46. Tant pis pour la rouquine

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Miléna

— Allez, Miléna, dépêche-toi, on t’attend !

Je souris en levant les yeux sur Emilie, toute jolie et effectivement presque prête.

— Viens, ris-je en la voyant trépigner, sa brosse et de la laque à la main. Tu veux quoi alors, une tresse ?

— Oui, comme celle que tu avais hier, s’il te plaît, c’était trop joli.

Elle vient s’installer sur la chaise que je libère et je m’attèle à la tâche. J’ai plus de facilités à me coiffer moi-même qu’à le faire sur sa jolie petite tête aux cheveux ondulés, mais je m’y mets et lui fais une couronne avec une tresse en épi collée. C’est vrai que c’est une jolie coiffure, qui fait tout de suite apprêtée, bien loin de mon chignon fait à la va-vite en allant me préparer tout à l’heure. J’ai les cheveux tellement longs que ce genre de coiffure me prend beaucoup trop de temps, maintenant, et que ma tresse fait deux fois le tour de ma tête.

— Voilà, une couronne pour la princesse ! Tu te fais aussi belle pour un garçon de ta classe, c’est ça ? souris-je en déposant un baiser sur son front alors qu’elle m’enlace

— Non, les garçons, ils sont juste bêtes, ils ne font que se moquer des filles. Et toi, tu te fais belle aussi ?

— Ça ne va pas, ce que j'ai mis ?

Je baisse les yeux sur mon jean et mon tee-shirt et grimace en me disant que je ne serais jamais sortie comme ça avant. J'ai toujours adoré les vêtements, aimé m'apprêter. Et là, je n'ai vraiment pas fait d'effort. Il faut dire que ma garde-robe est plutôt limitée, même si Marie m'a ramené de nouveaux vêtements.

Je grimace et ouvre la bouche pour reprendre, mais Lili me coupe l'herbe sous le pied en reprenant la parole.

— Pourquoi tu mets pas la jolie robe verte que tu avais mise un dimanche ? Elle te va bien, tu sais ?

— Bon… Je vais aller me changer, si tu insistes. Mais je te préviens, si ton père me gronde parce que je suis en retard, je lui dirai que c'est ta faute, lui dis-je en tentant de rester sérieuse.

— Non, il ne râlera pas, c’est sûr ! Il ne s’énerve jamais, Papa.

C'est vrai que Maxime est plutôt du genre calme et je suis certaine qu'il ne s'énerverait pas en me voyant débarquer avec la robe verte. Pour autant, je ne pense pas que je vais enfiler celle-là. Un peu trop dos nu, un peu trop décolleté. C'est bien pour rester à la maison et s'assurer d'avoir toute l'attention de mon châtelain. Ce soir, je voudrais bien passer inaperçue, ou du moins ne pas trop attirer l'attention.

Je passe un petit moment devant mon armoire à me demander quoi mettre, et opte finalement pour la verte, incapable de trouver quelque chose qui me fait envie. Je l'agrémente malgré tout d'une petite chemise blanche que je ne ferme pas complètement et que je noue sur mon ventre. Je me dis que Maxime saura ce qu'il y a en dessous et appréciera quand même. C'est une robe longue et fendue sur les cuisses, et je me demande s'il en profitera pour tenter sa chance discrètement sous la table, ce qui n'est pas garanti puisque Marie nous rejoint à la fête.

Lorsque je rejoins la famille dans l'entrée, je suis en train de terminer de tresser mes cheveux à la va-vite sur le côté, ce qui sera toujours moins brouillon que le champignon que j'avais sur le crâne.

— Je suis prête, désolée. On peut y aller, si vous l'êtes aussi.

Maxime me détaille de la tête aux pieds sans grande discrétion et j'espère l'être davantage en faisant de même. Il porte un short plutôt classe, bleu marine, et un petit polo blanc qui le met très en valeur, chose que je valide doublement quand il me tourne le dos pour ouvrir la porte. J'ai envie de soupirer comme une ado devant son chanteur préféré. Je resterais dans le thème, non ? Sauf que j'ai entendu Maxime chanter et qu'il ne serait assurément pas mon crush d'ado, d'un point de vue musical, tout du moins.

— Tu es très beau, chuchoté-je en passant près de lui alors que les enfants descendent les marches pour rejoindre la voiture.

— Je sais, il fallait bien ça pour pouvoir me pavaner à tes côtés, charmante princesse.

Je lève les yeux au ciel sans pouvoir empêcher mon sourire de s'agrandir sur mon visage et rejoins la voiture. Le trajet est plutôt rapide et se fait en musique jusqu'au centre du village où trône un immense barnum rouge flamboyant agrémenté de guirlandes colorées, et une scène à ciel ouvert devant quantité de tables et de bancs. Maxime se gare à bonne distance, dans un champ prévu à cet effet, et nous gagnons les festivités en chantonnant la musique qui nous appelle, un titre français que j'ai découvert à la radio ici. Il y a déjà pas mal de monde, la musique résonne et les barbecues nappent l'air d'une fumée odorante qui donne l'eau à la bouche.

— Eh bien, on peut dire que vous ne faites pas les choses à moitié, en France, pour fêter la musique, c'est fou ! Je me souviens que l’ambassade organisait toujours quelque chose, à Erevan, à l’occasion de cette fête. On a assisté à un concert, il y a deux ans, avec Vahik.

Je soupire après avoir prononcé son nom, et tente de passer outre la peine et la contrariété qui refont surface à la vitesse d’un service de Rafael Nadal dès que je pense à lui.

— Tu verras, ce soir, le concert va être super ! Et tu vas le passer avec nous, en famille, sourit Maxime en pressant doucement mon bras pour me réconforter.

J’ai l’impression d’être une petite chose fragile, tout à coup, avec cette envie quasi viscérale de me lover contre lui pour retrouver ma sérénité, mais je n’ai pas vraiment le temps de quoi que ce soit, parce que Marie se plante devant Maxime et le prend dans ses bras, accompagnée d’une jolie rousse et de deux enfants.

— Bonjour mon Maxou. Je suis contente de te voir. Tu te souviens d’Emeline ? Vous étiez ensemble à l’école ! Elle vient de revenir dans le coin après son divorce.

— Oh, bonjour Maman, bonjour Emeline, content de te revoir. Tu n’as pas changé, dis donc !

— Moi aussi, ça me fait plaisir de te voir. Je te présente mes enfants, Simon et Léon. Et… Ce sont tes enfants ? Ils sont vraiment trop mignons.

— Oui, ce sont mes enfants. Voici Lili la jolie, et Tom, haut comme trois pommes ! répond-il, charmeur. Et je te présente Miléna, ajoute-t-il avant d’hésiter sur la façon de me présenter sans doute.

— Miléna est une jeune réfugiée que mon fils héberge parce qu’il a un trop grand cœur, le coupe sa mère. Le digne fils de son père !

Je souris poliment et la salue d’un signe de tête avec l’envie folle de marquer mon territoire. C’est risible, mais cette Emeline regarde Maxime comme une glace au chocolat. Et c’est MA glace au chocolat, non ?

— Miléna c’est pas juste une réfugiée, Mamie, intervient Lili. C’est comme si tu présentais Tom comme un autiste, ou Papa comme un Français, c’est bizarre, non ?

— Je suis pas un autiste, intervient Tom, bougon, et je suis plus haut que trois pommes, quand même. Vous dites n’importe quoi.

— C’est vrai, Tom, tu es juste un peu différent. Et Miléna est un vrai rayon de soleil au quotidien, indique son père en me souriant. Elle a même remplacé la nounou récemment et elle m’aide au Château tous les jours !

— Oui, oui, bien sûr, marmonne Marie qui ne semble pas apprécier la tournure que prend la conversation. Bref, je lui ai proposé de manger avec nous, j’espère que ça ne vous dérange pas.

— Non, du tout, tant que tu ne te mets pas à raconter toutes les folies de ma jeunesse, répond Maxime en riant. Ce soir, c’est la fête. Plus on est de fous, plus on rit !

Je suis moins sûre de rire, moi, pour le coup, mais je ne moufte pas et suis la troupe jusqu’à une grande table libre où nous nous installons. Evidemment, les enfants ensemble, et je me dis que la pauvre Lili qui me disait il n’y a même pas une heure que les garçons, ils sont bêtes, n’est pas gâtée ce soir. Tom ne semble pas plus à l’aise, d’ailleurs. Maxime attrape ma main et me fait signe de m’installer près de Lili et il s’assied à côté de moi. Je lui souris et essaie de ne pas réagir en voyant Emeline se poser à côté de lui. Il restait de la place à côté de Marie, mais elle affiche clairement ses intentions, comme ça.

Le début de soirée est totalement différent de ce que j’imaginais. Ce petit moment “en famille”, comme le disait Maxime, est finalement beaucoup moins intime que prévu. Marie accapare Maxime et tente de le rapprocher d’Emeline, qui en profite largement. Pour autant, je ne suis pas particulièrement contrariée, parce que c’est sur ma cuisse que la main de Maxime est posée quand il ne mange pas, c’est contre mon bras que le sien est pressé.

Les artistes qui s’enchaînent sur la scène sont des groupes du coin, et je prends plaisir à les écouter. L’ambiance est plutôt sympathique, même si la moyenne d’âge n’est pas vraiment jeune. Il doit y avoir pas mal de retraités dans le village, ce qui fait qu’entre les musiques plutôt actuelles, se calent des groupes moins jeunes et des morceaux de guinguette.

— Maxime ? Tu veux bien me donner tes clés de voiture ? Je voudrais aller chercher mon gilet, je commence à avoir froid, lui demandé-je alors que le soleil s’est couché.

— Je t’accompagne, je ne voudrais pas que tu te perdes, quand même ! Les enfants, restez bien avec Mamie !

Je souris intérieurement en me levant. J’avais bon espoir qu’il propose de m’accompagner, et égoïstement, je jubile d’avoir son attention alors qu’il est largement et ouvertement réclamé par la jolie rousse. Je ne me fais pas prier et le suis sans rechigner, bien au contraire. Je me permets même de glisser ma main dans la sienne lorsque nous sommes dans la champ, en chemin pour gagner la voiture, dans la pénombre de la nuit, à peine éclairés par un lampadaire au bord de la route.

— Tu n’étais pas obligé de m’accompagner, tu sais, souris-je.

— J’étais en manque de bisous, en fait. Tu crois qu’il y en a aussi dans la voiture ou je suis venu pour rien ?

— Je suis sûre que si tu demandais à Emeline, elle te ferait plein de bisous, tu sais ? le taquiné-je en l’attirant contre moi après m’être calée contre la voiture.

— Dommage qu’elle ne soit pas là, alors, il va falloir que tu assures, Madame la Jalouse, se moque-t-il gentiment.

Je lui pince le flanc, le faisant se tortiller un peu sous mes doigts, et attire finalement sa bouche contre la mienne sans aucune retenue. Je sens ses mains se poser sur mes reins et descendre agripper mes fesses pour me coller davantage contre lui tandis que nos langues jouent l’une avec l’autre.

— De vrais ados qui se retrouvent dans le dos des parents, hein ? ris-je finalement. Je n’ai plus froid, en tous cas, sache-le. Tu es plus efficace qu’un gilet.

— Je sais que je suis efficace, s’esclaffe-t-il. Je te propose qu’on rentre et qu’on laisse ma mère gérer les enfants. On trouvera bien une excuse, non ?

— Ce ne serait pas très sérieux, et ta mère va se poser des questions… Tu ne peux pas jouer l’ado rebelle comme ça, Maxime, tu sais ? Par contre, on peut rentrer bientôt. Je crois que Tom en a marre, je l’ai entendu bougonner auprès de sa sœur. Excuse parfaite, non ?

— Oui, et je ne voudrais pas que le petit Simon se mette à draguer Lili. Tu imagines, avoir la belle-mère sur le dos ? Horrible !

— Donc… Encore un bisou et on va chercher les enfants ?

— Encore deux bisous ! Non mais, radine !

On peut dire que la fête de la musique, c’est plutôt agréable, ici. Disons que je me souviendrai de cette première pour moi, en France, et pas seulement grâce à la musique en plein air. Cet homme a un vrai don pour me faire oublier mon passé et la réalité de l’Arménie. Le sexe en musique, ça a aussi son charme. Et le sexe en musique avec Maxime, c’est encore mieux que ça. Je pourrais vivre des fêtes de la musique comme ça toutes les semaines, supporter des Emeline tous les jours si, derrière, c’est avec moi qu’il se couche, avec moi qu’il gémit et avec moi qu’il jouit.

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