sous l'assaut olfactif, en l'aidant à préparer. Les odeurs me chatouillent les narines. Elle prépare deux assiettes. Une moyenne et une grosse et les posent sur la table. Solène va chercher des couverts, des verres, de l'eau.

Je m'apprête à m'asseoir devant la moyenne, heureux de mon sort. Elle me devance. J'ai droit à la grosse assiette. Mes yeux doivent briller de joie. Je vois Solène se pincer les lèvres pour ne pas rire devant mon air de gamin ravi. Nous mangeons tranquillement, en silence puis nous faisons la vaisselle.

Solène me demande d'aller prendre une douche et de me mettre en pyjama pendant qu'elle passe un coup de fil à une amie. Je me débarbouille vite pour me présenter à elle. Je n'ai qu'un bas de jogging pour dormir. Rougissant en m'apercevant, elle a fini de téléphoner déjà et me dit d'aller au lit. Solène va se doucher et me rejoint. Elle porte un pyjama court de coton noir. Solène est vraiment belle, presque irréelle. J'attends debout. Je ne sais pas où je dois m'installer. Elle se glisse sous la couette, coté porte m'indiquant de venir m'allonger à côté d'elle. J'ai droit au lit, pas au sol, je suis vraiment chanceux.

Je crois savoir ce qu'elle veut. J'espère que je saurais m'y prendre. Les cours de satisfaction de sa propriétaire étaient très théoriques. Solène est si jolie. Je devrais pouvoir y arriver même si l'angoisse de ma nouvelle vie n'orientent pas mes pensées vers ce devoir. Je m'allonge et me rapproche d'elle doucement pour commencer à la caresser. Elle saute hors du lit, terrifiée.

— AAAAAAAAAAAA ! ...

J'ai reçu une décharge électrique qui me brûle le cou, les bras et les jambes, me tétanisant durant quelques secondes et me coupant le souffle sous la douleur. Je ne comprends pas. Je n'ai fait que répéter ce qu'on m'a appris en cours. J'ai voulu faire mon devoir, ce pour quoi on m'a élevé. Je la regarde avec incompréhension et douleur.

— Pardon ... Je ... Tu m'as fait peur. Je. Pas ce soir. Je. Pas ça. Non. Il faut dormir, juste dormir.

Solène parle en secouant la tête, perdue dans ses pensées et terrorisée. Elle se recouche, loin de moi et tremblante. Je suis triste de l'avoir effrayé. Je ne voulais pas lui faire peur. On m'a appris que je devais faire l'amour à ma propriétaire, c'était ce qu'elle voudrait. Solène ne veut pas que je la touche. Ce n'est pas ce qu'on m'a appris, je ne parviens pas à analyser ce que j'ai fait de mal pour être puni.

**

Je suis ici depuis un mois. Solène est gentille. J'ai vraiment de la chance. Ma propriétaire est douce et me traite bien. Elle est si timide et rougit dès que je la touche, si elle m'aperçoit torse-nu ou si je la surprends les épaules nues. C'est mignon et assez contradictoire avec l'enseignement que j'ai reçu. Je suis censé effectuer l'acte de procréation régulièrement avec elle et lui donner du plaisir, la rendre heureuse et obéir à ses ordres.

Solène s'enfuit si je la touche et semble terrorisée à l'idée de l'acte charnel ou de tout rapprochement tactile. Elle ne me donne pas vraiment d'ordre. Elle n'est pas heureuse non plus et paraît terrifiée par tout, moi, les guêpes, les bruits forts, sa mère surtout. Je fais attention à ma façon de m'approcher pour ne pas l'effrayer. Solène ne m'a plus envoyé de décharges depuis. Je n'avais rien fait de mal, elle a juste été surprise comme une biche apeurée par un chasseur.

Ma jolie blonde me donne des petits travaux à faire, le ménage, la vaisselle, arroser le jardin ou planter les fleurs, parfois cuisiner. Je suis bien nourri. Je dors à coté d'un ange chaque nuit. Je ne dois pas la toucher. Les premiers jours, ça m'arrangeait, un peu moins en fin de mois. Solène a encore peur de moi. Peu à peu, on apprend à se connaître.

Nous nous sommes promenés à vélo ce week-end pour aller faire les courses ensemble. Elle m'a offert deux bons pyjamas couvrants. Dans le magasin, il y avait très peu de reproducteurs. Je n'ai pu croiser leurs regards. Ils regardaient tous le sol, portant les courses sans parler et se faisaient houspiller sans raison. Solène me parle gentiment et me demande mon avis sur les achats. Je fais les menus de la semaine avec elle et sent les parfums des gels douches pour l'aider à choisir celui aux flagrances les plus agréables.

Je ne suis vraiment pas traité comme les autres. C'est peut-être parce que je suis le premier reproducteur de Solène. La seconde possibilité que j'envisage, c'est que les autres ont oublié la formation et ne donnent pas de plaisir à leurs propriétaires. J'ai vraiment du mal quand je croise un reproducteur promené comme un chien. Je vois des femmes fouetter leurs reproducteurs avec le bout de la laisse et des reproducteurs forcés de marcher à quatre pattes. J'en aperçois d'autres recevoir des décharges, des claques. J'ai souvent beaucoup de difficultés à comprendre la raison de leur punition. Ils doivent avoir mal agi si leurs propriétaires les blâment comme ça.

Moi, je suis bien sage et gentil. Je ne suis pas puni par Solène. Elle m'accorde beaucoup de liberté et prend soin de moi en me choisissant de bons vêtements, en me nourrissant grassement. Elle me fait faire du sport pour que mon corps reste plaisant à ses yeux. À chaque fois qu'on sort, je m'étonne du peu de reproducteur dehors. Solène doit sortir aux mauvais horaires. Il ne peut pas y avoir si peu de reproducteurs qui rendent heureux leurs propriétaires ou alors ils sont si doués que leurs propriétaires passent leurs journées à se reproduire.

Je me demande si Solène voudra le faire toute la journée quand elle sera prête. Elle est si adorable. J'ai l'impression de vivre dans un rêve auprès d'une créature divine. Je veux bien rester enfermé si c'est pour lui donner du plaisir toute la journée. J'ai espionné Solène sous la douche hier. J'avais envie de la rejoindre sous l'eau chaude, cependant, je lui aurais fait peur. Mon corps a réagi à cette vision angélique et cette nuit aussi. J'ai dû aller prendre une douche fraîche pour me calmer. Solène est si belle. Je meurs d'envie d'accomplir mon devoir de reproducteur.

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