Chapitre 1

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Extrait, Manuscrit des Anciens - « Le Roi et la Reine malheureux »

" Au coeur d’un royaume où le vent danse et la pluie chante, vivaient un Roi et une Reine. Ils gouvernaient sur un peuple prospère et heureux. Lors des jours d’été les moissons étaient bonnes et en hiver, le froid restait doux. Ce fut un âge de paix et d’abondance, que le peuple chanta en louanges, dirigé par des mains justes et respectées.

Mais alors que les saisons passaient, une inquiétude grandissait : nul héritier ne venait. Le Roi et la Reine vieillissaient et aucune lignée ne perpétuait. Ils se tournèrent vers les plus grands médecins du royaume et tous étaient formels : « aucun enfant ne pourra naître de cette union. ».

Tristes, mais non désespérés, ils se tournèrent vers leur destinée. Car ils le savaient, pour l’accomplir il leur faudrait briser un pacte secret. Ils traversèrent la région jusqu’à la forêt sacrée et quittèrent les sentiers tracés. Ainsi, ils se rendirent à la porte dorée, là où deux mondes cohabitaient et où le marché avait été scellé. Pour implorer les anciens, ils allèrent dans un royaume oublié et leur voeu fut exaucé.

Lors d’une nuit sans lune, naquit une petite fille. C’était une princesse. Cependant, nulles cloches ne sonnèrent et on ne la célébra point. Car dans son regard, on pouvait voir les orages. D’un secret brisé était née celle aux yeux dorés qu’il fallut cacher. "

Chapitre 1 - Le froid et le fer

« Quand j’étais enfant, je passais des heures dans le parc du château. Je me croyais cachée des nombreux gardes et serviteurs chargés de me surveiller. En vérité, ce n’était qu’une illusion : j’échappais aux regards indiscrets, mais une paire d’yeux ne me quittait jamais vraiment.
Allongée dans l’herbe, ou adossée contre le tronc d’un des arbres, j’observais la nature vivre en silence. Les fleurs se balançaient tranquillement au rythme du vent. Les abeilles et papillons venaient se poser ici et là. Ils étaient si libres. Les odeurs de sève et des pétales se confondaient. Tout était calme, et moi j’étais en sécurité au coeur de ce jardin d’Eden où régnait la paix et l’insouciance. Puis j’ai grandi, et petit à petit ces fleurs ont commencé à toutes se ressembler. Les lieux où j’espérais encore pouvoir me cacher devenaient trop petits. Les rêveries ont commencé à laisser place à l’ennui. Pourtant, ce lieu magnifique ne pouvait qu’offrir une vision onirique. Mais j’étais seule et toujours épiée. Et ce jardin, malgré son immensité, je le connaissais par coeur à force d’y passer mes journées à rêver de m’en évader.
C’est à ce moment-là que l’on me le présenta : Horios. Le seul ami que je n’aurai jamais. Lorsque le roi et la reine d’Umya ont présenté leur fils à Père et Mère, ces derniers y ont vu le compagnon parfait avec qui passer mes journées. Et ce fut vrai. Ensemble, nous avons redécouvert ce jardin sacré. Nous y avons visité chaque recoin et joué des heures durant. Ce fut les plus belles années de mon enfance, où des rires s’élevaient encore depuis les murs du palais. J’aurais aimé que tout cela ne cesse jamais. Mais on ne peut être enfant éternellement. Aujourd’hui, ce jardin et cette amitié n’existent plus, mais moi je ne me suis toujours pas échappée. »

La jeune femme émergea difficilement d’un sommeil sans rêve. Ses cheveux, emmêlés par une nuit agitée, retombaient en mèches désordonnées autour de son visage. Ses paupières lourdes et ses yeux cernés trahissaient des jours peu reposants, et leur gonflement portait la marque des nombreuses larmes qu’elle avait versées. Son corps, engourdi par le manque de mouvement, la fit souffrir. Elle s’étira longuement, un craquement sec ponctuant l’effort.

La pièce où elle se trouvait était sombre et froide. En dépit de rêver, elle vivait un cauchemar. Le lieu ne lui était pas inconnu. Non, elle était toujours au palais. Cette cage dorée où elle avait grandi et était cachée depuis sa naissance. Néanmoins, aujourd’hui elle ne s’y était jamais autant sentie prisonnière. Ses parents, le roi et la reine de Valmère n’étaient plus de ce monde, et rien ne la retenait de quitter l’enceinte, si ce n’est cette chaine à sa cheville.

« À quoi bon m’enchaîner ? Je n’ai jamais quitté ces murs, pensa-t-elle ».

Elle se redressa et balaya la pièce du regard. C’était une petite chambre, comme celle que l’on donnait aux domestiques, mais l’air humide et glacial qui y régnait la rendait hostile. Ariena trembla.

Les éclairages ne fonctionnaient plus depuis la dernière émeute, et la moisissure commençait à s’installer sur les murs. La minuscule fenêtre, sur sa gauche, était le seul point de lumière, mais à cette heure-ci, c’était la lune qui l’illuminait. Avant cela, elle ne s’était jamais vraiment aventurée dans ces pièces. Elles étaient réservées aux personnels, et rares étaient les fois où les membres royaux s’y rendaient.

Elle gisait dans un lit froid et frêle, posé au centre d’une pièce vide et sans vie. Ce même lit était devenu son lieu de détention, un piège de fer et de solitude. À chacun de ses pieds, des chaînes rugueuses s’enroulaient, froides comme la nuit sans étoiles. Horios, cruel dans son ironie, s’était voulu « clément » : une seule chaîne suffisait « la moins gênante », avait-il ordonné, « à la cheville, rien de plus ». Mais cette soi-disant bonté n’était qu'un leurre , car lui, l’ami d’autrefois, était devenu son bourreau.

Ariena ne devait pas être blessée. C'était ses mots. Pourtant, la blessure invisible qu’il lui avait infligé, la dévorait de jour en jour. Elle avait été trahie par le seul avec qui elle avait eu le droit de partager sa vie. Tous ses souvenirs communs ne s’apparentaient désormais qu’à des illusions, de vulgaires chimères.

Plus d’une décennie s’était écoulée depuis leur première rencontre. Et, jamais, elle n’aurait imaginé qu’il deviendrait son pire ennemi. Horios, cet enfant au sourire espiègle et à la joie débordante était devenu un homme froid, meurtri par une soif de pouvoir. Ce n’était plus l’être qu’elle avait connu.

Il était le prince du royaume voisin, Umya. À l’époque, les deux contrées vivaient en paix, liées par une alliance de protection mutuelle. Ariena et lui étaient inséparables, et l’on murmurait parfois l’évidence d’un futur commun.

Tout avait basculé un jour de tempête. Le roi d’Umya était décédé dans des circonstances obscures. Horios n’avait que quatorze ans et héritait d’un trône qu’il n’avait jamais demandé. Pourtant, il devait devenir roi. Son éducation devint stricte, presque implacable. Les obligations s'étaient multipliées, et les retrouvailles avec Ariena s’étaient espacées, jusqu’à pratiquement disparaître.
La reine, dévastée par le chagrin, avait rejoint son mari quelques années plus tard, et c’est à l’âge de dix-sept ans qu’Horios fut couronné.

De loin, Ariena avait continué de veiller tristement sur son ami. Elle était restée admirative de la force d’esprit dont il avait fait preuve pour devenir le roi qu’elle croyait bon. Tout cela, c'était il y a huit ans.
Puis une nuit, des cris déchirants s'étaient élevés dans l’enceinte du château de Valmère, tandis qu’Horios, armé et impitoyable, avait déchaîné sa fureur, renversant les murs du palais. Dans un éclair de violence glaciale, il avait tué le roi et la reine de Valmère, brisant à jamais le cœur de ce royaume et cette amitié sacrée. Et ceci, c’était il y a un mois.

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