4.3

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Agathe est subjuguée par le décor. Les monts grisâtres se diluent dans l'air, à l'autre bout de la Terre. Elle hume l'air à s'en faire péter les bretelles. Dans ses yeux : le bonheur ; sur ses lèvres : un magnifique sourire. Elle en a même la laiterie toute ragaillardie !
Les deux autres l'observent, bouche bée.

  • Ben quoi, alors ? s'impatiente Raymond.
  • Tais-toi, ignare ! rétorque-t-elle. Ferme-là et admire. Si on doit not' présence ici à ton pote obsédé sexuel, tu devras juste le remercier.

De plus en plus surpris, Raymond se tait. Comme la vieille ne semble pas disposée à parler, il attend en faisant la grimace. René, lui, commence à sentir les brûlures sur sa peau.

  • Vous n'êtes vraiment que deux gros sangliers mal dégrossis, soupire-t-elle un peu plus tard.
  • C'est ça, ma belle ! grince Raymond. Et toi, t'es la seule truffe qu'on a dégauchie !

La pique est méchante, mais Agathe ne l'écoute pas. Elle scrute le paysage, les yeux plissés. Elle cherche quelque chose. Son regard plonge au fond de la vallée qu'ils surplombent. Soudain, elle s'exclame en pointant son doigt devant elle.

  • Là ! Vous voyez ?
  • Euh... Des kilomètres de misère à venir pour nous ? hasarde Raymond qui ne voit strictement rien.
  • Mais non, pauvre imbécile ! Ouvre les yeux, pour une fois !

René, tout intrigué, s'approche et observe à son tour. Après un instant de flottement, son regard s'illumine.

  • Ouais, je vois ! T'as raison, la mère.

Pour une fois, Raymond perd de sa superbe. Il se sent tout con de ne rien voir. Pour se donner contenance, il porte encore la main au-dessus de ses yeux et regarde au loin.

  • Mouais... Le truc un peu flou, tout là-bas ?
  • Mais non, t'es aveugle ou quoi ? s'impatiente Agathe. Regarde en bas, là...

Pourtant, Raymond semble maintenant un peu plus sûr.

  • J'vois pas bien, pourtant, je jurerais que...

Les deux autres lui lancent un regard plein de mépris puis se désintéressent de lui.

  • Dis-donc, Agathe, et si on descendait ? fait René.
  • Tu vois un passage pas trop difficile pour moi ?
  • Je vais t'aider, t'inquiète !
  • Alors, allons-y !

Mais Raymond s'interpose tout d'un coup, péremptoire.

  • Moi, à vot'place, j'attendrais encore un peu...

Son ton est catégorique. Son désarroi n'aura pas duré plus d'une minute (un record !), et bras tendu, index pointé vers le lointain, il continue d'un ton neutre :

  • Voyez la colonne de poussière, vers la gauche ?

Les deux autres cherchent du regard.

  • Ouais, je vois... fait René. Et alors ?
  • Alors, y a du monde qui radine par là.
  • Ce monde va donc passer par la route que je vois en bas ! s'exclame Agathe, ravie et rassurée.

Raymond réalise enfin la présence de la route, tourne la tête vers la poussière au loin, et conclut qu'elle a raison.

  • On va leur couper la route, décide Raymond. Avec un peu de bol, on nous donnera de quoi boire.
  • Ou on s'fera couper en rondelles ! objecte René. Va savoir dans quel pays on est tombés !

Agathe ouvre grand les bras vers le ciel et murmure :

  • Premier miracle...
  • Hé ! pouffe Raymond. Tu restes avec nous, hein ? On verra plus tard pour les miracles !
  • Et tant que tu y es, tu te décides à nous dire où on est ? T'as pas dit que tu savais ? ajoute René.

La vieille unijambiste les considère en silence, puis leur annonce d'un souffle :

  • Quelque part...sur les terres d'Israël.

A suivre...

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