33. Une cause à défendre de multiples façons

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Maxime

Je n’arrive pas à croire que j’ai accepté sa folle idée de nous transformer en adolescents qui passent leur temps à se bécoter, à se tripouiller mais qui gardent leur virginité pour leur vraie relation, celle qui va tout changer. Parce que moi, je suis de plus en plus convaincu que c’est elle qu’il me faut. C’est avec elle que j’ai envie de prendre un nouveau départ. Et quand je vois l’excitation dans laquelle je suis suite à ce déjeuner impromptu, je suis en train de me dire qu’on aurait mieux fait de prendre l’option amis avec bénéfices plutôt qu’adolescents transis. Non mais c’est vrai, quand même, comment je vais faire pour résister à cette envie qui me démange de la déshabiller lentement afin de découvrir petit à petit son magnifique corps ? Et ce désir de plus en plus fort que j’ai de la sentir s’ouvrir pour moi alors que je la pénètre ? Peut-être que c’était un test qu’elle me faisait passer et que je suis en train de le rater totalement ? Je devrais sûrement faire demi-tour et retourner la voir pour lui faire tout ce dont j’ai vraiment envie et non attendre que la pression redescende un peu.

Si elle est dans le même état d’excitation que moi, je suis sûr qu’elle est maintenant nue dans son lit en train de se caresser. Peut-être même qu’elle est dans le mien en train d’espérer que je revienne à l’improviste et la surprenne en train de gémir, une main sur sa poitrine ronde et l’autre en train de jouer avec son petit bouton d’amour. Je l’imagine tendre les bras vers moi et m’attirer contre elle pour échanger des baisers qui vont faire lentement monter la température, mon érection de plus en plus imposante contre son intimité. Je suis convaincu que tout se ferait naturellement et que je m’enfoncerais en elle lentement, tendrement même. Wow ! Qu’est-ce que j’ai envie d’elle ! Tout ça est à portée d’un demi-tour.

Mais au lieu de le faire, je continue ma route jusqu’au port où a lieu une manifestation des sympathisants des associations qui viennent en aide aux réfugiés. Ils bloquent l’entrée au terminal et je suis obligé d’attendre entre deux gros camions. Les gendarmes sont là et essaient de négocier avec les manifestants pour libérer l’accès au port, a priori sans effet jusqu’à présent. Je sors de ma voiture et vais me mêler, l’air de rien, aux personnes présentes. Je me retrouve ainsi près d’une jeune femme, à la coiffure violette un peu hyppie et auxs tatouages qui semblent lui recouvrir tout le corps.

— Vous n’en avez pas marre de bloquer le port comme ça, sans raison ?

— Et vous, vous n’en avez pas marre de bloquer le passage à ces pauvres gens ?

— Si ça ne tenait qu’à moi, tout serait ouvert, vous savez ? Ici, pour moi, ce n’est qu’un boulot comme un autre. C’est juste que je ne pense pas que votre stratégie soit très efficace.

— Pour vous, ce n’est qu’un travail ? s’esclaffe-t-elle. Pour eux, c’est une question de vie ou de mort. Vous vous rendez compte du ridicule de vos propos ? Vous êtes payé pour empêcher des gens de reconstruire leur vie, loin de la guerre, loin des menaces de mort, de la torture ! Vous devriez avoir honte !

— Peut-être que je suis un espion au sein de l’institution, vous savez ? dis-je en souriant pour essayer de désamorcer un peu la virulence de ses propos. Pourquoi vous me jugez comme ça, juste sur mon apparence ? Et il faut bien vivre, aussi. C’est facile de râler comme vous le faites quand on ne reste que quelques jours ici.

— Vous n’êtes pas là pour nous aider à manifester, que je sache. Donc vous êtes là pour les aider à bloquer le passage. Encore un con égoïste qui ne pense qu’à sa petite tranquillité et qui rentre retrouver sa belle grande maison le soir sans même penser à tous ces gens dans la jungle, qui crèvent de froid, sont malmenés et n’ont aucun espoir d’avenir !

La jeune femme dit ça en pointant son doigt accusateur vers moi, attirant ainsi le regard de pas mal des autres manifestants vers moi. Je n’en reviens pas de ce qu’elle dit sur moi et je vois rouge.

— Non mais, il faut arrêter vos conneries, là. Tous ces gens qui dorment dehors, vous croyez que c’est de ma faute ? Si l'État ou la mairie ne les mettent pas à l’abri, c’est ma faute aussi ? Et moi, je fais quand même beaucoup plus que simplement crier pour aider ces gens, merde ! J’ai peut-être une grande maison, comme vous dites, mais je pense tellement aux gens d’ici que j’en héberge chez moi ! Alors, pas de jugement hâtif, hein ?

— Vous en hébergez chez vous, vraiment ? me demande-t-elle, surprise.

Je jette un œil autour de nous et constate avec soulagement qu’aucun des gendarmes n’est à portée d’oreille.

— C’est ça le vrai combat, non ? Ce qu’on veut tous, c’est qu’ils ne soient plus à la rue, dans ces bidonvilles indignes de notre pays ! Chacun sa façon de se battre, mais je trouve que la mienne a plus de sens que la vôtre.

Je parle comme si j’avais fait ça toute ma vie alors que je n’héberge Miléna que depuis quelques semaines, et que j’ai fait ça un peu par accident. Mais cette jeune hippie m’a provoqué et je ne résiste pas à la tentation de lui rabattre un peu son caquet.

— Là, c’est vous qui jugez hâtivement. Vous ne savez rien de ce que je fais d’autre pour ces gens, mais vous vous croyez supérieur parce que vous avez une belle voiture et que vous êtes bien habillé ?

— Plutôt que de me crier dessus, vous pourriez pas plutôt me dire où je devrais m’adresser pour aider la personne que j’héberge actuellement ? Elle a l’air un peu perdue dans les démarches. Ce serait plus constructif que de se crier dessus alors qu’on est d’accord, non ?

— Il y a plein d’associations pour lui filer un coup de main, vous devriez vous renseigner un peu, ça coûte rien. La Croix-Rouge peut l’aider, ils sont à l’entrée du camp.

— J’irai les voir, oui. Je crois qu’elle va avoir besoin d’un juriste, surtout. Vous en connaissez un bon ?

— Je n’en ai aucune idée… Vous devriez vraiment voir avec des professionnels, moi, je suis là pour que ceux qui veulent partir puissent le faire.

— Bien, je vais vous laisser à vos cris et à votre manif alors. Bon courage.

— Merci… J’espère que vous voulez vraiment l’aider, cette femme, et pas profiter d’elle, me dit-elle en me jaugeant du regard.

Bien sûr que je veux vraiment l’aider. Sinon, est-ce que j’aurais accepté une relation sans sexe ? Il y a quand même mieux pour profiter de quelqu’un, non ? Je retourne à ma voiture en espérant que les gendarmes vont bientôt entrer en action car il faut que je retourne travailler moi. Souvent, l’arrivée d’un ou deux camions de police accélère les dispersions. Alors que j’ouvre ma portière, la jeune femme m’accoste à nouveau et me tire le bras.

— Oui, quoi encore ? demandé-je, agacé.

— Vous n’avez de la place que pour une personne, et une femme seulement, dans votre grande maison ? Parce qu’il y en a beaucoup qui auraient besoin d’un refuge, vous savez.

— Ah hon, ce n’est pas possible, dis-je tout de suite avant même de réfléchir. Je ne suis pas Mère Thérésa, moi. Et puis, en plus, je suis un de ces méchants qui bossent ici, au port. Ce ne serait vraiment pas ma place de fricoter avec des réfugiés et des activistes, quand même !

— Ben voyons ! Encore un beau parleur, quoi ! Pauvre type !

— Monsieur, rentrez dans votre véhicule ! intervient un gendarme en repoussant la jeune femme loin de moi. Ce n’est pas prudent de rester dehors comme ça. Et puis, il y a des maladies, c’est dangereux avec tous ces réfugiés autour, vous savez ?

— Ça va aller, vous savez. Ils n’ont pas non plus la peste…

— Ça vous n’en savez rien. Il y a plein de cochonneries qui traînent, je suis sûr qu’on n’en connaît pas la moitié.

Je préfère ne pas répondre et retourne dans ma voiture. Je prends mon téléphone et appelle Miléna en attendant que la situation se calme un peu.

— Hello, c’est moi. Le son de ta voix me manquait déjà et je voulais abuser un peu de toi, j’ai le droit ? demandé-je en souriant.

— Tu n’es pas encore au travail ? Qu’est-ce qui se passe ? J’ai failli ne pas répondre, tu sais, rit-elle. Ce n’est pas très poli de répondre à ton téléphone…

— Non, il y a une manif devant le boulot et ça m’a fait penser à toi. Il faudrait que tu te trouves un avocat, non ? Et les associations sur les camps, ici, ils doivent connaître du monde. Si tu veux, je peux essayer de me renseigner, commencé-je avant que les pensées un peu osées que j’avais quelques minutes auparavant ne me reviennent en tête. Je ne te dérange pas, au fait ?

— Non, non, je faisais la vaisselle, tu ne me déranges pas. Un avocat ? Je ne sais pas, je n’y connais rien, à tout ça, tu sais ? Pour quoi faire, un avocat ?

Ah et bien, ça met fin au fantasme de la femme nue dans mon lit que je m’étais fait,, au moins.

— Parce qu’en France, c’est le meilleur moyen de gagner un combat devant un juge, tu sais. On est un pays de droit et je suis sûr qu’il y en a qui pourraient t’aider et t’accompagner. Si tu veux, avant de rentrer, je peux me renseigner à la Croix Rouge.

— D’accord… Si tu penses que c’est ce qu’il faut, je te fais confiance, Maxime. Mais… Je n’ai pas les moyens de payer un avocat, tu crois qu’ils font ça gratuitement ?

— Je ne sais pas trop, mais il y a l’aide juridictionnelle pour les gens qui n’ont pas de sous. Et au pire, je peux te le payer mais il faudra me rembourser en bisous. On peut prendre notre temps mais quand même se faire plein de papouilles, non ?

— C’est pas drôle, Maxime… Des bisous, ça ne doit pas être dû. Je… Je te rembourserai jusqu’au dernier centime que je te dois. Je ne sais pas encore comment, mais ce sera fait.

— Je te fais confiance, mais on va creuser la question, d’accord ?

— Si tu veux, rit-elle. Ça me fait plaisir de t’entendre, tu sais ?

— J’avoue que j’aurais trouvé n’importe quelle excuse pour t’appeler. Et puis, c’est plus facile de te dire à distance que je suis vraiment content de ce petit repas qu’on a passé à deux. On est quand même peut-être au début de quelque chose de très beau, non ?

— On refait ça quand tu veux. Et je suis sûre qu’on est sur quelque chose de génial, oui.

— Vraiment ? Ou tu dis ça pour me faire plaisir ? Je… J’ai hâte d’être à ce soir, Miléna. Pour te retrouver parce que tu me manques déjà.

— Je suis sincère. Toujours. C’est moi qui te manque ou moi traduisant le grimoire ? Ou ma cuisine arménienne ?

— Un peu de tout ça, je pense. A ce soir, je vais te laisser à tes occupations. Bon après-midi.

— A ce soir, Maxime. Ne rentre pas trop tard, tu manques aux enfants… Et peut-être à moi aussi, quand tu fais ça, me dit-elle alors que j’entends son sourire.

Je raccroche avec moi aussi un énorme sourire aux lèvres. Finalement, ce n’est pas si mal d’agir comme des ados et de se laisser aller à un peu de drague au téléphone, je trouve. En tous cas, il faudra que je m’en contente, il n’y a pas d’autre choix pour le moment.

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