64. Tempête Florence

9 minutes de lecture

Miléna

Je sors de la douche avec cette sensation bizarre d’être perdue dans une tempête de sable dont je ne parviens pas à m’extraire. Tout allait bien ici, si on met de côté le sésame manquant pour pouvoir être certaine que, si tout devait s’arrêter, c’était par choix et non par obligation. Et puis, une tornade a déboulé, emportant tout sur son chemin. Florence, un prénom si doux pour une femme si… Opposée à ça. Si Vahik pouvait se plaindre de mon caractère, j’aurais bien aimé le voir s’opposer à Madame De la Marque. Il serait reparti comme il était venu, plus docile que Casanova, c’est sûr.

J’ai passé ma journée à l’éviter. Elle a semblé vouloir reprendre ses marques dans la maison, ses petites habitudes, ce qui m’a menée dans le jardin, près des parterres de fleurs, toujours accompagnée de mon fidèle compagnon, alors que Maxime a passé sa journée au travail. Et elle a profité de ce bel après-midi pour faire ce que je rêve de faire, à savoir un petit tour chez le coiffeur et à l’onglerie. Elle en est revenue toute fraîche, prête à retrouver les enfants. Et moi, pendant ce temps-là, j’ai pu déjeuner en étant certaine de ne pas la croiser, aller sur mon blog, et j’ai même eu le temps de passer un coup de propre dans la chambre des enfants, changer les draps pour qu’ils puissent se réinstaller dans leur petit cocon tranquillement.

Je m’habille en vitesse, enfilant l’une des robes d’été que Marie m’a ramenées, et file vérifier que le lit de Tom est fait au carré, comme il aime, histoire de ne pas le contrarier. J’ai déjà fait ça deux fois, mais une troisième ne sera pas de trop, surtout vu ce qu’il va vivre d’ici peu. Quand je descends en tressant mes cheveux mouillés à la va-vite sur mon épaule, j’ai le déplaisir de tomber sur Florence, qui a aussi dû passer par un magasin de jouets, si j’en crois les paquets qu’elle dépose dans l’entrée. J’espère qu’elle est au moins allée faire un tour dans la chambre des petits pour vérifier ce qu’ils apprécient à présent, sinon elle risque de faire un zéro pointé avec ses surprises. A moins que les enfants soient tellement heureux de la revoir qu’ils s’en fichent totalement. C’est aussi une possibilité.

Nous tournons toutes les deux la tête en direction de l’extérieur en entendant le bruit d’une voiture, mais il ne s’agit que de Max, et quand je le vois éteindre le moteur sans pour autant descendre de la voiture, je me dis qu’il doit chercher du courage quelque part pour affronter ce moment.

— Vous n’appréhendez pas trop les retrouvailles, Florence ? Pas trop stressée, ça va ?

— Comme si ça vous intéressait vraiment. Laissez-moi gérer ma famille comme je l’entends, j’espère bien que Maxou va se rendre compte qu’il se trompe en vous gardant dans sa vie. Quand il ouvrira les yeux, il verra bien que mes charmes sont toujours là.

Ok. Moi qui voulais être gentille et étais sincère, c’est la douche froide. Mais qu’elle ne compte pas sur moi pour courber l’échine.

— Ce que Max voit, c’est que vous lui apportez tracas et énervement. Si ça lui plaisait apparemment il y a quelques années, je crois qu’il a compris que ce n’était pas ce qui lui faisait du bien, Florence. Vous devriez vous concentrer sur les enfants, c’est eux, le principal. Ne les décevez pas encore, parce qu’ils méritent mieux que ça.

— Il n’y a pas de risque à ce que je déçoive les enfants. J’ose espérer que vous ne les monterez pas contre moi. Et pour Maxou, quand il aura goûté à nouveau à mon cul, je suis sûre qu’il ne pensera plus au vôtre.

Je lui souris en prenant un air détaché et sors accueillir mon châtelain qui monte enfin les marches. J’espère qu’elle se trompe, et qu’il n’aura pas l’occasion de “goûter à nouveau à son cul”, mais seul l’avenir nous le dira. Et pour le moment, dans le présent, je profite de sa présence, un peu du fait que je nous sais observés, je l’avoue, pour lui sauter au cou et l’embrasser avec ferveur, sans aucune retenue. J’entoure même ses hanches de mes jambes, ce qui l’oblige à lâcher sa sacoche pour me maintenir contre lui. Pour le moment, c’est sur mon derrière que sont posées ses mains et j’espère que le message est clair.

— Bonjour, beau mec adoré, souris-je finalement. Ça va ?

— Bonjour ma chérie. Les enfants ne sont pas encore là ? Bien sûr que ça va, ça fait plaisir d’être ainsi accueilli par la femme que j’aime !

— Non, je crois que ta mère ne voulait pas vivre ça toute seule, ils ont un peu de retard. Tu es prêt ?

— Autant qu'on peut l'être… La cohabitation avec Florence, ça s'est bien passée ? demande-t-il en ignorant le salut qu'elle lui fait depuis l’entrée.

— Je survis tant qu’on ne se parle pas, ris-je. Je crois qu’elle a abandonné l’idée de faire de moi une alliée. Bref, l’important, ce sont les enfants.

— C'est sûr. J'espère qu'ils ne vont pas trop être sous le choc…

— Tu n’as pas de nouvelles de ta mère ? Elle ne t’a pas dit comment ils avaient pris la nouvelle ?

— Non, rien. La pauvre qui doit gérer ça…

Je n’ai pas le temps de répondre que le bruit d’une voiture se fait entendre sur le chemin. Je sens le corps de Max se tendre contre moi alors que Casanova se met à aboyer comme un fou à nos côtés. A peine la voiture est-elle arrêtée que Lili et Tom en descendent. J’entends les talons de Florence derrière nous tout en voyant les enfants observer l’entrée du château, se demandant sans doute si ce que leur grand-mère leur a dit est vrai. Quand leur mère vient se poster à côté de Maxime et moi, le sourire de Tom en dit long sur les émotions qui le traversent, et il se précipite dans ses bras sans hésitation. Lili fait la moitié du chemin avant de s’arrêter pour caresser Casanova tout en observant sa mère et son frère. Elle semble plus réticente, mais finit par lâcher prise quand Florence lui fait signe de venir.

Ces retrouvailles sont pleines d’amour, et voir la femme de Max en larmes en serrant ses enfants dans ses bras m’émeut énormément. L’instinct maternel est toujours là et son retour est peut-être vraiment bénéfique pour les enfants.

— Oh Tom ! Lili ! Qu'est-ce que vous avez grandi ! Vous êtes si beaux ! Je suis tellement contente de pouvoir enfin vous retrouver !

Les petits se mettent à pleurer et nous vivons cela de l’extérieur, ne pouvant qu’assister à la joie de ces trois-là. On est plutôt loin de l’accueil que mon châtelain a réservé à sa femme hier, et elle est beaucoup plus douce et semble beaucoup plus sincère qu’avec lui, d’ailleurs.

Lili est la première à se détacher de Florence, et elle vient nous saluer avant de se lover contre son père.

— C’était trop bien les vacances avec Mamie, Papa. Tu t’es pas trop ennuyé sans nous ?

— Coucou ma Puce, content de te revoir ! répond-il en la faisant tournoyer autour de lui. Tu sais, avec Miléna, ce n’est pas possible de s'ennuyer !

— On t’a manqué quand même ? rit-elle alors que Tom est toujours dans les bras de sa mère.

— Tu as bien vu que je vous ai appelés tous les jours, non ? C'est que vous me manquiez énormément !

La petite se tourne alors vers moi, un peu inquiète, on dirait.

— Miléna, maintenant que Maman est revenue, tu vas rester ou tu vas devoir partir ?

En voilà une question pertinente, douce Lili. Et une question que je me pose assez fréquemment depuis le retour de la femme de mon châtelain.

— Je reste tant qu’on ne me met pas dehors, souris-je. Vous me manqueriez trop si je partais.

— Je ne crois pas que Papa ait envie de te mettre dehors, dit-elle.

Maxime opine et me fait un sourire rassurant avant d’aller retrouver sa mère pour l’aider à porter les valises des enfants. Lili prend ma main et m’entraîne à l’intérieur et je vois que Tom fait de même avec sa mère. Nous nous retrouvons ainsi tous au salon et Florence s’installe dans le canapé en faisant signe à ses enfants de la rejoindre de chaque côté d’elle. Je me retrouve un peu isolée, toute seule, debout et m’apprête à m’éclipser pour ne pas gêner quand mon châtelain pénètre à son tour dans le salon et passe son bras autour de mes hanches pour regarder le spectacle offert par le reste de sa famille.

— Eh bien, on dirait que tu leur as manqué, Florence. Tu vois, tu aurais dû revenir plus tôt ou au moins leur donner des nouvelles, attaque-t-il, sans méchanceté cependant. J’espère que tu ne vas plus les laisser maintenant, tu vois comme ils ont besoin de toi ?

— Ça ne se reproduira pas, lui répond-elle avant d’enlacer les enfants. Je vous promets que je ne repars plus, mes chéris. Je suis tellement désolée.

— Pourquoi tu es partie ? demande Lili, sérieusement. Papa dit que c’est parce que tu as trouvé un nouveau copain, mais tu aurais pu nous prendre avec toi, non ?

— On s’en moque, dit Tom, toujours viscéralement collé à sa mère. Elle est revenue et tout va revenir comme avant.

— Ta sœur a raison de se questionner, mon petit chat, et je vous assure que je vous parlerai de tout et que je répondrai à toutes vos réponses, mais… Peut-être qu’on peut attendre un peu et profiter de nos retrouvailles ? Je vous ai acheté plein de petits cadeaux, ils sont dans les sacs, là-bas, si vous voulez les ouvrir.

— Florence, ce sont des questions importantes, tu sais ? Je ne suis pas sûr que ce soit bien d’attendre, intervient Maxime alors que sa mère nous rejoint et regarde, perplexe, le tableau qui s’offre à elle. Ils ont besoin d’avoir des réponses. Et moi aussi. Tu ne crois pas qu’il faut que tu leur expliques ce qu’il s’est passé ?

Elle lui jette alors un regard noir mais qu’elle réprime rapidement et je pense que je suis la seule avec lui à l’avoir capté. Clairement, elle n’a pas envie de s’expliquer et voudrait profiter de ce moment de retrouvailles, ce qui n’a pas l’air d’être dans le planning de son mari. Tom, lui, ne se pose pas les mêmes questions et file vers les paquets pour trouver ce que sa mère lui a acheté alors que Lili est toujours assise près de Florence et la regarde intensément.

— Votre père a raison, soupire-t-elle. Je suis partie parce que je pensais être amoureuse d’un autre homme… Mais c’était un peu plus compliqué que je pensais. Patrick est un homme très… Rigide. Il voulait qu’on soit un peu tous les deux avant de vous rencontrer, et il a reculé encore et encore le moment de vous rencontrer, jusqu’à me dire qu’il ne voulait pas le faire. C’est… Ce n’est pas un homme bien, vous savez ? Il m’a eue, je n’ai pas vu les signes et il m’a manipulée pour avoir ce qu’il voulait. Je suis vraiment désolée, mes amours, vous n’imaginez pas à quel point je regrette.

— Eh bien, maintenant, vous allez pouvoir retisser les liens, indique Marie en souriant. Cela fait plaisir de voir la famille réunie. Par contre, je suis fatiguée avec la route et je vais vous laisser. Les enfants, profitez bien de votre maman, surtout ! Au revoir les De la Marque. Au revoir, Miléna. Je peux vous trouver un autre endroit au fait, si vous souhaitez déménager et les laisser profiter en famille, ajoute-t-elle à mon intention, perfide.

— J’y penserai, merci Marie.

— Ne t’inquiète pas pour Miléna, Maman, elle est entre de bonnes mains et je ne compte pas la laisser filer maintenant que je suis enfin vraiment heureux. Merci pour les vacances des enfants. Tu viens, Miléna, on va la raccompagner à sa voiture et laisser les enfants profiter un peu de leur mère.

Je n’ai pas le temps de voir la réaction des enfants aux propos de Florence qu’il m’entraîne déjà avec lui hors du salon. Je ne sais pas s’ils auront compris les choses comme j’ai pu lire entre les lignes, mais la femme de Max m’apparaît à cet instant moins antipathique, ou tout du moins ne m’apparaît-elle plus comme une sorcière qui a abandonné mari et enfants sur un coup de tête. Si elle est vraiment tombée dans les griffes de ce genre d’hommes, elle n’aura rien vu venir. Mais ça ne rassure pas la partie de moi qui a peur que mon châtelain retombe amoureux de son épouse, en revanche. J’ai l’impression d’être en équilibre sur une corde raide, et qu’un petit souffle de la tempête qui a débarqué hier suffirait à me faire basculer, à renverser l’équilibre que je me suis construit ici. Est-ce que j’ai raison de m’accrocher fermement à cette corde ?

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