8.2

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Un dernier soldat sort de la maison et file faire son rapport.

  • Plus personne là-dedans, chef !

L'intéressé affiche ouvertement son mécontentement.

  • Impossible ! Il me manque trois lascars. Retournez-y, fouillez tout. Mettez le feu à cette baraque si nécessaire, mais ramenez-moi deux vieux et un petit jeune !

L'autre fait demi-tour, siffle ses pote en levant un bras et leur intime de le suivre. Ce que les autres font, en bon soldats de merde qu'ils sont. Et là, bonjour le massacre dans la cahute. Les militaires sont des esprits étroits, c'est indéniable, mais pour faire le ménage par le vide, il n'y a pas mieux ni mieux organisé. En effet, ils commencent par les chambres de l'étage supérieur, balancent tout par les fenêtres pour s'assurer que personne ne se cache. Ils arrachent même les lames des planchers, vous dire !
Et ils avancent, chambre par chambre. Dans la rue, c'est une petite montagne de meubles et d'effets personnels qui s'accumulent rapidement sous les regards effarés des habitants du quartier. Les cris des soldats se mêlent aux protestations impuissantes de Hônthon qui regarde sombrer sa vie dans le chaos.
Puis, un cri de victoire retentit dans la dernière chambre fouillée.

  • J'en tiens un ! J'en tiens un !
  • Et v'là les deux autres ! complète une autre voix.

Nouveau remue-ménage musclé puis, quelques minutes plus tard, les militaires encadrent trois personnes hébétées. Il s'agit bien de Raymond, René et Agathe...

Ils ont du mal à ouvrir les yeux, le soleil brille trop fort pour eux. Les cheveux en bataille, l'haleine chargée comme un cargo à quai, les aisselles odorantes à souhait, ils se demandent ce qui arrive. Au moins, le chef du commando ne tarde-t-il pas à les rassurer sur ce point...

  • Les voilàààà... se réjouit-il sincèrement. On va pouvoir retourner à la caserne et se reposer un peu ! Alors, mes gaillards, on fout le bordel alors que Pâques ne commence que demain ? On se croit tout permis, hmm ? Vous savez que vous avez fâchés quelques types aux bras longs, hein ? Pas bien ça, mes enfants...

Il a l'air badin, comme ça, et son paternalisme pourrait presque faire illusion, pourtant la glace qui réside au fond des ses prunelles fait vite comprendre qu'il serait dangereux d'énerver ce tordu en armure. Raymond comprend qu'ils vont encore finir au poste...

  • Pardonne-nous, ô César, fait-il d'une voix bien cassée, nous ne sommes pas de cette contrée brûlée par le soleil. Peut-être avons-nous un peu abusé de ces vins trop forts pour nous, mais jamais nous n'avions pensé irriter quiconque. Peut-être pourrais-tu retourner voir ces importantes personnes et leur dire que nous sommes désolés et que nous ne recommencerons pas ?
  • Hé hé, des enfants ! On dirait... des enfants. C'est vrai, ça. Regardez-vous, mes amis : vous voilà l'air penaud, les mains tordues par la crainte d'une réprimande, les genoux tremblants comme des feuilles aux vents d'hiver, et les yeux remplis de larmes de crocodile...

Le chef dit tout cela avec le sourire, pourtant sa voix laisse maintenant passer les acides intonations de l'ironie et de la moquerie virile de ceux qui tuent par plaisir. L'avenir s'assombrit pour nos trois toursites.

  • Mes amis... Tout cela, il eut fallu y penser avant. A présent, mon mandat consiste à vous ramener, vous comprenez ?
  • Nous ramener où ? demande Raymond.
  • Face à ceux qui sont maintenant fâchés, bien sûr !
  • Et qui sont-ils, ceux-là ?
  • Les Grands Prêtres de Jérusalem. Je ne les connais pas personnellement, tu dois t'en douter un peu, jeune homme, et ils n'ont rien de commun avec mes dieux à moi, mais je peux quand même te dire que tu risques de garder un souvenir inoubliable de ces gens-là...

Raymond tourne la tête vers René, l'air un peu inquiet.

  • Qu'est-ce qu'ils ont tous à me traiter de jeune homme ? Tu sais, ils finraient presque par me faire peur ! Et puis, c'est quoi encore, cette histoire de grands prêtres ?
  • T'inquiète, fait ce dernier. Moi, les curés, j'en mange un wagon complet tous les matins au petit déj' avec mes céréales !
  • Ouais ? Ben, j'espère que t'as les crocs, ce matin. Mon petit doigt me dit qu'on risque de passer un long moment à table, fait Agathe d'un ton morose.
  • Pleine de jugeote, cette p'tite vieille, confirme le chef. Bon, couvrez-moi tout ça d'une bonne dose de chaînes. On part dans cinq minutes ! ajoute-t-il à l'intention de ses soldats.

Et, cinq minutes plus tard, le trio quitte le quartier, bien encadré par la dizaine de soldats romains qui chantent à grands bruits leur joie de revoir leurs quartiers à eux.

A suivre....

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