71. Vacances à surprises

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Maxime


Je salue la petite jeune qui remplace Yasmina et je ne peux m’empêcher de me réjouir de savoir qu’elle ne sera plus là à mon retour de congés. Elle a fait ce qu’elle pouvait, la pauvre, mais ce n’était pas exceptionnel. En tous cas, pour moi, c’est le début de trois semaines de repos qui vont me faire du bien. Et la première étape de ces vacances, c’est un petit stop chez le Père Yves qui m’a demandé de passer le voir quand j’aurai un peu de temps. Je me demande si c’est pour parler de Miléna ou s’il a quelqu’un d’autre qu’il souhaite me voir héberger. Intrigué, je frappe à la porte du presbytère.

— Oh bonjour mon petit Maxime. Entrez, entrez !

— Bonjour Père Yves. J’espère que vous allez bien. De quoi désirez-vous me parler ? Je suis en vacances et j’aurai donc peut-être le temps de vous rendre le service dont vous m’aviez parlé il y a quelque temps.

— De quel service est-ce que je vous ai parlé, déjà ? me demande-t-il en fronçant ses sourcils fournis.

— Eh bien, je ne sais pas. Vous m’aviez juste dit que quand j’aurai du temps, il faudra que je vienne vous voir. C’est pour ça que ma secrétaire a organisé ce petit rendez-vous avec vous pour ce soir. Après, si vous avez oublié, je peux vous donner des nouvelles de Miléna, hein ?

— Votre mère m’en donne parfois, mais j’imagine qu’elle ne la connaît pas aussi intimement que vous… Vous voulez boire quelque chose ?

Je tique un peu au mot “intimement” et me dis que ma mère n’a pas su tenir sa langue. Après, je n’ai rien à cacher et ça ne me dérange pas qu’il soit au courant.

— Je veux bien une eau gazeuse, si vous avez. Mais je ne veux pas m’imposer non plus. Si vous ne savez plus ce qui m’amène chez vous, je ne vais pas m’attarder ici et aller profiter un peu de ma famille, en ce premier soir de mes congés.

— Vous ne me dérangez pas, me dit-il en sortant du réfrigérateur une bouteille qu’il dépose sur la table en me faisant signe de m’asseoir. Je pensais vous avoir déjà demandé quelque chose, je perds un peu la tête, parfois. Non, non, je voulais vous demander si vous souhaitiez éventuellement vous impliquer un peu dans le bénévolat auprès des réfugiés, en fait.

— M’engager dans le bénévolat ? C’est-à-dire ? Vous voulez que je fasse quoi ?

— Eh bien, je ne sais pas, selon ce que vous voulez, éventuellement distribuer des repas, des vêtements. La Croix Rouge manque de bras, je suis sûr que vous le savez.

— Et pourquoi moi ? Je n’ai jamais fait ça de ma vie, je travaille au port pour les empêcher d’accéder aux bâteaux, vous pensez vraiment que je suis la personne la plus à même de les aider et les accompagner ?

— Vous hébergez une réfugiée, Maxime, vous êtes le fils d’un homme qui fut très engagé pour eux… Je suis sûr que vous ne vous épanouissez même pas dans votre travail et que l’éthique vous questionne. Je pense que vous êtes un bon candidat pour ça, moi.

Je réfléchis quelques instants et me demande si ça ne pourrait pas être une bonne idée. Cela pourrait compenser tout le travail de sape que je fais au quotidien. Et me donnerait un moyen supplémentaire d’honorer la mémoire de mon père.

— Je veux bien essayer, Père Yves, acquiescé-je enfin. Vous préviendrez la Croix Rouge que je suis là pour découvrir et qu’on verra après si ça me plaît ou pas ? Je peux juste débarquer comme ça ou il faut que je prévienne quelqu’un de mon arrivée ?

— Pour découvrir, je pense que vous pouvez venir quand vous le souhaitez, mais quand vous aurez accroché, il faudra voir quand les besoins sont les plus forts. Merci, Maxime, c’est vraiment une bonne chose. Et ça implique quand même beaucoup moins que d’héberger quelqu’un chez soi, sourit-il.

Je ne sais pas dans quoi je me lance mais je me dis que ça peut valoir le coup d’essayer au moins. Peut-être que je pourrais encore aider davantage ? Nous discutons un peu de Miléna, des enfants, avant que je ne le quitte et le laisse à ses occupations. Je me demande d’ailleurs ce que peut faire un prêtre au quotidien.

Lorsque j’arrive enfin au Château, je constate qu’une voiture immatriculée dans le vingt-sept est garée sur le parking devant l’entrée. Je me demande qui est là et pourquoi personne ne m’a prévenu. J’entre et entends des voix dans le salon vers lequel je me dirige immédiatement. Quand j’ouvre la porte, je suis surpris de voir Florence en grande discussion avec ses parents. Mais qu’est-ce qu’ils font là ?

— Bonsoir… Je ne m’attendais pas à vous voir, quelle surprise de vous trouver ici ! Les enfants sont au courant de votre arrivée ? Je pense qu’ils vont être contents de vous retrouver !

— Bonsoir beau Maxime, s’emballe ma belle-mère en me prenant dans ses bras. Ça fait plaisir de te voir.

— Bonsoir Irène. J’avoue que je suis vraiment étonné de vous voir au château. Mais vous n’avez pas changé depuis la dernière fois que nous nous sommes vus.

— Florence nous a dit qu’elle était enfin de retour auprès des petits. Du coup, nous nous sommes dit qu’on pourrait venir quelques jours pour l’anniversaire de Tom. Disons que c’est moins gênant de venir en sachant qu’elle a pris une sage décision en reprenant contact. Je pensais que tu étais au courant, qu’elle t’en avait parlé, intervient Eric, le père de Florence.

— Non, elle a dû oublier, dis-je en la regardant du coin de l'œil. Vous savez, on ne se parle pas trop, en ce moment.

Le couple se jette un regard entendu avant de retourner leur attention vers moi. Ils sont mignons tous les deux, avec leurs cheveux grisonnants et leurs petites lunettes. Irène est toujours une femme magnifique et je sais de qui ma femme a tiré sa beauté naturelle. Eric est quant à lui un peu plus petit, mais tout en bonhomie. Je l’ai déjà vu s’énerver et je sais qu’il peut être une vraie teigne, mais le plus souvent, c’est un ange.

— Eh bien, il faut communiquer, les jeunes, c’est important pour les enfants, vous savez ? soupire Irène. Mais, Maxime, ça ne te dérange pas de nous accueillir pour quelques jours ? Je suis désolée, j’ai l’impression de m’imposer, du coup.

— Quelques jours ? Je ne pensais pas que mes vacances allaient commencer avec vous, j’avoue, mais non, vous avez fait la route, je ne vais pas me fâcher pour ça. Et ça fera plaisir aux enfants, c’est sûr. Ils sont où d’ailleurs ? Avec Miléna quelque part ? demandé-je à ma femme pour la sortir du silence dans lequel elle semble s’être réfugiée.

— Ils sont partis se promener en forêt avec le chien, ils ne devraient pas tarder à rentrer, me dit-elle d’une voix lasse.

Je comprends mieux pourquoi Miléna ne m’a pas prévenu de cette arrivée, elle ne doit pas encore être au courant et ça sera la surprise du chef quand elle rentrera. Par contre, je me demande où on va les faire dormir.

— Vos bagages sont encore dans la voiture, je suppose ? Je ne les ai pas vus dans la pièce. Vous voulez qu’on aille les chercher, Florence et moi ?

— Oh non, c’est bon, on les a montés, mon petit Maxime, Florence nous a montré notre chambre, ne t’inquiète pas pour ça.

— Votre chambre ? Mais il n’y en avait plus de disponible, commencé-je avant de me stopper et de me tourner vers Florence. Tu les as installés où ?

— Il leur fallait bien une suite, Max...ime. Nous avons monté les valises dans la chambre du Hutin.

Je la regarde sans toutefois tout comprendre car c’est là où elle s’était installée. Elle va partager sa chambre avec ses parents ? Vraiment ? Je n’ai pas le temps de creuser la question que les enfants débarquent avec Miléna. Dès qu’ils aperçoivent leurs grands-parents, les deux foncent vers eux et leur sautent dans les bras. On a réussi à maintenir le contact malgré le départ de Florence, mais ils se voient quand même peu et je peux constater qu’ils adorent tous les deux leur papy et leur mamie.

— Eh bien, quelle énergie ! Vous ne me faites pas une telle fête quand je rentre du boulot, moi !

— Toi, tu rentres tous les jours du travail, rit Lili en me faisant un câlin malgré tout.

Je constate que Miléna ne s’attarde pas et s’est contentée d’un bref salut à tout le monde avant de s’éclipser. Il faut que je parle à Florence en tête à tête, cette situation est en train de dégénérer.

— Les enfants, vu que vous êtes rentrés, vous allez montrer le souterrain et le trésor à vos grands-parents ? Je suis sûr que ça leur plaira, et vous pourrez raconter toute votre vie en faisant ça.

— Oh oui, venez avec nous ! Il faut que vous voyez ça, s’enthousiasme Tom en attrapant la main de son grand-père pour l’entraîner dans le couloir, suivi de près par Lili et Irène.

Je referme la porte derrière eux et me retourne vers Florence en essayant de contenir la colère que je ressens.

— Tu ne leur as rien dit sur le divorce, je me trompe ?

— C’est notre vie privée, ça ne les regarde pas.

— Notre vie privée alors que tu vas bientôt te retrouver sans logement ? Tu crois que tu vas aller où ? Je te mets ma main à couper que tu vas finir chez eux, ce serait bien de leur parler, non ? Tu ne réfléchis donc jamais ?

— Arrête de me juger sans cesse, Maxime ! J’essaie de faire au mieux pour nous et pour les enfants, c’est tout.

— Tu essaies juste de faire au mieux pour toi, comme toujours, la grondé-je sans retenir le mépris que je ressens pour elle. Et c’est quoi cette histoire de les mettre dans la suite du Hutin ? Tu vas partager ta chambre avec eux ? Il n’y a pas assez de lits !

— Eh bien, il va falloir que tu me supportes pendant quelques jours, qu’est-ce que tu veux. Ce n’est pas la fin du monde non plus !

Elle ne doute vraiment de rien, la garce. Encore une fois, elle se permet une approche et presse ses mains sur mon torse en tendant les lèvres vers moi, comme s’il suffisait de ça pour que je cède et l’embrasse. Je la repousse sans ménagement et m’éloigne un peu d’elle.

— Arrête ton cinéma, jamais tu ne partageras ma chambre. Tu sais bien que Miléna passe ses nuits dans mon lit ! Et ça m’étonnerait que tu apprécies nous voir forniquer à toute heure.

— Eh bien, elle a une chambre, Miléna ! Elle n’a qu’à l’occuper le temps que mes parents sont là. Vous devriez survivre à quelques jours sans baiser comme des lapins, grogne-t-elle en me fusillant du regard.

— C’est vrai qu’elle a une chambre et qu’elle ne l’utilise pas. Voilà la solution ! J’espère que tu n’as pas défait tes affaires car c’est là que tu vas t’installer. Laisse-moi en informer Miléna.

— Tu es sérieux ? Tu ne vas pas faire ça quand même ? me demande-t-elle en blanchissant. Je te répugne à ce point-là ?

— C’est fini entre nous, Florence. J’ai tourné la page. Tu es toujours aussi belle, ce n’est pas ton corps qui me répugne, mais tout le reste. Ta personnalité, ta vanité, ton manque d’empathie. Il faut que tu te fasses une raison, jamais plus tu ne partageras mon lit ! Je suis trop heureux avec celle avec qui je le partage en ce moment. Et tu ferais mieux d’informer rapidement tes parents, car ils risquent de se vite rendre compte que ton histoire a des défauts.

— Personne n’est parfait, Maxou. Je n’ai pas changé, je suis toujours la Florence de quand tu m’aimais passionnément.

— Tu es surtout toujours la Florence qui s’est barrée avec son Patrick parce qu’il avait une plus grosse voiture que moi. Je vais te le redire une dernière fois, mais en plus fort. TOUT EST FINI ENTRE NOUS. C’est plus clair, là ? Donc, je vais prévenir Miléna, récupérer ses affaires et foutre tout ton barda là-bas. C’est à prendre ou à laisser. Si tu n’es pas satisfaite de cet arrangement, tu es libre de te barrer de cette maison dans laquelle bientôt, tu n’auras plus aucun droit !

Je sors et claque la porte derrière moi pour aller informer Miléna de ce qu’il se passe. J’ai l’impression que j’y ai été un peu fort, mais c’est le seul moyen pour qu’elle me comprenne. Si elle avait encore insisté, je suis sûr que je lui aurais sorti des conneries du genre : “J’espère que les murs sont fins pour que tu l’entendes jouir alors que tu te morfonds dans ton lit” ou d’autres atrocités du même genre, mais je me suis retenu. Et j’ai bien fait. Je veux la sortir de ma vie, mais je ne peux pas le faire entièrement, elle reste la mère de nos enfants et nous allons parfois devoir cohabiter. Il vaut mieux pour les enfants que ça ne se passe pas trop mal. Et là, on est quand même au bord de la rupture totale.

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