Vendredi 21 Mai
« Nico ! ... Nico ! ... Je suis là, tu viens ? Elle est arrivée. Alors tu viens ?
—Oui j’arrive, attends deux minutes, je finis de me préparer. »
Il est pressé. Il ne veut pas la faire attendre plus longtemps. Il a rendez-vous avec elle et même s’il ne sait plus où ils doivent aller, tout ce qui compte, c’est qu’elle l’attend.
Il enfile rapidement l’un de ses plus beaux pantalons et l’une de ses plus belles chemises, y ajoute une touche de parfum (ce qui est rare pour lui), puis se peigne. Et voilà, enfin prêt. Il sort. Elle est là. Il la contemple un instant puis la fixe tendrement. Il lui sourit. Elle lui répond en imitant sa mimique.
« Enfin ! Tu en as mis un de ces temps !
—Excuse-moi...
—Allez, on y va, on va être en retard pour le début de la séance. »
Il est heureux d’être avec elle, il se sent bien quand elle est là. Il est convaincu que c’est réciproque.
Très vite, ils se retrouvent sur une plage féerique. Le sable est blanc à perte de vue. L’eau de l’océan est d’un bleu éclatant, un bleu turquoise comparable aux images que l’on peut voir sur les prospectus des vitrines d’agences de voyages, et il y a quelques palmiers qui ombragent la plage, à moins que ça ne soit des cocotiers. C’est vraiment idyllique ! Détail étrange, la plage est déserte ! Rien que deux personnes au milieu d’un paysage paradisiaque avec pour seule compagnie un bateau de croisière naviguant au large, c’est presque trop beau pour être vrai. En fin de compte, ce panorama irréel importe peu à Nico, car tout ce qui compte c’est qu’elle soit là, elle qui vient toujours chercher conseil et réconfort auprès de lui, elle sa meilleure amie, elle sa confidente, elle qu’il désire depuis si longtemps en secret, elle, elle et elle… À cet instant, il lui semble que leur lien soit plus proche que jamais. Mais pourquoi ? D’où vient cette sensation ?
« Tu sais, il y a longtemps que je voulais te dire quelque chose… souffle-t-elle doucement. Il ne dit rien et l’écoute attentivement. Ce n’est pas facile à dire… mais je vais le faire. Bon, je me lance ! Je t’aime. Je t’aime depuis longtemps, mais je n’ai jamais réussi à te le dire… Je ne savais pas comment te le dire… Je crois que j’avais peur de t’avouer mes sentiments et peur de l’admettre moi-même. »
Il n’en revient pas, il est abasourdi. Que vient-elle de dire ? A-t-il bien entendu ? a-t-elle dit qu’elle l’aime ? Lui ? Lui qui est amoureux d’elle depuis leur enfance ? Cette phrase résonne encore et encore dans sa tête. Mais est-ce seulement possible ?
« Tu ne dis rien ? »
Non, il ne dit rien, il ne sait pas quoi dire. Il est perdu dans ses pensées. Il sent son corps se figer, mais il parvient à se ressaisir et à s’approcher lentement d’elle… Il a longtemps souhaité que ce moment arrive… Elle ferme ses paupières et se prépare à recevoir le baiser qu’il semble vouloir lui donner pour toute réponse à sa déclaration d’amour. Tout en se rapprochant de sa destination, le jeune homme ferme à son tour les yeux, prêt à lui offrir ce qu’elle attend… Il ne peut échouer, il ne le doit pas, cela fait trop longtemps qu’il attend cet instant, cet instant tant désiré, cet instant si important, rien ne doit compromettre cet instant précieux.
Mais quel est ce bruit sourd qu’il entend ? Il semblerait qu’il provienne de ce paquebot au large. Il essaie de l’ignorer, mais il est de plus en plus persistant… Cette sirène l’agace vraiment, elle va finir par gâcher ce moment qu’il souhaite en secret depuis de nombreuses années...
Nico ouvre les yeux et éteint ce maudit réveil qui sonne toujours trop tôt. Ce n’était qu’un rêve, un de plus… Un parmi tant d’autres depuis le jour où il l’a rencontrée… Malheureusement, ce n’était qu’un rêve et il doit affronter la réalité en espérant peut-être que ce moment si important pour lui se concrétise un jour. Il se sent frustré car il en a envie depuis si longtemps.
Il se lève lentement et se dirige vers la salle de bain tout en songeant à ce doux rêve qui le préoccupe beaucoup. Il n’est jamais allé plus loin que ça dans ses rêves, ni dans la vraie vie d’ailleurs. Il n’a jamais eu de petite amie. Bien sûr, il a déjà embrassé des filles, trois pour être précis, mais il n’a jamais vécu de vraie relation de couple, son premier baiser était pour un gage, la deuxième fois c’était sous la pression de ses amis, mais la fille ne l’intéressait pas du tout, et la dernière fois c’était un soir où il avait trop bu lors d’une soirée et il n’a jamais revu la fille. Certains de ses amis le considèrent comme vieux jeu, d’autres le voient plus comme un romantique démodé. Tout ça parce que Nico croit en l’“Amour unique “ et qu’il souhaite attendre cet “Amour “ pour lui offrir sa virginité, ce qui donne droit à des railleries de la part de ses camarades.
D’une nature timide, Nico a du mal à aborder les gens qu’il ne connaît pas, encore moins une personne du sexe opposé. C’est pour atténuer sa timidité qu’il a voulu travailler dans une brasserie en tant que serveur, bien sûr ce n’était pas sa seule motivation, l’univers de la restauration l’attirait et il ne regrette pas son choix. Après le collège, il s’est orienté vers une voie professionnelle contre l’avis de ses professeurs qui le jugeaient bien assez bon élève pour poursuivre ses études en lycée général, mais la situation financière de ses parents était modeste, et comme de toute façon le monde du service l’attirait, il n’a pas hésité à se diriger vers le domaine hôtelier.
Nico travaille depuis cinq ans dans la brasserie d’un centre commercial très fréquenté. Il aime son travail et ses collègues, il apprécie la dynamique de travail qui règne dans la brasserie et la diversité des clients qui y viennent. Il prend plaisir à discuter avec eux, à les conseiller sur les boissons et les plats, et à leur offrir un accueil chaleureux. Même s'il est toujours un peu timide avec les personnes qu'il ne connaît pas, le fait de travailler dans une brasserie lui a permis de développer ses compétences sociales et de devenir plus à l'aise avec les gens. Il considère la brasserie comme un véritable refuge, un endroit où il peut échapper à la solitude et aux pensées qui l'assaillent parfois. C'est pour cela qu'il est fier de faire partie de l'équipe et qu'il se donne à fond pour le bon fonctionnement de la brasserie.
La vie dans un centre commercial ressemble un peu à celle d’un petit village où tout le monde se connaît. C’est l’un des plus grands de la région et très certainement le plus populaire. La brasserie est connue de tous, c’est un passage incontournable du centre.
Dans les allées, les gens circulent en tout sens, il y a ceux qui ne font que se promener, du lèche-vitrine comme on dit, et qui n’achètent jamais rien, généralement ce sont de petits groupes de filles. Il y a les pressés, ils savent ce qu’ils veulent et n’ont pas de temps à perdre, ils passent de magasin en magasin sans jamais s’arrêter, ils ne font que des achats nécessaires et réfléchis, en général ce sont les clients les moins courtois, des hommes pour la plupart, seuls et d’âge mûr. Et puis il y a ceux qui viennent vraiment faire les magasins, ils ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent, ils fonctionnent au feeling, au coup de cœur, ils aiment prendre le temps et flâner entre les rayons des différents magasins. Ce sont souvent des mères de famille ou des femmes en couple, elles sont entre amies, avec leurs enfants, leurs conjoints ou bien tout simplement seules pour un moment de détente rien qu’à elles. Tout ce monde donne lieu à un va-et-vient incessant, les gens se croisent et se dépassent sans même se voir. Il n’y a aucune règle de conduite, on peut marcher aussi bien à droite qu’à gauche, aucune limitation de vitesse, pas de priorité non plus. Si les accidents sont rares, les accrochages eux sont réguliers en période de grande affluence. D’ailleurs, les employés aiment bien assister à ce genre d’événement, c’est un peu un divertissement pour eux, et comme tout bon village qui se respecte, les rumeurs se répandent vite…
Nico arrive toujours en avance au travail, il apprécie boire son café entouré de monde, avant de commencer sa journée.
« Salut Benji, alors comment s’est passé ton resto hier soir ? demande-t-il en arrivant à son ami et collègue de travail Benjamin.
—Super merci, ma femme a adoré ! je te remercie pour l’adresse !
—Je suis content que ça ait plu à Doéna, mais en même temps je me doutais bien que vous alliez aimer, sinon je t’aurais pas dit d’y aller !
—La prochaine fois, on ira ensemble, tu veux un autre café ?
—Ouais j’en veux bien un autre. Et qui sait, la prochaine fois sera peut-être une soirée couple… rétorque Nico sur le ton de l’humour.
—Si on doit attendre que tu te trouves une copine pour se faire un resto, on n’est pas prêt de manger ! répond Benjamin d’un air moqueur. Au fait, ton café t’as qu’à te le faire, tu sais comment ça marche après tout ! »
C’est comme cela que fonctionne leur amitié, ils se charrient beaucoup, presque toujours aux dépens de Nico, mais ce dernier, bon public, a beaucoup d’humour et n’hésite pas à tendre le bâton pour se faire battre. C’est un adepte de l’autodérision. Ils continuent à bavarder et à se taquiner pendant un moment avant de commencer leur journée de travail. Leur amitié et leur bonne humeur les accompagnent tout au long de la journée, ce qui rend leur travail plus agréable.
Benjamin et Doéna sont un couple solide et heureux depuis plusieurs années. Elle aussi travaille dans le centre commercial, c’est ici qu’ils se sont connus. Benjamin avait postulé dans cette brasserie pour un emploi estival, un saisonnier comme on dit, puis par appât du gain, il avait demandé à être employé en CDI, étant un bon élément sa requête fut acceptée. Il a commencé la même année que Nico avec qui il s’est tout de suite très bien entendu. Plutôt joli garçon, Benjamin a beaucoup de succès auprès de la gent féminine. La couleur foncée de ses cheveux fait magnifiquement ressortir le bleu azur de ses yeux. Il est amusant de voir la réaction des clientes qui découvrent son regard lorsqu’elles daignent enfin regarder le serveur qui s’occupe de leur table. Il y a d’abord la surprise, puis une interrogation rapide qu’elles se posent : «Il porte des lentilles de couleur ou bien est-ce naturel ?». Après une très brève analyse, un sourire enjôleur commence à se profiler sur leurs visages, puis elles constatent qu’il n’a pas seulement de beaux yeux, mais qu’il a aussi un physique très appétissant, il est grand et bien dessiné. Toutefois, il n’est pas du genre à profiter de ses atouts naturels pour séduire les femmes, il préfère les conquérir par son intellect que par son physique, et c’est justement ce qui a plu à Doéna.
Doéna est agent de conseil et de vente de produits de beauté pour une grande enseigne où elle gagne assez bien sa vie depuis qu’elle a gravi quelques échelons. Elle venait petit déjeuner tous les matins au café, toujours la même formule : une boisson chaude, une viennoiserie et un verre de jus de fruits pour quatre euros. Comme tous les matins, elle choisissait un café au lait, un croissant avec un verre de jus d’ananas et elle se mettait toujours à la même place. Benjamin, sous le charme de cette métisse aux origines martiniquaises, prit l’habitude de lui préparer la commande et de lui glisser un petit poème écrit par ses soins sous l’assiette de la viennoiserie puis il guettait l’arrivée de sa muse. Dès qu’elle entrait dans son champ de vision, le reste du monde semblait avoir disparu, il n’y avait plus qu’elle qui comptait à ses yeux ! Doéna trouvait ses vers véritablement beaux et romantiques, à l’image de leur auteur. Elle était d’autant plus touchée par ses petites attentions qu’elle avait eu un véritable coup de foudre pour lui. Il n’y a rien de mieux au monde que de se faire courtiser par la personne que l’on désire.
Petit à petit, leur relation s'est muée en quelque chose de plus profond. Ils se sont finalement mis en couple et sont restés ensemble depuis. Leur travail au centre commercial leur permet de se voir tous les jours et leur amour ne fait que grandir. Les poèmes de Benjamin et les petites attentions qu'il a envers Doéna sont devenus une routine agréable pour le couple. Ils sont heureux ensemble et leur amour est un exemple de romance et de dévotion.
Nico est un peu jaloux de la relation de Benjamin et Doéna, car il aimerait trouver lui aussi une histoire d'amour aussi forte et passionnée. Cependant, il est heureux pour eux et espère que leur amour durera pour toujours. Il est toujours en quête de sa propre histoire d'amour et espère la vivre un jour avec celle qui hante ses rêves.
La journée de travail est déjà bien entamée quand arrive d’un pas pressé une très jolie petite brune aux origines asiatique. Il s’agit de Dao, la plus jeune de l’équipe. Comme d’accoutumer, elle est en retard. Elle est très populaire auprès de la clientèle, avec son sourire constant et sa démarche enjouée, elle sait comment égayer les gens autour d’elle. Ses collègues l'apprécient également pour sa bonne humeur contagieuse et son dynamisme. Cependant, elle a un côté têtu et indépendant qui peut parfois rendre Nico un peu fou. Malgré tout, c’est aussi la protégée de Nico, il l'aime comme une petite sœur et veille toujours sur elle. Elle fait partie d’un trio inséparable : Benjamin, Nico et Dao. Tous les trois ont une réelle complicité de travail, ils n’ont même plus besoin de communiquer entre eux pour savoir ce qu’on attend d’eux, ils forment un trio solide. Hélas, Dao n’est pas là tous les jours, car n’ayant pas terminé ses études, elle a un contrat étudiant, et est donc à temps partiel.
« Salut Nöng Sâo,[1] tu vas bien ? Encore en retard ! Laisse-moi deviner, tu peux pas dire que tu t’es pas réveillée vu qu’il est déjà 15 heures passé, alors c’est quoi aujourd’hui ? Une panne d’essence ?
—Non, t’es con ! répond-elle affectueusement. J’ai pas besoin d’excuse, le directeur n’a pas remarqué mon retard. Elle fait un clin d’œil à Nico en lui envoyant un baiser de la main en signe de victoire.
—Hé Dao, regarde vite derrière toi ! s’empresse Benjamin de lui dire avant même bonjour. Ton futur ex arrive ! »
Dao et Nico se retournent simultanément et voient la personne en question s’installer à une table, seule. Il s’agit d’un vendeur en téléphonie mobile qui travaille dans le "village" et sur qui Dao a jeté son dévolu. Après une brève enquête de la part de ses camarades, elle a appris que son nom est Samir, mais surtout, et c’est le plus important, il est célibataire.
« Ça doit être l’heure de sa pause, suppose Benjamin.
—Alors, tu vas faire quoi pour qu’il te remarque celui-là ? Tu vas encore te pencher pour lui montrer ton décolleté en le servant ? Fais attention à ne rien lui renverser dessus comme la dernière fois que t’as essayé de jouer à ce jeu ! dit Nico d’un ton moqueur.
—Ne t’inquiète pas pour moi et concentre-toi un peu plus sur toi, si tu vois ce que je veux dire… Parce que depuis le temps, ça doit te démanger un peu non ? Benjamin sourit à la répartie de Dao.
—C’est sûr que ça ne risque de démanger à ce niveau-là à toi. Si tu vois ce que je veux dire… ne peut s’empêcher de répliquer Benjamin comme pour voler au secours de son ami.
—Ah ça c’est sûr ! ajoute Nico qui n’arrive pas à retenir son rire.
—Bon on se calme avec les sous-entendus douteux les gars. Et je te rappelle Banh Skôm,[2] que je fais ce que je veux de mon cul !
—Oui, mais justement, ce qui me gêne le plus, c’est qu’il ne fait rien avec moi ton joli petit cul. Par contre avec les autres… Enfin, j’me comprends. »
Ce qu’il dit à cet instant-là, il ne le pense pas vraiment, mais c’est le genre de phrase que l’on sort sans le vouloir. Le simple fait de l’avoir dite le met mal à l’aise l’espace un d’un moment, il ne voudrait pas qu’elle s’imagine qu’il peut être attiré par elle. Mais très vite il se rappelle à qui il s’adresse, leur amitié est forte et ils peuvent se taquiner sans craindre de blesser l'autre. C'est une complicité qui a été construite au fil des années et qui est à présent inébranlable.
« De toute façon, tu serais pas quoi en faire de mon joli petit cul. Lui lance-t-elle d’un air vainqueur en lui faisant un clin d’œil.
—Bon, trêve de plaisanterie et au boulot, déjà que t’es arrivée en retard ! Va donc prendre la commande des clients et de ce beau gosse qui t’attend. »
Le "grand frère" a perdu ce round, il le sait, pour ne pas perdre la face il met sa casquette de petit chef et lui donne rapidement un ordre afin de remettre les choses à leur place : “moi homme commande, toujours raison, toi femme obéir et te taire s’il te plaît.“ Bien sûr, il ne se considère pas vraiment comme étant au-dessus d’elle, bien au contraire. Il pense que Dao le surpasse en termes d'expérience de vie, en plus, elle assume totalement ses choix sans se soucier de l’avis des autres.
« Oui chef ! »
Elle l’avait surnommé comme cela à son arrivée dans l’entreprise, car c’est lui qui avait été chargé de la former. Depuis, plusieurs équipiers l’appellent également ainsi car Nico a la fâcheuse tendance à dire aux autres ce qu’ils devraient faire, comme de mettre du pain sur une table, ou inversement, de retirer le pain de la table quand les clients en sont aux cafés. Il pense sincèrement les aider dans leurs services en leur faisant remarquer, mais certains se vexent et le prennent comme un reproche, alors que ce n’est pas le but initial. D'ailleurs, quand les autres le nomment "chef", Nico comprend bien qu’il s’agit plus d’un jugement servant à lui rappeler qu’il n’a pas réellement ce statut justement et qu’il n’a donc pas à donner d’ordres.
Les trois compères se séparent et retournent à leurs besognes respectives, toutefois, les deux garçons échangent un regard complice et se demandent si Dao est en train de jouer avec le feu, si elle est consciente de l'effet qu'elle peut avoir sur les hommes. Ils décident de la laisser agir à sa guise et de voir comment les choses évoluent. Le show pourrait être divertissant.
Elle s’approche de sa table en figeant son regard sur lui, le jeune homme ne la remarque pas immédiatement, il semble occupé à lire ses messages sur son portable. Puis elle se place bien en face de lui pour être sûre d’attirer son attention, elle se penche bien en avant faisant mine de nettoyer la table déjà propre, de sorte que son décolleté plongeant ne puisse échapper à la vue du jeune vendeur. Pari gagné pour la serveuse. Bien qu’un peu gêné, Samir ne réussit pas à ignorer le panorama que lui offre cette belle Asiatique à la poitrine lascive.
« Qu’est-ce que je te sers ? Un café comme d’hab. ?
—Ouais s’te plaît, avec un verre d’eau.
—Dis-moi, je voulais te demander si avec mes points fidélités je pouvais avoir un nouveau portable, si je te donne mon numéro, tu pourras regarder pour moi ?
—Ouais bien sûr, t’as qu’à passer me voir au magasin après.
—J’aurai pas le temps de passer, le mieux serait que tu m’appelles ce soir vers 21 h 30, si ça te dérange pas…
—heu, non, c’est bon, écris-moi ton num, je t’appelle après alors…
—Ah cool, je te remercie ! Le café c’est pour moi, je te l’offre. »
Et voilà, en lui demandant de la joindre directement sur son téléphone personnel en dehors des horaires d’ouverture de son magasin, Dao allait obtenir le numéro de ce dernier sans même avoir à le lui demander. Les garçons sont impressionnés par sa tactique astucieuse.
Plus tard dans la journée, une jeune femme au charisme indéniable vient s’installer dans le rang de Nico. Tous les serveurs et clients avaient immédiatement remarqué sa beauté et sa prestance, et ce, même si certains essayaient de faire semblant de rien.
« Nico retourne-toi vite ! interpelle Benjamin.
—He bien, Banh Skôm, petit veinard, y’a un canon qui vient de s’installer dans ton rang… Je peux prendre sa commande ? s’empresse Dao d’ajouter.
—Nöng Sâo, t’as déjà Samir, tu l’as déjà oublié ?
—Ho Dao, il te les faut tous ? C’est pas parce que t’es à voile et à vapeur que tu dois sauter sur tout ce qui bouge ! enchaîne Benjamin.
—N’empêche qu’elle vous plaisait bien ma dernière conquête féminine, hein les gars ? Je suis sûr que t’as dû te tripoter un peu en pensant à nous Banh Skôm ! Et toi Ben, ne me dis pas qu’une expérience à trois avec ta femme ne t’exciterait pas, allez avoue ! Deux femmes, un classique du fantasme masculin !
—Ouais c’est clair. Avoue Benjamin d’un ton un peu rêveur.
—Allez Banh Skôm, arrête un peu de m’imaginer en pleins ébats amoureux avec une autre fille, tu vas te faire du mal, va donc t’occuper de celle-là ! »
Nico s’exécute, en se rapprochant, il remarque que la jeune femme semble triste. Elle jette régulièrement des coups d’œil sur son téléphone posé sur la table, comme si elle attendait un appel important. Quand elle ne surveille pas son écran, elle cherche furtivement du regard un serveur, elle souhaiterait passer sa commande rapidement. Dès que ses pupilles croisent celles de Nico, le serveur détourne les yeux et rougit. Il est maintenant assez proche pour remarquer les petites perles logées au coin des yeux de la jolie cliente, il se demande ce qui pourrait bien la rendre si triste. Il décide de ne pas insister pour le moment et de lui laisser un peu d'espace.
« Il est bon votre café ? » demande-t-elle sans vraiment le regarder.
Cette question Nico l’entend plusieurs fois par jour et sourit intérieurement à ces pensées, comme si le serveur allait répondre : « non il est dégueulasse… »
« Non attendez, servez-moi plutôt une coupe de champagne !
—J’en ai deux à vous proposer, celui que je préfère c’est Veuve Clicquot, sinon le premier prix, Mumm.
—N’importe, ça n’a pas d’importance… Non, mettez-moi la veuve machin, c’est peut-être un signe…»
Nico se concentre sur son travail et s'assure de bien la servir, espérant faire bonne impression. Il pose délicatement la coupe de champagne sur la table. La jeune femme lui adresse un petit sourire triste et porte le verre à ses lèvres. Nico sait que les boissons alcoolisées peuvent souvent masquer la tristesse ou les soucis de quelqu'un, mais que parfois elles peuvent les amplifier. Il se demande ce qui peut bien tracasser cette belle jeune femme et ne peut s’empêcher de lui demander :
« Voilà la coupe pour la triste demoiselle… Puis-je vous demander quelque chose ? Vous pleurez parce que vous avez des lentilles de contactes, et qu’elles vous font mal, ou bien est-ce un peu plus personnel que ça ?
—Non, je ne porte pas de lentilles, répond-elle avec un sourire. Nico trouve cela touchant, une fille qui pleure tout en souriant pour un instant. C’est un peu plus personnel que ça… Je viens de me séparer de mon copain…
—Ha, désolé. Mais je me fais pas de souci pour vous. Belle comme vous êtes vous allez vite retrouver un homme qui vous appréciera et vous fera oublier le précédent abruti qui n’a pas su voir quelle fille magnifique vous êtes. La coupe de champagne c’est pour moi, je vous l’offre. »
La jeune fille sourit à nouveau, et prend une gorgée de champagne.
« Merci, c'est très gentil de votre part. C'est exactement ce dont j'ai besoin. »
Sans attendre plus longtemps, Nico s’en retourne prendre les commandes des nouveaux arrivants, un peu comme s’il fuyait une conversation qui pourrait le mettre mal à l’aise. Cependant, il est heureux d’avoir pu apporter un peu de réconfort à la triste inconnue.
Brusquement, la cliente mélancolique prend son mobile en main et pianote sur les touches, visiblement elle vient de recevoir un texto. Elle reste un instant à contempler son écran, sort un stylo de son sac, griffonne quelque chose sur un morceau de papier puis se dirige vers Nico.
« Tu ne m’as pas laissé le temps de te remercier pour le verre, alors merci. Moi c’est Delphine. Tiens, mon numéro ! Elle tend le papier griffonné au serveur. Appelle-moi ce soir quand tu auras fini ton service. On ira manger au resto ou bien boire un verre, comme tu veux. Mais surtout appelle-moi, j’ai envie de sortir et de voir de nouvelles têtes, ça me ferait du bien. Alors je compte sur toi ! »
À la fin de sa phrase, elle tourne précipitamment les talons et s’en va. Le serveur la regarde disparaître furtivement dans la nuée humaine qui circule en tout sens aux abords de la brasserie. Il en reste coi, contemplant le papier que Delphine vient de lui mettre dans la main. C’est la première fois qu’une fille lui laisse son numéro de téléphone ! En y réfléchissant bien, cela s’est déjà produit, mais c’était pour qu’il le remet soit à Benjamin soit à un autre serveur ! Va-t-il lui téléphoner ? Il ne le sait pas. Pour lui dire quoi ? Il n’est pas vraiment à son aise dans ce genre situation. Et puis, il y a Kate…
« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? la voix de Dao le sort de son inertie.
—Elle m’a donné son tél., elle veut me voir ce soir…
—Quoi ? Toi ? Arrêt tes conneries, non sérieux elle t’a dit quoi ?
—Pourquoi tu réagis comme ça ? Non sérieux, elle veut que je l’appelle ce soir. Ça semble si incroyable que ça ?
—Heu non. »
Dao se sent un peu gênée pour avoir été trop spontanée. Elle ne voulait pas blesser son ami et pensait simplement qu’il la charriait une fois de plus.
« Faut avouer qu’on n’a pas vraiment l’habitude que ça t’arrive, » finit-elle par ajouter en lançant un clin d’œil.
Benjamin, qui se tient non loin et qui n’a rien perdu de la conversation entre Dao et Nico, intervient.
« Rassure-moi Nico, tu vas lui téléphoner ?!
—Bien sûr il va le faire, hein Banh Skôm ?
—Je sais pas… Pour lui dire quoi ? Je la connais même pas cette fille.
—Arrête tes conneries Nico ! La fille vient de te donner son numéro de tél. et toi tu sais pas si tu vas l’appeler ou pas ? Elle te fait ouvertement du rentre-dedans ! et sous prétexte que tu ne la connais pas, tu hésites à l’appeler ? C’est pas en restant bien sage dans ton coin que tu risques de mieux la connaître ! Elle a déjà fait un grand pas vers toi et si tu ne lui téléphones pas, ne t’attends pas à ce qu’elle revienne ici tous les jours pour faire plus ample connaissance avec toi !
—Non, je sais que t’as raison Benji, mais…
— Y’a pas de “mais “ ! Ne me dis pas que c’est à cause de l’autre ?! Lâche l’affaire avec elle, ta relation avec elle n’existe que dans ta tête ! Elle est pas pour toi et tu le sais, alors passe à autre chose !
—Ben a raison Banh Skôm, et d’ailleurs si tu l’appelles pas, je t’adresse plus la parole pendant une semaine ! Nico sourit à cette menace inexécutable de sa petite sœur.
—Non Kate n’a rien à voir là-dedans ! Nico se ment sciemment. Mais je sais pas quoi lui dire, j’ai pas l’habitude moi, j’ai pas la tchatche comme vous.
—Ne te cherche pas de fausses excuses, Nico. Et justement, comme tu dis, t’as pas l’habitude, alors vois plutôt ça comme un entraînement pour une prochaine fois, et même si ça ne se passe pas comme tu l’espères, tu t’en fous, car de toute façon tu ne la reverras probablement jamais ! Il est temps de sortir de ta zone de confort Nico, arrête de te cacher derrière ta timidité ! On ne sait pas ce qu’il va se passer, mais ne la laisse pas passer ! Cesse de te faire du mal en t’accrochant à un rêve !»
Benjamin bouscule un peu Nico pour lui faire ouvrir les yeux. Il en a assez de voir son ami seul et triste, de se cacher derrière sa timidité et de faire semblant d’exister à travers une relation platonique et surtout utopique.
« Allô ? il l’appelle ; les remontrances de Benjamin y sont sûrement pour quelque chose.
—Allô oui ? C’est qui ?
—C’est Nico, le serveur... son cœur palpite !
—Nico ! Enfin je sais comment tu t’appelles. C’est génial, tu as fini tôt ! On va pouvoir aller manger au restaurant !
—OK pas de problème, ça tombe bien je n’aime pas manger seul. T’as une idée du resto ?
—Heu non pas vraiment, je te laisse choisir.
—Je veux bien, mais aide-moi un peu, quel type de restaurant tu aimes, tu manges de tout ?
—Oui oui j’aime tout sauf mexicain, indien et végétarien.
—Donc t’as rien contre la bouffe thaïe, si j’ai bien compris ?
—Heu, ça dépend des plats, faut pas qu’ils soient trop piquants ! Je sais, je suis une fille chiante ! On peut entendre da sa voix qu’elle sourit à l’autre bout du fil.
—Non, non, pas du tout ! Bon OK un peu quand même je l’admets, mais j’ai l’habitude des chieuses. Et pour les plats, t’en fais pas je connais assez bien, je choisirais pour toi si tu veux. Nico peut entendre Delphine pouffer doucement.
—Eh bien bravo, on se connaît pas encore et tu me traites déjà de relou ! Ça donnera quoi dans 10 ans ?
—Non, c’est bon t’inquiètes ! Dans 10 ans, y’a longtemps que j’aurais effacé ton numéro ! Ils se mettent à rire ensemble. On se rejoint au Thaï ou bien je passe te prendre ?
—On se rejoint là-bas. Disons dans 45 minutes, le temps que je me prépare OK ? Envoie-moi l’adresse du resto par texto !
—Très bien, donc à 20 h 30 au resto, ça marche. Je t’envoie l’adresse de suite, bisous à tout !
—À tout ! »
Bisous à toute ! Il se demande pourquoi il a dit ça ? Ne serait-ce pas un peu trop familier ? Après tout, ils ne se connaissent pas. Sous ses airs de garçon détendu, il n’en est rien, bien au contraire, il est bien plus tourmenté qu’il veuille bien le laisser paraître. Cependant, la conversation téléphonique qu’il vient d’avoir l’a un peu rassuré. Delphine lui a fait une très bonne impression, elle lui paraît assez avenante et pas triste du tout, pour une fille qui avait les larmes aux yeux quelques heures plus tôt…
Nico arrive le premier. Après quelques instants d’attente, il décide de ne pas patienter plus longtemps et passe commande d’un apéritif. Il sait bien qu’il n’est pas très courtois de faire cela, mais en même temps, un verre d’alcool l’aidera grandement à se détendre et à se désinhiber.
Il a l’impression que tous les clients ont les yeux rivés sur lui, seul à sa table, à attendre une fille qu’il ne connaît pas. Et si elle ne venait pas ? Après tout, elle avait peut-être changé d’avis. Peut-être qu’elle avait reçu un appel du garçon responsable de son état éploré lors de leur première rencontre au café. Peut-être qu’elle s’était ravisée et qu’ils avaient décidé de recoller les morceaux…
Finalement, elle fait son apparition. Le cœur de Nico bat à cent à l’heure ! Elle est magnifique avec ses longs cheveux ébène attachés en arrière et sa petite touche de maquillage, mais qui ne coule pas cette fois-ci. Elle s’avance d’un pas pressé dans une robe rouge vif qui lui colle à la peau laissant deviner toutes les courbes de son corps. Sa poitrine semble ne pas avoir besoin de soutien-gorge pour se maintenir bien haute. Tous les hommes remarquent sa présence, on peut lire le désir dans leurs yeux. Les femmes aussi la scrutent, elles ne la convoitent pas, elles la jalousent, ses mensurations semblent parfaites. Elle est vraiment belle. Nico ne le remarque que maintenant, maintenant qu’il la voit dans cette splendide robe qui lui va à ravir. Habillée, coiffée et maquillée de la sorte, on pourrait aisément se méprendre et la confondre avec une Asiatique, seuls ses adorables yeux ronds la trahissent.
« Excuse-moi d’être en retard, j’ai eu un peu de mal à trouver !
—Non ce n’est rien, c’est plutôt à moi de m’excuser, je t’ai pas attendu pour commander un verre.
—Et bien ! Entre moi qui suis en retard et toi qui ne m’attends pas pour commander ! Voilà ce que j’appelle un bon début !
—On n’a plus qu’à trinquer à notre rencontre ! Enfin, quand t’auras un verre bien sûr !
—Ah ah ! Très drôle ! T’aurais pu m’en commander un !
—T’es vexée ? Attends je vais vite me faire pardonner. Nico fait un signe au serveur. Pourrait-on avoir une bouteille de champagne s’il vous plaît ?
—Ha, un repas qui commence bien ! Mais j’espère que tu n’as pas l’intention de profiter d’une fille attristée et enivrée…
—Non, non, c’est pas mon genre !
—Ha… Dommage… Non, je plaisante ! Alors, tu viens souvent dans ce restaurant ?
—Oui on peut dire ça, j’aime beaucoup la cuisine asiatique. En fait, j’aimerais beaucoup aller au Vietnam un jour. Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours voulu y aller !
—Ah oui ? C’est une vraie passion alors ! Tu me conseilles quoi comme plats ?
—En fait, le mieux serait qu’on prenne un petit éventail de tout et qu’on partage les différents plats. Tu en penses quoi ?
—Super, je te fais confiance.
—Excusez-moi ! lance Nico en direction d’un serveur. Nous avons choisi ; en entrée ça sera une Tom Yam Kung peu épicée, un riz nature, des nems au porc, des hakaos aux crevettes, des gyozas au bœuf et des beignets de pinces de crabe. En plat, nous prendrons un poulet aux noix de cajou, un bœuf au basilic thaï peu relevé et des crevettes au gingembre avec un riz sauté au curry et un vermicelle aux trois délices s’il vous plaît.
—He bien, j’ai pas tout compris, mais ça m’a l’air bon ! »
Delphine s’étonne que Nico ait passé la commande sans même consulter le menu. Il est clair qu’il est un habitué des lieux. Peut-être est-ce là qu’il amène toutes ses conquêtes ? Mais Delphine ne se considère pas comme telle. À dire vrai, elle ne sait même pas pourquoi elle lui a donné son numéro de téléphone. Peut-être est-ce parce qu’il l’avait fait sourire alors qu’elle pleurait. Elle a besoin de ça en ce moment, un garçon gentil qui la fait rire et surtout qui ne lui parlera pas de l’autre…
Le repas se passe bien, Delphine apprécie les différents mets choisis par Nico, même s’ils ne réussissent pas à tout finir. Lors du dîner, ils parlent de tout et de rien. Nico parle de sa passion pour l’Asie du Sud-Est, tandis que Delphine évoque ses différents voyages à Londres, New York, Lisbonne, Madrid, Barcelone, Berlin, Naples, Athènes et Mykonos. Il s’agissait surtout de longs week-ends en ce qui concerne les capitales et grandes villes européennes, ses plus longs séjours furent dix jours à New York et treize en Grèce. Bien que Nico ne soit pas particulièrement attiré par ces diverses destinations, il reste admiratif et écoute avec plaisir les anecdotes de Delphine. Il découvre également que cette dernière travaille dans un magasin de prêt-à-porter féminin d’une grande marque de luxe connue à l’international.
Ils sont tellement absorbés par leur conversation qu'ils ne remarquent même pas que les autres clients sont déjà partis et que les employés du restaurant attendent patiemment leur départ pour fermer et rentrer chez eux. Delphine ne souhaite pas conclure cette soirée si tôt, elle ne souhaite pas rentrer chez elle. Avec Nico, elle passe un agréable moment, elle commence à l’apprécier, sincèrement. Physiquement, il n’est pas vraiment son genre, elle le trouve assez classique. Pourtant elle l’aime bien, il est drôle, gentil et il sait l’écouter. Nico a réussi à lui faire oublier ses problèmes le temps d’une soirée et elle aimerait ne plus y penser encore quelques heures de plus. Elle veut profiter de sa compagnie encore un peu. Encore un peu plus longtemps et peut-être même jusqu’au bout de la nuit.
« Nico, je pense qu’ils veulent fermer, on va prendre un dernier verre chez toi ? propose Delphine.
—Heu… OK ! »
Le jeune homme est surpris par cette proposition qui le perturbe un peu. Il règle l’addition et se dirige vers le parking sans vraiment prêter attention à Delphine qui le suit. Il est nerveux. Chacun monte dans sa voiture respective. Tout au long du trajet, Nico se demande pourquoi il a accepté et réalise qu’il a répondu sans vraiment réfléchir. Il enchaîne les cigarettes les unes après les autres. C’est la première fois que Nico se retrouve dans cette situation, avec une fille qu’il connaît à peine en direction de son appartement…
De son côté, Delphine a aussi des doutes. Elle est en manque d’affection et pense que Nico pourrait lui apporter le réconfort dont elle a besoin depuis ce jour ; le jour où elle a trouvé une amie au lit avec son petit copain.
L’ascenseur de l’immeuble où vit Nico est exigu, les forçant à se tenir près l’un de l’autre. Ils se regardent, ils n’ont rien d’autre à faire. Nico finit par détourner les yeux, mal à l’aise à cause la promiscuité imposée par cet espace restreint. Delphine comprend que la timidité de Nico est bien trop omniprésente pour qu’il fasse quoi que ce soit. Cependant, à cet instant précis, elle aimerait bien être embrassée. Elle décide de prendre les choses en mains et se rapproche lentement de son visage jusqu’à ce que son souffle se fasse sentir sur sa joue. Instinctivement, il ferme les yeux. Il sent alors les lèvres de Delphine se poser délicatement sur les siennes. Des tremblements commencent à se faire ressentir dans ces jambes, mais très vite, et avant qu’elle ne le remarque, il parvient à les maîtriser. Lorsque la langue de Delphine s’introduit dans sa bouche, il ne sait pas ce qu’il doit faire, il est tétanisé. Il s’affole. Trop de questions lui traversent l’esprit : pourquoi je ne bouge pas ? Que va-t-elle penser de moi ?? Mais pourquoi je n’arrive pas à remuer ma langue ?? Que va-t-elle penser merde ?? Comment va-t-elle réagir ?? Pourquoi je suis comme ça ?? Je ne comprends pas ?? … Delphine s’arrête, se recule légèrement, le regarde tendrement et lui sourit. Elle a bien compris que Nico n’avait probablement pas beaucoup d’expérience, et suppose même que cela pourrait être sa première fois. Cependant, elle n’ose pas lui poser la question, elle ne veut pas qu’il se vexe. Il est intimidé c’est certain et elle trouve cela touchant.
L’ascenseur s’arrête à l’étage de Nico, stoppant par la même occasion ce baiser manqué. Il se demande si Delphine voudra toujours entrer après ce qu’il vient de se passer. Pour elle, il n’y a pas de question à se poser, elle veut entrer chez lui !
Ils sortent de l’ascenseur sans parler. Nico se dirige immédiatement dans le salon, il manque à toutes les règles de politesse, il ne s’occupe pas de son invitée et l’ignore presque tellement son esprit est envahi par des centaines de questions sans réponses. Delphine le suit en jetant de furtifs coups d’œil à l’environnement qui l’entour. L’appartement du jeune homme est petit et manque d’organisation, la vaisselle sale est visible dans l’évier de sa petite cuisine mal agencée. Il n’a pas l’habitude de faire le ménage régulièrement, faisant la vaisselle seulement lorsque nécessaire.
Le salon est en désordre et il n'a pas beaucoup de meubles à cause de sa petite superficie. Une chaise est couverte de vêtements qui semblent attendre d'être repassés. Sur la table basse se trouve un cendrier rempli de mégots, ainsi que divers magazines masculins. Le bureau de l'ordinateur est encombré de CD, boîtiers, courriers, prospectus et autres objets sans utilisation immédiate, ainsi qu'un autre cendrier rempli.
La salle de bain est, en revanche, bien rangée. Les vêtements sales sont dans la corbeille, la baignoire brille et il n'y a aucune trace d'eau sur le miroir. Seul le lavabo révèle que Nico est parti en retard ce matin car il ne l'a pas rincé après s'être rasé.
Dans la dernière pièce, la chambre, il y a un matelas directement posé au sol, des meubles de rangement et un étendoir dans un coin de la pièce. Étrangement, le "lit" est fait, d’un homme qui fait sa vaisselle avant de manger et qui ne vide pas ses cendriers, on ne s’attend pas à ce qu’il fasse son lit. Cela n’a pourtant rien de bizarre, Nico ne dort pas en ces lieux, mais sur son clic-clac dans le salon, et il utilise surtout la chambre comme dressing. Dans l’ensemble, l’appartement semble être propre.
Delphine s’assied près de Nico et lui passe la main dans les cheveux, « Détends-toi » lui susurre-t-elle très doucement au creux de l’oreille avant de l’embrasser de nouveau… Cette fois-ci, tout se passe bien. La main de cet ange massant son cuir chevelu apaise son esprit et le détend. Il n’est plus figé et remue sa langue en suivant le mouvement de son guide.
Nico, rassuré, ose enfin poser ses mains sur le corps de son invitée. Il aime le contact de sa joue. Sa robe est si fine qu’en lui passant les doigts dans le dos, il a l’impression d’être en contact direct avec sa peau. Il est beaucoup plus décontracté que lors de l’incident dans l’ascenseur et Delphine le ressent bien. Il ne veut pas que ce baiser se finisse, il souhaite rester là des heures durant à l’embrasser. Il adore qu’elle le touche, où que ce soit, les cheveux, la main, les jambes, le visage, le dos… en bref, son corps. Il apprécie ses caresses et aime la caresser en retour. Il a l’impression d’être dans un de ses rêves, sauf que cette fois, c’est avec Delphine qu’il est… Kate… Même en ce moment intime, il ne peut s’empêcher de penser à Kate, la fille de ses rêves, mais l’espace d’un bref instant seulement… Nico est maintenant confronté à un dilemme intérieur. Il se demande jusqu’où Delphine veut aller, et lui ne veut pas aller jusqu’au bout, jusqu’à ce moment qu’il attend depuis longtemps, ce moment où il offrirait sa virginité, ce moment qu’il s’est toujours imaginé avec celle qu’il aime… Pourtant, au fond de lui, il aimerait quand même franchir cette étape avec Delphine, là, maintenant, ce soir sans plus attendre. Mais si cela se produisait, est-ce qu’il respecterait son éthique ? Est-ce qu’il respecterait ses principes ? Est-ce qu’il se respecterait lui-même ? Il a toujours pensé et dit que pour sa première fois, il serait amoureux de sa partenaire. Il comprend que certaines personnes puissent avoir des rapports sans être amoureuses, mais lui n’est pas comme ça. Il idéalise l’amour et le met sur un piédestal. L’Amour, le vrai, il n’y en a qu’un et il n’en parle qu’au singulier comme si un seul amour était possible tout au long d’une vie. Comment pourrait-il faire l’amour à Delphine tout en en aimant une autre ? Est-ce vraiment possible pour lui ? Est-ce acceptable ?
Delphine ne se pose pas autant de questions. Elle se demande juste si Nico va aller jusqu’au bout. Il s’agit simplement de vivre l’instant présent et de se laisser aller à ses désirs.
Ils sont là, ils s’embrassent langoureusement. Leurs mains se promènent mutuellement sur le corps de l’autre. Elle s’allonge sur le clic-clac, invitant Nico à poursuivre. Lentement, il commence à dévêtir sa princesse du moment sans manquer de caresser chaque partiel de peau qu’il découvre peu à peu. Il commence donc par lui ôter ses chaussures, les pieds de la belle se retrouvent à nue. Qu’ils sont beaux ! Il ne peut s’empêcher d’embrasser chacun d’eux, le droit d’abord, puis le gauche… Délicatement, il remonte ses mains sous la robe rouge de Delphine… Il n’est pas sûr de ce qu’il fait, de ce qu’il est censé faire, ni jusqu’où il va aller, mais il agit simplement de manière naturelle. Il se demande si elle ne préférait pas qu’il aille plus vite ou bien si sa lenteur lui convient, mais il n’ose pas demander. Il s’est toujours imaginé que des préliminaires devaient se dérouler en silence, et que chacun devait se laisser guider par l’autre. Mais elle, qu’en pense-t-elle ? Elle, elle pense que pour une première fois il se débrouille bien, elle se sent bien avec lui. Elle apprécie qu’il prenne son temps et qu’il ne se jette pas sur elle, comme certains de ses précédents partenaires. Elle sent les mains inexpérimentées de notre apprenti glisser sous sa robe, elle lève délicatement son bassin pour lui permettre de retirer son sous-vêtement plus facilement. Ce qu’il fait très lentement en le faisant rouler jusqu’au pied. Nico remonte la robe jusqu’à son bassin, c’était le dernier obstacle pour la suite de l’ébat qui semble inévitable maintenant. Il contemple les jambes de Delphine dans leur intégralité, elles sont à peine dorées. Au toucher, il constate qu’elle ne s’est pas rasée récemment, car lorsque ses doigts remontent les mollets de la belle, il ressent de petits picotements dus à la repousse des poils. Il ne trouve pas ce contact désagréable et il ne se lasse pas de les câliner. Elle a vraiment de belles jambes. Il remonte ses mains timides en direction des cuisses qu’il cajole à leur tour. Par moment, ses doigts frôlent l’entrejambe de sa dulcinée, ce qui l’excite grandement.
Delphine en a assez de rester oisive, que Nico prenne son temps ne la dérange pas, au contraire même, d'autant plus qu’elle sait que pour lui c’est sa première fois, elle apprécie ce moment, mais elle aussi a envie de participer. Elle décide donc d’enlever elle-même le reste de sa robe, se dévoilant totalement nue à lui. Nico reste un moment sans bouger cherchant à comprendre pourquoi soudainement elle s’est mise à bouger. Ai-je mal fait quelque chose ? Vais-je trop lentement ? Dois-je me déshabiller à mon tour moi aussi ou bien attendre encore un peu ? Laissons faire les choses, on verra bien ce qu’elle va faire… Nico ose à peine regarder... C’est la première fois qu’une fille se retrouve entièrement nue devant lui. Elle est belle ! Et son corps est parfait ! ne peut-il s’empêcher de constater. Ne le voyant pas réagir, elle décide de prendre les choses en main et s’attaque aux vêtements du jeune novice...
Bientôt ils se retrouvent côte à côte, nus. Nico est très excité, mais angoissé également, il commence vraiment à avoir peur, peur de mal faire, peur de la décevoir, peur de tout ce qui va suivre et qu’il ne maîtrise pas, une paralysie s’empare de lui. Delphine lui passe la main dans les cheveux pour le détendre un peu une fois de plus, elle a senti les palpitations de son cœur augmenter et ne peut donc ignorer son stress, sur un ton très doux et rassurant elle lui souffle à voix basse : « Tout va bien aller, ne crains rien, je vais te guider ». En entendant ses mots, Nico se sent mieux. Elle sait, elle a compris, si je fais des erreurs elle comprendra et ne m’en voudra pas. Il reprend petit à petit possession de son corps et entreprend timidement de toucher les ravissants seins de Delphine, au début il ose à peine les effleurer du bout de ses doigts, puis il les saisit à pleines mains… Le contact de sa paume avec cette majestueuse poitrine lui plaît. C’est si doux et moelleux. Delphine lui caresse le dos, puis elle enlace Nico et le rapproche d’elle jusqu’à ce que leurs corps ne forment qu’un tout unique.
Nico vient d’entrer dans le monde des "adultes"…
À cet instant précis, il l’aime. Et parce qu’il l’aime, il peut donc faire ce qu’il n’avait jamais fait auparavant… Si seulement cette nuit pouvait se figer dans le temps et durer éternellement, durer jusqu’à la fin des temps pour ne jamais finir… Ainsi il pourrait aimer pour toujours et profiter de ce moment, qu’en son fort intérieur, sait éphémère…
[1] “Petite sœur “ en Thaïlandais
[2] “Banh “ particule placée devant le prénom d’un frère ou cousin plus âgé que sois au Cambodge, “Skôm “ signifie maigre en cambodgien.
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