Chapitre 12

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Les flammes s’élevèrent encore dans un grondement de tonnerre. Elles poussaient contre le bouclier de Katani. La jeune princesse ne faiblit pas au contraire, cela alimenta sa détermination. Elle puisa encore dans ses ressources pour augmenter son Flux et la puissance de son aura.

  • Recule ! cria-t-elle de toute la puissance de ses cordes vocales.
  • En effet, tu n’es pas qu’ une ardente, unique seconde ! souffla une voix glaciale aux oreilles de la jeune fille.
  • Qui parle ? demanda la princesse en frissonnant.
  • Tu ne le sais donc pas, Reine-Sorcière ? susurra la voix.
  • Le Dévoreur …

Les flammes blanches s’inclinèrent comme pour donner leur assentiment.

  • Alors, montre-toi qu’on en finisse ! tempêta Katani exaspérée malgré la peur qui la tenaillait.
  • Il ne s’agit pas d’une fin… pas encore, gronda la voix telle un torrent de cailloux. Ce n’est que le commencement pour toi.
  • J’en ai assez des énigmes tout comme de tes flammes glaciales ! Cesse immédiatement, Montre-toi et parle-moi clairement !
  • Qui es-tu pour imaginer que je t’obéisse? la défia la Voix.

Katani trembla. Elle baissa la tête, plus blessée que si les flammes l’avaient attaquée. Une grande main burinée vint attraper la sienne. Un regard ambré se planta dans le sien.

  • Pour moi, tu es celle qui a réussi à surmonter la mort de ses parents sans se perdre. Tu es une jeune fille qui se bat chaque jour pour définir ce que c’est d’être la seconde de la lignée des Reines-Sorcières sans se noyer. Tu es aussi celle qui a plongé dans la Source Sauvage , y a nagé et est parvenue à en sortir vivante et saine d’esprit.
  • Sans toi, je ne serais rien de tout cela.
  • Notre rencontre a été orchestrée par d’autres que toi et moi. Ce que nous en avons fait, le lien que nous avons construit, nous appartient. Il m’a changé parce que je le voulais bien. Tout comme toi.

Katani détourna son regard. Elle savait ce qu’elle devait répondre, lui aussi. Elle ne parvenait pas à s’y résoudre. En était-elle seulement digne ? Et puis, elle pensait à sa sœur. Elle aurait l’impression de la trahir en pronoçant ces mots.

Elle regarda à nouveau l’ardent. Rafa l’observait, l’air soucieuxmais aussi fatigué. 

Sans un mot, il posa un genou à terre, le poing fermé sur le cœur. Cela représentait plus que le plus long des discours. Cette attitude symbolisait l’allégeance des Crocs à la Reine-Sorcière. Toutes les entités magiques d’Éphémia lui prêtait allégeance de cette façon. Cependant, depuis l’origine du royaume, jamais deux sœurs de la même lignée n’avaient coexisté. Katani pouvait-elle se prétendre Reine-Sorcière alors que sa sœur occupait déjà le trône ?

  • Rafa, jamais je ne disputerai le pouvoir à ma sœur, déclara sombrement la jeune fille. Il ne peut y avoir deux Reines. Ce n’est jamais arrivé…
  • Jusqu’à maintenant. Il vous appartient à vous et à votre sœur de décider comment cela se passe.

Katani songea à sa grande sœur, aux relations en dents de scie qu’elles entretenaient depuis la mort de leurs parents. Leur dernière conversation s’imposa à Katani. Ayevi l’aimait. Elle l’avait soutenu quand elle avait été prise de son accès de sauvagerie. Katani avait perçu une inquiétude immense chez sa sœur mais aussi de la confiance. Ayevi s’était montrée convaincue de ses capacités à maîtriser ses pouvoirs de Sorcière.

Katani aussi aimait profondément sa sœur. C’était à son tour de faire confiance à Ayevi. Cette dernière saurait accueillir l’idée que Katani se définisse comme une Reine-Sorcière surtout si cela lui permettait de revenir vivante de cette entrevue.

  • Dévoreur, je suis la sœur d’Ayevi, Reine-Sorcière gouvernant Éphémia. Je suis Reine-Sorcière aussi. En cela, tu me dois obéissance.
  • Qu’il en soit ainsi, Reine- sorcière, gronda la voix d’outre-tombe.

Aussitôt les flammes s’évanouirent. Ils se trouvaient dans une caverne dont le sommet percé donnait sur la voûte étoilée. Il faisait nuit mais la lumière des astres pénétrait suffisamment l’endroit pour qu’il puisse contempler l’immensité du lieu dont les confins se perdaient dans la pénombre.

L’endroit se révéla désert et silencieux.

  • Où es-tu ? appela la princesse. Pourquoi ne te montre-tu pas ?
  • Je n’ai pas de forme permanente dans la matière, Votre Altesse, lui répondit la voix d’Outre-Tombe. Mais, je peux en adopter une durant notre entretien, si cela vous sied.
  • Je préfèrerai, oui,

Aussitôt, une femme imposante à la peau noire comme la suie et aux yeux de lave apparut devant elle. Katani aurait aimé qu’elle fut vêtue, elle s’abstint pourtant de le lui demander estimant que l’effort de l’entité pour se trouver une forme suffisait.

  • Je te remercie, lui dit-elle en tâchant de dissimuler combien elle était impressionnée par le regard incandescent posé sur elle. Tu m’as appelée et me voilà. Je souhaite savoir ce que tu veux de moi.
  • Je ne veux rien. Je ne suis que la voix d’Éphémia. Elle te conjure de cesser de tourner le dos à ton héritage.
  • Je ne comprends pas, Dévoreur. J’exige que tu parles clair, l’enjoint-elle en tâchant de se grandir.

La grande femme sourit d’un air satisfait.

  • Vous avez revendiquez votre identité de Reine-sorcière, il y a quelques instants. Endossez-la pleinement ! Revendiquez-la !
  • Sous-entend-tu que je devrais disputer le trône à ma sœur ? s’insurgea Katani gagnée par la colère. En quoi un affrontement fraticide serait bon pour Éphémia ? C’est hors de question, sache-le !
  • En effet, il n’en est aucunement question, rétorqua le Dévoreur ne semblant nullement ému de l’accès de colère de la jeune fille. Qu’est-ce qu’Éphémia représente pour vous ? Connaissez-vous , aimez-vous votre royaume et ses habitants ? Qu’est-ce qu’être Reine-sorcière de ce royaume représente pour vous ?

À ces questions, Katani demeura interdite. Les réponses qu’elle formula mentalement ouvrirent des portes dont elle n’avait pas soupçonné l’existence. Éphémia, c’était sa maison, elle l’aimait de tout son cœur. Cependant, les questions du Dévoreur mettaient en lumière sa méconnaissance du royaume. Elle n’en avait visité que peu d’endroits : la Cité de la Reine bien sûr, l’orée de la Forêt gardienne qui jouxtait la ville, quelques plages et falaises au bord de l’Océan Pourpre. En réalité, elle n’avait jamais quitté les abords de la Cité. Elle choisit de répondre avec franchise à celle qui se disait la messagère de sa terre natale.

  • Ce royaume et ses habitants sont chers à mon cœur même si je n’y ai beaucoup voyagé.
  • Pourquoi ?
  • Je ne l’ai jamais demandé … je… j’ai peur. Ayevi aussi, je crois. Elle ne quitte la Cité que pour quelques heures, tout au plus et… elle me protège. La dernière fois que mes parents se sont éloignés de la Cité, ils ne sont pas revenus.
  • Vous ne vous sentez pas en sécurité dans votre maison, Majesté ?
  • Je l’ignore … tout comme ce que c’est que d’être, se sentir Reine-Sorcière.
  • Il est temps de le découvrir, Votre Altesse. Voilà le message d’Éphémia avec un post-scriptum de votre serviteur : vous avez affronté l’antre de mon volcan, vous êtes capable de voyager partout dans Éphémia.
  • J’étais avec Rafa, protesta Katani.
  • Où croyez-vous qu’il ira pendant que vous partez à l’aventure ?
  • Là où tu lui diras d’aller.
  • Rafa, mon cher Croc, je te laisse libre de choisir ta prochaine mission, déclara gravement l’entité en se tournant vers le guerrier ardent.
  • Je souhaite continuer d’accompagner la Reine-sorcière Katani.
  • Qu’il en soit ainsi, si elle est d’accord.

Katani hocha la tête en retenant ses larmes.

  • Bien, avant de vous laisser regagner la surface, j’ai un présent à vous faire, Votre Altesse.

La créature tendit ses deux mains fermées vers Katani. Quand elle les ouvrit en coupole, Katani y découvrit avec stupéfaction une pierre en forme de goutte d’eau où semblait être enfermé de la lave liquide.

  • Est-ce que c’est …

Katani, les yeux écarquillés, tendit une main tremblante pour saisir le précieux présent. Elle ne parvenait pas à croire ce qu'elle voyait.

  • Une Pierâme oui, répondit gravement l’entité. Comme celle que Rafa porte à son front.

Au lieu de le lui donner, le Dévoreur attrapa un cordon que Katani n’avait pas vu jusque-là. La pierâme y était attachée. La grande dame passa alors celui-ci autour du cou de Katani, comme un collier. Quand elle sentit la petite pierr se poser au creux de son cou, la jeune fille réalisa avec effarement ce que cela pouvait signifier.

  • Je… vous voulez que je devienne un Croc ?
  • Non, Majesté, la rassura l'entité. Considérez ce don comme le premier pas vers la découverte de votre nature de Reine-Sorcière. Un jour viendra où vous saurez quoi faire de cette larme.

Katani, toute à sa joie, serra doucement la petite pierre dans sa main.

  • Je te remercie infiniment pour ton présent. Cela représente beaucoup pour moi.

La jeune princesse s’imaginait déjà chevauchant son propre Laïggos auprès de Rafa et Laïfa. Dans d’autres circonstances, elle aurait pu danser d'allégresse.

  • J’ai aussi un présent pour toi, mon enfant, ajouta le Dévoreur en posant son regard infernal sur Rafa.

Ce dernier s’approcha aussitôt. La créature leva les bras pour passer la cordelette qu’elle tenait dans les mains, autour du cou de l’Ardent. Un instant, Katani vit briller un croc sur le torse du guerrier. La lueur disparut, le pendentif devint plus noir que la nuit.

  • Je te nomme Commandant suprême de tous les Crocs d’Éphémia.

Médusée, Katani les observait alors que l’entité et le Croc échangaient un regard d’une tristesse infinie si bref qu’elle se demanda si elle ne l’avait pas imaginé.

Quand ils se tournèrent, le Dévoreur souriait et Rafa arborait un air satisfait.

  • Il est temps de nous dire au revoir. Bon retour à la surface, Reine Katani, la salua l’entité en s’apprêtant, de toute évidence, à disparaître.
  • Attends ! Il faut que tu nous indiques le chemin pour sortir.

L’être sombre leva la tête et tendit le bras pour leur indiquer la vaste ouverture qui s’ouvrait vers les cieux.

  • Merveilleux ! grogna Katani en se tournant vers Rafa. Un escalier aurait été de trop évidemment.

Un rire caverneux ponctua son commentaire irrité. La jeune femme confirma d’un regard outré que c’était bien le Dévoreur qui se moquait d’elle.

  • J’avais oublié, les apostropha-t-il après son accès d’hilarité. Rafa, tu as ma bénédiction pour transporter cette Reine sur ton Laïggos. Bon voyage à tous les deux.

Sans attendre de réponse, la créature s’évapora instantanément dans les airs.

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