Dimanche 10 Octobre

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Nico a rendez-vous avec Kate au Café du Centre, comme d’habitude. Inutile de préciser que Kate est en retard, il entame donc son petit rituel en sélectionnant “Hotel California“ dans le juke-box. La première chose que remarque Kate en arrivant, c’est le visage très fatigué de son ami.

« Oh la la ! C’est quoi cette tête ?

—Je suis fatigué.

—Ah oui, j’avais remarqué. C’est Laurent qui te tue à la tâche ?

—Non, non, mais on est sortis hier soir après le travail et on s’est couché vers sept, huit heures du mat.

—Moi aussi je suis sortie et je suis pas dans le même état que toi.

—Que veux-tu que je te dise ? Tu tiens mieux que moi, et puis moi j’ai pas trop l’habitude de sortir aussi tard.

—Oh, mon pove vieux, il a pas l’habitude de sortir. Dis plutôt que t’as trop bu !

—Heu, oui et non ! C’est un taré Laurent !

—Pourquoi ?

—Il nous a tous invités hier soir, grâce à lui on était au carré VIP. Il a commandé je sais pas combien de bouteilles de champagne, franchement il a dû en commander au moins vingt !

—Vingt bouteilles ? Mais vous étiez combien ?

—Six seulement !

—Ah oui, quand même, ça fait beaucoup de bouteilles ! Du coup vous avez dû grave boire !

—En fait, pas tant que ça en fait, parce que figure-toi qu’il les commandait pas que pour les boire !

—Et il faisait quoi avec ?

—Il prenait des douches !

—Des douches ?

—Des douches au champagne, il se les renversait dessus !

—Il est complètement fou ! C’est pour ça que je l’aime bien !

—Oh oui, tu peux le dire ! Je le connaissais pas comme ça, mais il m’a bien fait rire ! C’était trop fort, y’avait plein de mecs de la sécu autour de nous, je pensais qu’ils allaient nous virer, mais non pas du tout, ils surveillaient juste que tout se passe bien et que personne ne se blesse avec les bouteilles et les verres que notre groupe cassait. Non, mais sérieux, entre lui, sa copine, Dao et le plongeur, qui entre nous soit dit, m’a l’air très intéressé par Dao, ils t’ont retourné le carré VIP ! Les seuls calmes, c’était le cuistot et moi, ce qui veut pas dire qu’on s’est pas amusés. Lui a passé son temps sur la piste de danse et moi, je surveillais les autres. Bien qu’ils m’aient fait peur par moment, c’était vraiment très drôle. Et ils m’ont impressionné par leur résistance à l’alcool m’a impressionné. Si j’avais bu autant qu’eux, j’aurais vomi c’est sûr !

—Oui j’imagine ! Ça devait être drôle ! Mais dis-moi, en parlant de Dao, la coloc se passe bien ? Et vous en êtes où ?

—Oui très bien… Et nulle part…

—Elle sait que t’es plus avec Delphine ?

—Oui ! C’était marrant ça aussi ! En fait, deux semaines après que Delphine ait rompu, Dao m’a dit que c’était bizarre que je n’aille jamais voir ma copine, du coup je lui ai dit qu’on était plus ensemble…

—Et elle a réagi comment ?

—Elle n’a rien dit.

—Et ça te fait chier ?

—… Non…

—C’est un petit “non “ ça. Comment tu réagirais si elle sortait avec quelqu’un ?

—Bien je pense.

—“Tu penses “, donc t’es pas sûr ! Tu serais jaloux ?

—Non, hier elle a pas arrêté de danser avec le plongeur et Laurent, et ça m’a rien fait.

—Ça t’a rien fait car tu sais que le plongeur n’a aucune chance et que Laurent est déjà casé !

—Non, non, sérieux, je pense que ça me ferait rien.

—Moi j’en suis pas si sûre, mais bon. Et sinon, t’as des nouvelles de Delphine ?

—Non, je lui ai envoyé le texto que tu m’avais dit là, “tu fais toujours la tête ? “ elle n’a jamais répondu.

—Aïe ! Elle doit toujours faire la tête !

—Je pense aussi… Et toi alors ? Qu’est-ce que tu me racontes ?

—Rien, comme d’hab., j’étais avec Estelle hier soir…

—Et il s’est rien passé ? Vous n’avez rencontré personne ?

—Non, y’a bien un type qui dansait bien et qui était mignon que j’ai embrassé, mais il s’est rien passé de plus.

—Ah bon ? Pourquoi ? Il dansait bien et il était mignon, comment ça se fait qu’il ne s’est rien passé ?

—J’avais pas envie…

—Ah bon ? T’as quelqu’un en vue ?

—Non, personne, mais j’avais pas envie.

—Bon… J’insiste pas. Et Estelle ?

—Elle est rentrée seule, comme d’habitude. Mais bon, tu la connais, avec son côté artiste ! Elle cherche pas à faire des rencontres, tout ce qu’elle veut, c’est danser !

—Ouais c’est vrai, elle c’est plutôt le genre à faire des rencontres dans les musées ou les expos !

—Ouais, mais c’est bien pour moi, comme ça je suis sûre qu’elle reste toute la soirée avec moi. Elle risque pas de partir avant la fin avec un mec. »

Les deux amis discutent ainsi encore longtemps de tout et de rien, puis Nico, pris de fatigue, décide de rentrer chez lui faire une petite sieste.

Pendant qu’il dort sur le canapé, Dao regarde tranquillement la télévision, assise à ses pieds. Elle veille bien à ce que le son ne soit pas trop fort afin de ne pas le réveiller.

« Tu regardes quoi ? demande Nico d’une voix encore très endormie.

—Rien de spécial, des conneries de téléréalité ! Ils me font rire tous ces crétins ! Je t’ai pas réveillé au moins ?

—Non… T’es levée depuis longtemps ?

—Je me suis réveillée un peu avant que tu ne rentres, mais le temps que je me lève, tu dormais déjà. T’étais où ?

—Je suis allé boire un café avec Kate…

—Kate… Vous vous voyez souvent non ?

—Mouais… On essaie… On s’appelle surtout…

—Toujours amoureux d’elle ?

—… De quoi ?

—T’es toujours amoureux d’elle, non ? C’est pour ça que t’as rompu avec Delphine, non ?

—Pas vraiment, non… C’est plus à cause de toi…

—Quoi ? Tu l’as quittée à cause de moi ?

—Non, elle a rompu à cause de toi…

—Tu lui as dit ?

—Non ! J’ai juste dit que tu vivais à la maison et elle l’a mal pris…

—Normal, tu l’as mise devant le fait accompli, je l’aurais mal pris moi aussi à sa place. Et si j’avais su que t’avais une copine, je ne serais pas venue.

—Ah bon ? Pourquoi ? Ça change quoi ?

—Je sais pas, mais ça ne se fait pas…

— Sous prétexte que j’ai une copine, je n’ai pas le droit d’aider une amie ?

—Si, mais t’aurais dû en parler avec elle avant.

—C’est pas grave, ce qui est fait est fait, on ne revient pas en arrière.

—Mais ça te fait pas chier ?

—Je sais pas…

—Tu l’aimais ?

—Je sais pas…

—À mon avis, tu l’aimais pas, sinon ça t’aurait plus fait chier.

—Possible…

—Elle en pense quoi Kate ?

—Pas grand-chose…

—Elle était contente quand elle a su que t’avais une copine ?

—Heu… En fait, je lui ai pas dit de suite… Mais quand elle l’a su, elle m’a plus semblé surprise que contente.

—Elle était pas un peu jalouse ?

—Heu non pourquoi ?

—Si elle avait été jalouse, ça aurait voulu dire qu’elle t’aime…

—Elle ne m’a pas semblé jalouse…

— Remarque ça ne veut rien dire… Sinon, putain hier c’était une bonne soirée ! Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas amusée comme ça ! Nos patrons sont des fous ! J’adore !

—Oh oui comme tu dis ! Je sais pas comment vous faites, mais vous tenez grave l’alcool ! Et le plongeur qui te lâchait pas ! C’était trop fort !

—Oh oui t’as raison, le pauvre, il est gentil, mais c’est pas vraiment mon genre ! Heureusement que Lucy venait à mon secours ! Non, mais sérieux, il est pas un peu taré Laurent ? À se verser le champagne dessus ! En plus, t’as pas vu toi, mais à un moment il a embrassé une fille !

—Ah ouais !? Elle a pas vu Lucy ?

—Si ! C’est ça qui m’a le plus surprise ! Voyant qu’elle ne réagissait pas, je lui ai demandé si ça la dérangeait pas, elle m’a répondu que c’était pas grave, qu’il avait trop bu et qu’il s’amusait.

—Putain, elle est cool Lucy !

—Et super belle en plus !

—Ah !

—Quoi ah ?

—Elle te plaît ! Dommage qu’elle soit prise, n’est-ce pas ?

—Ouais, c’est vrai qu’elle me plaît bien, mais je pense pas qu’elle soit bi. Remarque peut-être, on sait jamais…

—Même si elle est bi, elle est pas dispo.

—Et je suis pas jalouse !

—Mais t’es con toi !

—Je sais, mais c’est pour ça que tu m’aimes… bien !

—T’avances pas trop là-dessus !

—Quoi ? Tu m’aimes pas ? Alors pourquoi tu m’as dit de venir vivre avec toi ?

—C’est pas de l’amour ça, c’est de la pitié !

—Oh le connard ! Enfoiré ! Alors comme ça je te fais pitié ! Dao prend un oreiller et frappe Nico avec.

—Mais arrête ! Je suis pas encore réveillé.

—M’en fous ! dit-elle en reproduisant son attaque à plusieurs reprises. Retire ce que tu viens de dire sur-le-champ !

—Nan ! »

À son tour, le jeune homme saisit un oreiller et une bataille de polochons commence à avoir lieu dans le salon. Épuisé par la chamaillerie, Nico finit par se rendre et retire ses propos.

« Petit cadeau de consolation d’une princesse à son chevalier terrassé par plus forte que lui ! » Dao, prise dans l’euphorie du moment et heureuse d’avoir vaincu son adversaire, lui dépose un tendre baiser sur la joue. Au contact de ces douces lèvres, Nico ressent un léger frisson dans son bas ventre.

« Au fait, tu sais ce que m’a dit Lucy ? Mais tu le gardes pour toi.

—Non quoi ?

—Mardi dernier, après la fermeture, elle est restée avec Laurent pour faire la caisse…

—Ah oui, je sais où tu veux en venir, Laurent m’en a parlé !

—Il te l’a dit ?

—Oui, ils ont baisé dans le resto.

—Ouais, ils l’ont fait sur les banquettes, le comptoir et tout ! Et apparemment, sur les tabourets c’est pas le top !

—Ah je sais pas, faudrait qu’on vérifie…

—Mouais, ou pas…

—Sinon, je t’ai pas demandé, mais ça te dérange pas de bosser comme ça ? Dans cette tenue ?

—Non, pas du tout ! Ça me rappelle le Pink dolls, sauf que là, y’a pas de mains baladeuses !

—Vu sous cet angle… »

Les deux amis discutent encore longtemps au sujet du restaurant et de leurs patrons qu’ils affectionnent. C’est une nouvelle vie qui commence pour eux, un nouveau départ. Nico en est ravi, en démissionnant de son ancien job, il avait peur d’avoir fait une erreur, de ne jamais retrouver un emploi où il y aurait une aussi bonne ambiance. Mais il se sent maintenant rassuré. Grâce à Kate, il a non seulement assez rapidement retrouvé du travail, mais en plus il s’y sent bien. Qui aurait pu imaginer, il y a quelques années en arrière, lorsque Kate sortait avec Laurent, qu’un jour Nico irait bosser pour lui ? En plus d’être content, il est assez fier de lui. Il est parvenu à sortir Dao de la drogue. Il pensait que cela serait plus difficile, après avoir fait quelques recherches, il avait lu que la dépendance à la cocaïne n’était pas que physiologique, mais psychologique surtout. Voyant que Dao a retrouvé un comportement “normal “ et qu’elle ne lui a jamais confié avoir envie d’en reprendre, il en conclut qu’elle est sevrée. Il se dit que tout ce dont elle avait besoin, c’était d’un environnement sain où personne ne touche à ça, ainsi que d’un peu de volonté, et le tour était joué.

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