Il était une fois un dragon qui n’aimait ni l’or, ni les trésors, mais les fraises Tagada.
On l’appelait Sir Goulaflamme, bien que personne ne l’ait jamais vu flamber quoi que ce soit, à part un flan caramel une fois, par accident. Son ventre était aussi rond qu’une boule de gomme géante, et ses ailes étaient un peu collantes à force d’atterrir dans du sirop d’érable.
Un jour, alors qu’il faisait sa sieste digestive sur un nuage vanille, une flatulence particulièrement sucrée le propulsa dans le ciel. Il tourna, fit un looping, éternua trois arcs-en-ciel de skittles… et s’écrasa avec un plouf moelleux dans une rivière de jus de Nectarine.
— Mhh… la gravité a bon goût ici, marmonna-t-il en se redressant lentement, le museau dégoulinant de liquide orangé.
Il se trouvait au cœur du Royaume de Sucrémiel, une contrée gouvernée par la princesse Caramella III, réputée pour sa diplomatie fondante et ses décrets enrobés de chocolat.
Le sol était en pâte d’amande, les rivières coulaient au cola, et les papillons étaient des réglisses volants, zigzaguant entre les arbres de cristaux pétillants de la forêt de Givréclairs. Un paradis pour Sir Goulaflamme, qui s’installa dans un ancien volcan reconverti en fontaine de chocolat chaud. Il passa ses journées à ronfler, à manger et à réciter, le ventre en l’air :
— Tremblez, mortels, car je suis le terrible Goulaflamme, Fléau des Régimes, Terreur des Tartes, Premier de mon Nom, Dégustateur de Royaumes… et Seigneur de la Brioche Infinie !
Personne ne tremblait vraiment, mais les enfants l’adoraient.
Jusqu’au jour où il fut dérangé.
Ils étaient cinq. Cinq aventuriers en armure rose bonbon, capes en sucre filé et bottes à paillettes. Ils ressemblaient à un groupe de Power Rangers sponsorisés par Haribo.
- Grand Goulaflamme ! s’écria le chef du groupe, un paladin moustachu à la voix chantante. Nous avons besoin de votre aide !
Le dragon cligna lentement des yeux.
- Je suis Goulaflamme, gardien des trésors sucrés ! Qui ose déranger mon goûter ?
- Pardon oh grand seigneur, nous sommes ici pour une requête.
- Est-ce pour une recette de cookies ? Ou pour éliminer un flan récalcitrant ?
- Non, noble dragon ! Un monstre est apparu à l’est du royaume. Un être gigantesque… il détruit tout sur son passage !
L'aventurier sortit son épée de son fourreau, brandissant une lame brune de caramel durcie.
- Ceci est la Sucralibur ! La légendaire épée au caramel ! Et même elle n'a su trancher ce fléau !
Goulaflamme bailla, faisant fondre un arbre en sucre glace.
- Qu’il détruise, tant qu’il ne touche pas à mon buffet. Je suis en congé… éternel.
Mais le barde du groupe, un elfe aux boucles de réglisse formés en trèfles quadrifeuilles, s’approcha, les yeux brillants.
- C’est un Chamallo Géant, messire. Il mesure dix mètres de haut, il fond les maisons, absorbe les lacs… et il a le goût vanille-fraise.
Le silence tomba.
Le dragon se redressa lentement, les narines frémissantes.
- Répète… vanille-fraise ?
- Et cœur coulant caramel.
Le rugissement du dragon fit trembler les guimauves à des kilomètres à la ronde. Il sauta dans les airs avec une agilité surprenante pour une créature aussi dodue, engloutit une sucette géante pour sa dose de sucre quotidienne ; et prit la pancarte "Attention, piège à trolls" pour se curer les dents, puis se figea dans une pose héroïque, les poings sur les hanches dodues et le regard brillant.
- À la guerre comme au goûter ! cria-t-il en battant des ailes. Préparez mon bavoir !
Les aventuriers, mi-impressionnés mi-consternés, levèrent les bras.
- Vive Sir Goulaflamme !
- Vive le dragon diététicien !
- Vive la gly-cémié ! cria le barde, déjà en train de composer une chanson intitulée La Marche du Marshmallow Mortel. Il avait même trouvé quelques notes à jouer sur sur sa lyre-haricot verte.
Le dragon eut un rire grave, faisant tréssauter ses épaules et rebondir son ventre.
- Pardon pour mon retard mortel ! Je vais vous honorer de mon aide !
- Goulaflamme le Sucré ! répondit le paladin. Un sucre n'est jamais en retard, ni en avance... Il arrive précisément quand le dessert est prêt !
Et c’est ainsi que le plus paresseux des dragons devint, contre toute attente, le défenseur sucré du royaume. Non pas par héroïsme, non. Mais pour l’amour d’un dessert rare et éphémère : le Chamallo Suprême.
Personne ne sut jamais ce qu’il advint de la bête, mais on raconte que, ce soir-là, le ciel s’illumina d’un feu d’artifice rose, et qu’un gargouillis de contentement résonna jusqu’au royaume voisin.
Depuis, chaque année, le peuple de Sucrémiel célèbre la Fête du Grand Goûter, où l’on laisse un chamallow géant devant la caverne du dragon, pour qu’il ne vienne pas se servir directement sur les maisons.
Et quand on tend l’oreille, vraiment bien… on peut encore entendre :
- Je suis Goulaflamme, le seul dragon dont la flamme est au sucre candi… Et je brûlerai vos calories.