65. Le vase fêlé des relations

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Maxime

Finalement, la soirée s'est mieux passée que je ne m'y attendais. Les enfants ont plutôt bien réagi au retour de leur mère et ils démontrent encore une fois toutes leurs capacités d'adaptation face à notre ménage à trois. J'avais peur qu'ils ne rejettent ma jolie brune en bloc, mais non, ils ont accepté leur mère et ont laissé sa place à la nouvelle femme de ma vie. Assez incroyable tout ça. Oh, il y a bien eu plusieurs petits moments inconfortables, comme quand ils ont compris que mon épouse n'était pas la bienvenue dans ma chambre ou quand Florence s'est moquée de l'accent de Miléna… Mais dans l'ensemble, nous sommes restés civilisés. On est même allés dire bonne nuit chacun notre tour, en évitant soigneusement de nous croiser. De vrais pros de la cohabitation !

Florence est allée se coucher tôt et Miléna et moi, nous nous sommes mis à la traduction du grimoire. Fatigué, je ne tarde pas à abandonner et à rentrer dans ma chambre pendant que Miléna discute avec son amie en Arménie. En attendant qu'elle me rejoigne, je me plonge dans une romance extraordinaire d'un duo d'auteurs que j'adore, et je découvre avec plaisir une scène un peu chaude et magnifiquement écrite qui me met en forme. Aussi, quand la porte s'ouvre, je balance mes couvertures et m'écrie :

— Enfin te voilà !

— Je suis ravie de voir que tu m’attendais, Maxou Chéri.

La température retombe immédiatement quand je reconnais la voix de Florence qui débarque seulement vêtue d'une nuisette rouge qui ne cache rien. Elle entre sans se gêner dans la pièce et mate sans vergogne mon érection que je me dépêche de mieux dissimuler sous mes draps.

— Euh, tu fais quoi ici ? Ce n'est pas toi que j'attendais.

— Vraiment ? Je peux quand même te soulager, tu sais, minaude-t-elle en montant sur le lit à quatre pattes avant de tirer les draps. J’ai entendu ta nounou aller se coucher dans sa chambre, je me suis dit qu’il fallait bien que quelqu'un s’occupe de toi.

Et le pire, c'est que mon corps retrouve ses vieux réflexes et que je dois me faire violence pour ne pas porter mes mains à ses seins directement. Au contraire, je la repousse en appuyant sur ses épaules.

— Non, mais je rêve ou quoi ? Tu n'as pas compris que j'avais tiré un trait sur nous deux ? Il faut te soigner si tu es en manque…

— Mais je compte bien me soigner, mon chéri, et toi aussi au passage, sourit-elle en empaumant mon sexe. Allez, y a pas de mal à se faire du bien, Maxou.

— Je t'ai dit que ce n'est pas avec toi que je veux me faire plaisir. Lâche-moi, bordel !

J'essaie de me dégager mais ne parviens qu'à me retrouver sans boxer, debout, le sexe dressé, devant mon épouse qui est à quatre pattes sur le lit et qui ouvre la bouche, gourmande et excitée. Un remake d'une de nos positions préférées quand nous vivions ensemble mais qui maintenant me révulse.

— Oh allez, Max, je suis sûre que c’est une petite prude au lit, moi, j’ai envie d’une bonne levrette comme tu les aimes, et je ne dis jamais non à la fessée, mon chou. Ne te fais pas désirer, je sais que tu en as envie.

— Dégage. Tu me dégoûtes ! Tu n'as pas honte de te conduire comme une prostituée de bas quartier ? J'ai honte pour toi… terminé-je ma tirade en ayant enfin repris le contrôle de mon corps qui ne bande plus.

— Une prostituée ? Oh arrête un peu. Tu t’es acheté une conduite ces derniers temps ? Toi et moi, nous sommes mariés, Maxime, devoir conjugal, tu connais ? Je te propose mon corps, qu’est-ce qu’il te faut de plus ?

— Des sentiments ? Tu sais que tu m’as complètement brisé quand tu es partie ? Que j’ai mis du temps à consolider et réparer cette blessure que tu as créée chez moi ? Et que là, ça commence à aller mieux et je ne veux pas replonger. Tu sais, je suis mieux qu’une roue de secours ? Le devoir conjugal, quand il n’y a plus rien à conjuguer à deux, disparaît, non ? Alors, retrouve un peu de décence et sors de ma chambre. Tout de suite.

— Tu ne sais pas ce que j’ai vécu, tu ne comprends pas, Maxime… Et tu ne cherches pas à comprendre. Patrick m’a manipulée… Je ne comprends pas comment j’ai pu être aussi faible, murmure-t-elle avant de plonger ses yeux dans les miens. Tu peux me reprocher d’être partie, mais tu es aussi égoïste que moi, au final. Tu ne penses qu’à toi, en ne voulant pas me donner une autre chance. Les enfants ont besoin de stabilité, ils veulent nous voir de nouveau réunis. Et ce n’est pas avec ta petite réfugiée sans papiers qu’ils vont l’avoir. Ne me regarde pas comme ça, elle laisse ses papiers traîner, je ne lui ai pas tiré les vers du nez.

— Elle n’est pas sans papier, elle a demandé l’asile en France. Et de toute façon, ce n’est pas elle qui vient entre toi et moi, Florence. C’est ta trahison, ton départ, ton silence, ton retour en conquérante. On ne répare jamais un vase cassé, il y a toujours des fuites et après il faut jeter le vase. Et bien, notre relation, c’est pareil. Sauf qu’il y a des fleurs, nos enfants, et qu’il faut qu’on coexiste. Au moins jusqu’à ta prochaine disparition. Donc, je veux bien faire un effort et arrêter de te crier dessus tout le temps. Mais jamais plus tu n’auras accès à mon cœur. Ni à mon corps d’ailleurs. Alors, s’il te plaît, et tu vois, je suis poli cette fois, s’il te plaît, sors d’ici.

— Tu crois que c’est ton petit discours qui va me décourager ? J’essaierai encore et encore, Maxime. Pour moi, pour les enfants, et pour les années qu’on a vécues ensemble, me dit-elle avant de m’envoyer un baiser. Bonne nuit, mon chéri.

Je préfère ne pas répondre plutôt que de me relancer dans une nouvelle attaque en règle. Pour les enfants, il va falloir qu’on réussisse à se parler sans s’engueuler ni se sauter dessus, quelle que soit la raison. Je n’en reviens pas de son attitude en tous cas. Qu’est-ce qui lui a pris ? Elle pense pouvoir me reconquérir juste en affichant ses seins devant mes yeux ? Elle croit que je peux oublier ces trois années juste en matant son cul ? Non, mais elle est vraiment folle si elle croit ça ! Comme si je n’avais pas Miléna maintenant dans ma vie… D’ailleurs, où est-elle ? Comment se fait-il qu’elle ne soit pas venue me rejoindre ? Je crois que Florence a dit qu’elle était partie se coucher dans sa chambre… C’est étrange… Il faut que j’aille voir ce qu’il se passe. Je me rhabille et sors de ma chambre après avoir vérifié que la folle en chaleur ne m’attend pas dans le couloir puis vais frapper à la porte de la chambre de Miléna.

— Miléna, c’est moi. Tu dors ? demandé-je en essayant de ne pas hausser trop la voix pour ne pas que ma femme nous entende.

— Non, entre, Max, dit-elle tout bas en ouvrant la porte.

— Tout va bien ? demandé-je en la suivant, vraiment inquiet de la voir avec aussi peu d’entrain.

— Oui, oui, pourquoi ça n’irait pas ? Tu ne dors pas ? Tu es monté te coucher il y a un moment déjà…

— Eh bien, je t’attendais. Depuis qu’on…

J’hésite un peu sur les termes à employer et finalement, je me lance.

— Depuis qu’on s’est mis en couple, tu as passé toutes tes nuits avec moi… Et là, tu n’es pas venue, je me suis inquiété. Et… Je serais bien venu te voir avant, mais ma femme a débarqué pour essayer de prendre ta place et ça n’a pas été facile de m’en débarrasser.

— Ta femme a quoi ? me demande-t-elle, dubitative. Elle est venue se coucher comme si de rien n’était, c’est ça ? Ou… Non, je ne veux pas savoir, en fait, laisse tomber.

— On s’en fout de ma femme, c’est avec toi que je veux être, Miléna. Tu crois vraiment que son retour va changer quelque chose entre nous ?

Je m’approche d’elle pour la prendre dans mes bras mais elle s’écarte et s’assoit sur son lit, en gardant ses distances. Je n’abdique pour autant pas tout de suite et m’approche d’elle. Je m’agenouille à ses pieds et viens poser ma tête sur ses genoux.

— Je t’aime, Miléna, ça n’a pas changé depuis tout à l’heure.

— Je pense que tu devrais prendre le temps de réfléchir à tout ça, Max, me répond-elle doucement en passant sa main dans mes cheveux. Peut-être que… Je ne sais pas, tu es en colère, tu as de la rancœur, mais peut-être que tu as aussi encore des sentiments pour elle, là-dessous.

Je ne réponds pas tout de suite car je veux profiter de ses tendres caresses et je veux réfléchir à ce qu’elle est en train de me dire. Je sais qu’elle a raison sur la colère et la rancœur, je l’ai encore vu tout à l’heure quand ma femme s’est pointée dans la chambre. Pour les sentiments par contre, j’ai beau essayer d’analyser les choses, je sais qu’il n’y a plus rien entre nous. Et quand je vois ce que je ressens pour Miléna, je me demande si j’ai vraiment ressenti de l’amour pour Florence. C’est un peu comme si, du noir et blanc, j’étais passé à la couleur et à la 3D.

— Miléna, quand je te dis que c’est toi que j’aime, je ne plaisante pas, tu sais ? Tu as raison sur la colère et la rancœur, ça, je l’admets. Mais pour les sentiments, je crois qu’ils sont morts… Je crois même qu’ils n’ont jamais été aussi présents qu’ils le sont avec toi. Avec Florence, notre union était surtout… Sexuelle. Basée sur des jeux pas désagréables, j’en conviens, sur une entente clairement présente, mais je ne pense pas qu’on puisse parler de sentiments… Tu comprends ?

— Tu dis ça pour essayer de te convaincre toi-même ou pour tenter de me convaincre moi ? J’ai l’impression que tu ne prends pas tout en compte, j’ai peur que tu regrettes sur le long terme. Je… Je me dis que peut-être, pour les enfants, tu devrais… Au moins prendre le temps de réfléchir à tout ça avant de dire non à ta femme, tu vois ?

— Moi, je suis déjà convaincu, ma Chérie. Toi, par contre, tu es en plein doute et ça me fait de la peine. J’ai l’impression que tu es comme un vase mais qu’il y a un trou au fond. J’essaie de le remplir en te disant tout ce que j’éprouve pour toi, mais l’arrivée de ma femme a félé le vase et il se vide plus vite que je n’arrive à le remplir. C’est dommage pour les fleurs qui pourraient en sortir…

Je ne sais pas ce que j’ai ce soir à parler de vase, de trou, de fleurs, mais bon, il semblerait que ce soit mon moyen de communiquer avec les femmes de ma vie. Il va peut-être falloir que je pense à consulter…

— J’essaie d’avoir une vision globale, de penser à ton bonheur et à celui des enfants. Et je me dis qu’à leur place, je voudrais que mes parents soient ensemble. Tu sais, j’ai réfléchi à ce qu’a dit ta femme, j’ai même fait des recherches sur Internet. Les hommes dans le genre de celui avec qui elle est partie sont très doués pour manipuler les femmes… Ça n’excuse pas tout, je sais, mais… Peut-être que vous avez droit à une seconde chance, non ? Et crois-moi, ça me fait mal de penser les choses comme ça, mais… Je ne suis là que depuis quelques mois, est-ce que tu crois que je vaux la peine de ne pas essayer avec elle ?

— Non, ne parle pas comme ça. Jamais plus je ne ferai confiance à Florence, dis-je en me relevant. Et toi, il faut que tu arrêtes de te sacrifier comme ça. Toi aussi, tu as le droit au bonheur. Toi aussi, tu as une place dans cette société, et surtout dans cette famille. Les enfants t’adorent, moi je t’aime et j’ai envie que tu sois ma seconde chance. Toi, tu ne joues pas. Toi, tu ne mens pas. Toi, tu es la femme que j’ai attendue toute ma vie. Alors, arrête de te faire du mal, s’il te plaît, et laisse-moi t’aimer comme il le faut. Laisse-moi une place à tes côtés, c’est tout ce que je te demande.

— Tu as ta place à mes côtés, je te l’ai dit, je reste et je suis là pour toi, mais s’il te plaît, Max, réfléchis bien à tout ça. Elle… Bon sang, soupire-t-elle en se levant pour m’enlacer. Je ne veux pas que tu aies de regrets, c’est tout.

— Eh bien, avec toi, je ne peux pas avoir de regrets, tout est parfait. Et puisque j’ai ma place à tes côtés, cette nuit, on reste ici ou on garde nos habitudes dans l’autre chambre ?

— Le plus loin possible de ta femme, c’est possible ? Enfin, non, peu m’importe, ce n’est pas très gentil, ça, grimace Miléna. On peut dormir ici, si tu veux, ou dans ta chambre, peu m’importe.

— Allez, soyons fous, dormons ici ! On verra si les ressorts sont aussi bruyants que dans ma chambre, ris-je en sautant sur le lit.

Au moins, ma petite boutade a le mérite de la faire sourire et, à son tour, elle saute sur le lit pour venir me rejoindre et se nicher dans mes bras. C’est fou ce que ça me fait du bien de l’enlacer et de la serrer fort contre moi. Si mon esprit pouvait être amené à douter, ce n’est pas du tout le cas de mon corps qui sait qu’il a trouvé en elle la perle rare, celle qui permet d’effacer tous les problèmes et d’oublier tous les soucis.

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