Vendredi 27 Août

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Les semaines passent et se ressemblent. Benjamin n’a toujours pas pris de décision, il continue de voir Doéna régulièrement et parfois même de passer la nuit avec elle lorsque leurs conversations se prolongent tard dans la nuit. Cela laisse à penser à Nico que très bientôt ils seront de nouveau un couple. Plus personne n’ignore leur rupture au “village “ du centre commercial. Si Nico a pu garder cela secret, ce n’est pas le cas des amies et collègues de travail de Doéna, et la rumeur ne mit pas longtemps à atteindre la brasserie. Beaucoup ont été surpris en l’apprenant, sauf Patrick, lui avait compris que quelque chose ne tournait pas rond dans leur couple depuis quelque temps, des indices ne trompaient pas : le changement de comportement de Benjamin et la disparition de sa compagne au bar. Par contre, personne ne sait encore que Doéna est enceinte, elle n’en a toujours pas soufflé mot à ses amies, et Benjamin encore moins ; seul Nico reste dans la confidence.

« Nico ! Tu peux surveiller mon rang ? demande Dao.

—Oui bien sûr ! » Nöng Sâo… Nos rapports se sont bien améliorés ces derniers temps ! Bon, elle ne m’appelle toujours pas Bang Skôm, mais quand même, y’a du progrès, on ne s’ignore plus totalement aujourd’hui !

Les problèmes de Benjamin ont contribué au faible rapprochement des deux amis, Dao n’osant pas prendre des nouvelles directement auprès de Benjamin, c’est vers Nico qu’elle se tourne pour connaître l’évolution de son état d’esprit. Bien que le dialogue se rétablisse peu à peu, deux sujets restent tabous : Steve, aucun des deux ne souhaite en parler, Dao n’aborde jamais sa vie de couple ! Et la drogue, elle ignore que Nico est au courant et elle compte bien garder ça secret. Nico, quant à lui, espère qu’un jour elle lui en parlera, il ne veut pas la brusquer pour le moment et risquer de refermer le dialogue qui a mis tant de temps à se reconstruire.

« Nico ! Viens s’il te plaît ! demande Patrick sur un ton pressé !

—Ouais quoi ? Nico s’approche de Patrick.

—C’est Dao ! ajoute-t-il d’une voix grave.

—Quoi Dao ? Demande Nico d’une voix inquiète.

—Y’a un truc qui va pas, je viens de la croiser en allant aux toilettes et elle est en pleurs, je sais pas ce qu’elle a ; elle n’a rien voulu me dire ! »

Il n’a pas terminé sa phrase que Nico s’empresse d’aller trouver sa petite sœur ! Lorsqu’il arrive dans le couloir privé de la société, il la voit assise sur le sol, la tête réfugiée entre ses jambes, sanglotante. Il s’approche lentement d’elle et se place à sa gauche, en laissant son épaule toucher la sienne.

« C’est moi… » lui souffle-t-il à voix basse pour la rassurer, puis il la prend dans ses bras. Sans un mot, elle pose sa tête contre son torse frêle, signe qu’elle accepte sa présence. Nico dégage doucement la joue de Dao de ses longs cheveux noirs mouillés par ses larmes, les replaçant derrière son oreille tout en lui caressant le visage. Les tremblements de Dao font vibrer le corps de Nico. Les deux jeunes restent assis sans rien dire un long moment, comprenant que les mots ne sont pas nécessaires pour le moment. Ce silence semble apaiser Dao. Nico sent son T-shirt devenir de plus en plus humide au contact de cette pluie salée qui se déverse lentement sans jamais s’estomper. Il se demande quelle peut bien être la cause de ce chagrin. Des bruits de pas retentissant dans le couloir retiennent son attention, quelqu’un approche, il espère qu’il ne s’agisse pas de Steve. Finalement, le visage de Benjamin apparaît au bout du couloir.

« Qu’est-ce vous faites ? Je suis tout seul à gérer vos rangs ! en voyant Dao en détresse, il comprend mieux leurs absences. Ça va ?

—Oui… répond Dao d’une voix larmoyante, sans relever la tête.

—On arrive… ajoute Nico, se préparant à soutenir Dao.

—C’est bon, y a pas grand monde, prenez votre temps ! » conclut Benjamin d’un air compatissant, presque désolé de les avoir dérangés.

Avant de partir, il regarde Nico et sans émettre un seul son, il demande en forçant sur les syllabes pour être sûr que Nico arrive à lire sur ses lèvres : « elle a quoi ? » Nico répond, de la même manière : « je sais pas ».

Les pleurs de Dao s’amoindrissant de seconde en seconde ; Nico tente alors d’ouvrir un dialogue.

« Ça va mieux ?

—Oui…

—Qu’est-ce qui va pas ? C’est à cause de tes exams loupés que tu pleures ?

—Non… Enfin, si… J’en sais rien !... Rien ne va de toute façon…

—Tu veux en parler ?

—Non…

—Bon, même si je ne suis pas en accord avec tous tes choix et décisions ces derniers temps, je veux que tu saches que si tu as besoin de moi, même si c’est juste pour parler, je suis là ! Dao reste silencieuse… OK ? insiste Nico. Dao se contente de hocher la tête en guise de réponse. Tu te sens d’y retourné ?

—Pas de suite… Attends encore un peu… »

Les sanglots ont cessé et il ne reste que quelques larmes sur les joues de Dao. La main de Nico continue de caresser son visage encore humide. Il n’a pas vraiment envie de retourner à son poste en abandonnant sa petite sœur, mais il ne souhaite pas non plus mettre Benjamin dans l’embarras plus longtemps... Comme si Dao avait compris, elle se redresse lentement, et Nico retire son bras qui l’entourait. Dao relève son T-shirt pour s’essuyer le visage, dévoilant ainsi sa poitrine couverte d’un soutien-gorge de dentelle indigo qui ne la dissimule pas vraiment. Nico ne peut s'empêcher de contempler sa poitrine à ce moment-là, mais il détourne rapidement les yeux vers son visage, ressentant une certaine gêne. Dao reste là, le regard perdu, sans rien dire...

« J’y retourne ! finit par lancer Nico, un peu troublé par la situation. Va te nettoyer le visage et reviens travailler, OK ?

—OK. Vas-y, j’arrive. »

Ils se lèvent en prenant chacun une direction opposée. Nico est presque arrivé au bout du corridor lorsqu’il entend : « Merci ». C’est la voix de Dao qui vient de retentir dans le couloir. Il se retourne, mais elle a déjà disparu…

De retour à son poste, Nico récupère son rang et celui de Dao, le temps qu’elle revienne. Patrick et Benjamin cherchent à en savoir un peu plus, mais Nico se trouve dans l’incapacité d’assouvir leur curiosité, car lui-même ignore tout des causes du chagrin de sa petite sœur. Dao revient à son tour, elle prend les commandes dans son carré en affichant un grand sourire face aux clients. Personne ne peut se douter que quelques minutes auparavant elle était en pleurs. Elle reprend son service comme si rien ne s’était produit. Le regard protecteur et inquiet de Nico s’arrête fréquemment sur Dao, mais sans jamais croiser le sien. Non, elle ne lève jamais les yeux sur lui. Nico s’interroge, pourquoi recommence-t-elle à l’ignorer. Il pensait vraiment qu’après lui avoir prêté son épaule pour pleurer, leur rapport allait s’améliorer, pourtant ce n’est pas le cas, elle se comporte comme avant, exactement comme si cet épisode n’avait jamais eu lieu. Seul le T-shirt de Nico, imbibé des larmes de Dao, semble se souvenir encore un peu de ce qui s’est passé.

Lorsque Dao finit son service, Nico s’attend à ce qu’elle vienne lui faire la bise, au lieu de ça, elle se contente d’un simple « au revoir » le regard fuyant et la main levée. Nico, déçu, ne répond pas et observe Dao s'éloigner avec un sentiment d'incompréhension. Il se demande pourquoi elle agit de cette manière, en évitant tout contact plus proche avec lui. Les interrogations et les doutes se bousculent dans l'esprit de Nico, qui se sent désormais encore plus éloigné de sa petite sœur.

« Tu sais, Nico, je pense que je vais me remettre avec Doéna… » Benjamin et Nico sont sur le parking, ils ont fini leur journée et discutent en fumant une cigarette, profitant des derniers beaux jours de l’été avant l’arrivée de l’automne, qui semble toujours arriver trop vite et sans prévenir.

« J’ai bien réfléchi, et je pense que c’est la meilleure chose à faire… C’est mieux pour le bébé…

—Attends, si tu te remets avec elle juste à cause du bébé, je t’arrête de suite, c’est pas l’arrivée du petit qui va résoudre vos problèmes ! Ils seront toujours là ! J’ai rien contre le fait que tu te remettes avec elle, mais fais-le pour de bonnes raisons ! Ne le fais pas juste par peur que le petit vive mal la situation. Il vaut mieux qu’il ait deux foyers heureux plutôt qu’un seul malheureux !

—Oui bien sûr, t’as raison, mais je ne le fais pas que pour le bébé ! Je pense que je suis toujours amoureux d’elle, et même si elle m’a énormément blessé, je l’aime encore ! Et je suis sûr qu’elle m’aime aussi. Elle a fait une erreur, elle en est consciente, et je ne peux pas le lui reprocher continuellement ! Je suis certain que ça ne se reproduira plus ! Et puis, c’était un peu de ma faute aussi. C’est vrai que je m’occupais plus d’elle, je la considérais comme acquise. J’avais oublié que l’amour doit être entretenu au quotidien !

— Si tu lui pardonnes par amour, je n’ai rien à dire… Tu lui as dit ?

—Non, pas encore. Je pense lui dire ce soir. Regarde ! Benjamin passe sa main dans la sacoche qu’il a en bandoulière et en ressort un écrin à bijoux qu’il tend à Nico.

—C’est quoi ? Tu lui as pas acheté une bague quand même ? en ouvrant la boîte, il découvre un anneau en or serti d’un diamant ! Si !! Tu l’as fait ! Mais pourquoi ?

—Tu la trouves comment ?

—Elle est très belle, c’est pas la question !

—Comme je te l’ai dit, j’ai ma part de responsabilité, donc j’ai décidé de repartir sur de nouvelles bases, et ça commence par la courtiser de nouveau !

—Oui, c’est une façon de voir les choses, mais là, d’après moi, c’était surtout à elle de te reséduire ! C’est quand même elle qui est allée voir ailleurs ! La faute venant d’elle, c’est à elle de se faire pardonner ! Pas à lui !

—Tu sais, je ne suis pas le seul à avoir souffert, elle aussi a souffert ! Elle pleure tous les soirs !

—Oui, mais c’était son choix, toi tu as subi sa décision ! Elle avait pas l’air de tant souffrir que ça lorsque je l’ai vue avec Samir ! Mais bon, n’en parlons plus ! Tout ce qui importe c’est que tu l’aimes toujours et que tu lui pardonnes. Même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec ta façon de faire, ça ne regarde que toi ! C’est ton jugement et je dois l’accepter !

—Je te remercie ! Je sais que t’as du mal à me comprendre, mais je te remercie de l’accepter ! Et je vais te demander un dernier effort, sois cool avec Doéna, ne lui en veux pas trop, et quand tu la reverras, essais de faire comme s’il ne s’était rien passé, s’il te plaît !

—Je vais essayer ! »

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