Chapitre 4

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C'est avec le goût désagréable de l'amertume que Arthur reprend la route, le goût amer de la défaite. Ce n'est pas faute d'avoir longuement insisté avec Anna pour obtenir audience auprès de son chef. À son grand désarrois la jeune femme s'est montrée intransigeante, ne dérogeant pas à ses directives. Pourtant le journaliste a tout tenté avec l'assistante, allant même jusqu'à lui proposer une interview dans son journal, afin de mettre en avant son travail, mais rien n'y a fait.


Le reporter trouve un peu de réconfort en songeant à la proposition que lui a fait son collègue, Samy. Ils iront boire un verre dans la soirée, au Clover Club, l'un des bars les plus branchés de New-York. C'est Samy qui arrive le premier, rapidement rejoint par son collègue. Le décor est classique, avec des panneaux en bois sombres, des briques apparentes sur les murs, des carreaux de plafond en étain, et des banquettes capitonnées en cuir. Arthur commande un cocktail maison alors qu'un concert intime de jazz débute. Après avoir échangé des banalités, Samy s'enquiert de l'avancé du reportage de son acolyte.


- Alors vieux, tu as appris quelque chose du coté de Princeton ?

- Pas grand chose. L'incendie n'a causé que des dégâts matériels, il n'y a pas grand chose à signaler, si ce n'est un type qui m'intrigue.

- Ah bon ? Qui ça ?

- Un pathologiste, répond Arthur avec désappointement. C'est le seul qui tire la tronche malgré l'heureux dénouement. J'ai voulu lui parler, mais il est difficile d'accès...

- Si tu veux absolument lui parler c'est facile : prends rendez-vous !

- C'est ce que j'ai voulu faire...

- Non Arthur tu n'as pas saisi... prends rendez-vous, officiellement pour une consultation, et tu en profites pour lui tirer les vers du nez !


Arthur est admiratif de l'ingénieuse simplicité de la manœuvre que son confrère lui suggère.

- Excellente idée Sam ! Merci je vois ça tout de suite, dit le journaliste en ouvrant une application de rendez-vous médicale sur son téléphone.

Malheureusement, il déchante aussitôt.


- Il n'a pas de place avant 6 mois !

- Ne perds pas espoir, il est trop tard pour appeler sa secrétaire, mais tente le coup demain à la première heure par téléphone, elle pourrait peut-être te proposer une place entre deux consultations...

- Je vais essayer... et de ton coté, du nouveau ?

- La police a une piste concrète mais difficile à exploiter. Après fouille de l'ordinateur du professeur Alemana, il semblerait que celui-ci était très isolé ces derniers temps. Il ne sortait plus de chez lui et travaillait dans son laboratoire personnel. Depuis plusieurs semaines, il n'échangeait que par mail et avec qu'une personne : un certain Asintmah, dont le pseudonyme est systématiquement affublé d'un arobase majuscule.

- Asintmah ? questionne Arthur.

- Oui c'est le pseudo de son correspondant, et c'est aussi le nom d'une divinité amérindienne. La déesse de la terre et de la nature pour être exact. Il semblerait qu'ils aient eu de longues conversations sur un sujet complètement farfelu...

- Lequel ?
- Eh bien, je crois qu'Alemana a perdu la boule. Il envisageait la possibilité de greffer un cerveau humain d'un sujet à un autre...

Arthur ne peut s'empêcher de rire.


- J'en connais un paquet qui en auraient besoin !
- C'est très sérieux, ce ne serait pas tout le cerveau, mais une partie seulement. Pour te faire simple il prétendait avoir perfectionné la cartographie du cerveau, au point d’identifier avec précision le rôle de chacune de ses parcelles. Partant de cette hypothèse il aurait pu, par exemple, trouver le moyen de prélever la partie qui permet à un virtuose de rayonner au piano, et te la greffer. Ainsi tu aurais immédiatement le niveau d'un pianiste de renom...
- Ça paraît fou...Tu as d'autres éléments ?
- Oui, le jour de la disparition d'Alemana coïncide avec le jour où Asintmah devait le rencontrer pour la première fois... Son domicile et son laboratoire ont malheureusement étaient détruits par un incendie.
- Ébouriffant ! Tu as de quoi creuser...

- Ou pas... Ni la police, ni ses meilleurs informaticiens n'arrivent à remonter jusqu'au fameux Asintmah...


Le lendemain, dès l'ouverture du secrétariat du professeur Krause, Arthur tente sa chance.


- Bonjour, je souhaiterais prendre rendez-vous avec le professeur Krause.
- Je suis désolé Monsieur, mais il n'a pas de disponibilités avant six mois...
- Mais c'est pour une urgence ! insiste le jeune homme.

- Je me doute bien Monsieur, mais ce ne sera pas possible.


Tant pis j'aurais essayé.


Dans la foulée, le téléphone du jeune homme sonne de nouveau, c'est Angelina.


- Allo comment tu vas ? demande Arthur avec enthousiasme.

- Très bien, j'espère que toi aussi. Tu sais d'où je t'appelle ?

- Du bureau ?

- Pas du tout, de Colombie ! Je suis sur place pour la disparition des hippos.

- En Colombie ? Super ! Tu as du nouveau ?

- Une petite piste, mais je ne sais pas encore ce qu'elle vaut. Personne n'a rien vu, à part une jeune indienne qui, selon les locaux, aurait assistée à une scène complètement dingue. Elle habite dans un village au nord-ouest de l'Amazonie, je vais devoir m'y rendre, pour recueillir son témoignage, loin de toute civilisation... Et toi ça avance ?

- Pas comme je le voudrais.


Soudainement, un double appel s'affiche sur l'écran du téléphone d'Arthur.

- Reste en ligne je te reprends dans quelques instant.


Le reporter bascule sur l'appel entrant.


- Monsieur Leroy ?

- Oui, c'est bien moi.

- Ici le secrétariat du professeur Krause, c'est votre jour de chance une consultation vient d'être s'annulée, êtes-vous disponible demain après-midi ?

- Bien sûr ! valide Arthur avec triomphe.


Il bascule de nouveau sur l'appel d'Angelina.

- Je dois te laisser, la chance me sourit enfin !

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