XIII- D'un pari sur l'avenir 1/2

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 J'ai passé les premières minutes à expliquer et montrer les principaux mouvements d'attaque et les poses et esquives défensives. En quelque sorte, il n'y a que trois coups différents que l'on peut faire : le coup d'estoc qui consiste à projeter le bout de son arme en direction du ventre de son adversaire, le coup de taille qui attaque d'un coup horizontal de la droite ou de la gauche et le troisième est son contraire, un coup vertical qui vise la tête la plupart du temps mais peut aussi arriver du bas. A chacun de ses coups il y a sa parade. Il faut faire un mouvement de côté contre le coup d'estoc et si on y arrive il faut taper sur l'arme l'emmener plus loin dans son mouvement que l'avait prévu l'attaquant. Celui-ci perd l'équilibre et il s'ouvre complétement à la riposte. Au coup de taille il faut présenter son arme à la verticale, le coup sera paré et si l'adversaire est un novice, son mouvement aura découvert un de ses flancs pour la contre-attaque. Le coup vertical se pare du même principe qu'avec le coup de taille, l'attaque arrivant à la verticale, il faut présenter son arme à l'horizontale. Un bon mouvement d'esquive sur le côté comme avec le coup d'estoc fonctionne aussi. Le coup vertical cependant ouvre assez peu la garde de l'adversaire si celui-ci à un bouclier. La riposte n'est pas aussi simple. Mais si l'attaque est esquivée, le poids de l'arme peut emporter l'adversaire et le déséquilibrer. Il faut ainsi observer la maîtrise des armes de son adversaire.

La posture et surtout le jeu des pieds est important en attaque comme en défense. La main et le pieds qui soutiennent l'arme doivent toujours être l'un au-dessus de l'autre. Si l'on attaque en estoc par exemple, il faut que le pieds s'avance, que la jambe se plie et que le bras reste droit jusqu'au bout du mouvement. Cela permet d'un part de mettre de la force dans l'estocade, de l'autre de tenir ses positions contre le déséquilibre. Enfin si l'attaque est esquivée, la fente avant est une position relativement à l'abri, on est un peu penché en avant et d'un geste on peut reprendre sa posture originelle. Le coup de taille doit lui-aussi être suivi d'un pas en avant, cela permet aussi d’éviter le déséquilibre. La position du corps sera en diagonal, celui permet de ne pas trop se découvrir et si l'on bloque son bouclier au niveau de son corps, ce qui est face à l'adversaire reste à l'abri. Enfin, le coup vertical je ne le conseille pas du tout sauf dans l'idée de faire une feinte. On commence par donner l'impression que l'on va donner ce coup, on place son épée au-dessus de soi, on commence le mouvement mais le coup ne se dirige pas vers le bas, il pivote sur le côté et se transforme en coup de taille. Contre un adversaire novice la feinte touche toujours.

Ce conseil m'est personnel. Je ne réussissais pas les mouvements sur cette attaque à l'entrainement. Cela m'a valu des remontrances particulières à de nombreuses reprises mais rien n'a réussi à me changer. Le coup vertical m'est en horreur, je perdais toujours l'équilibre. La parade est l'esquive en défense, au contraire, me sont naturelles.


 Ce premier enseignement donné, je laissais faire chacun des duos, le premier attaque le second puis le second attaque le premier, les passes d'armes s'enchaînent les unes après les autres. Je hurle les ordres, une fois "Coup de taille, esquive", une autre fois "Estoc parade" (celui-ci est mon préféré puisqu'il n'y a pas de différence entre la parade et l'esquive, l'incompréhension de certain se comprend quand ils hurlent de douleur parce que leur duo a attaqué), ainsi de suite durant des heures. Les premiers échanges furent chaotiques, les uns faisaient tomber leurs armes, les autres paraient ou esquivaient très mal et se prenaient le coup mais globalement le moral était au beau fixe et tout le monde reprenait sa place pour enchaîner les mouvements. Plus le temps passait plus les coups devenaient mieux maîtrisé mais face à l'erreur beaucoup voulaient abandonner, d'autres tombaient de fatigue, seuls un ou deux duos continuaient pleinement l'entrainement.

Je me suis alors interrogé. On m'a entrainé avec la douleur, avec la peur de l'échec, est-ce ce que j'allais faire à mon tour ? Mais je ne me voyais pas passer derrière tout le monde pour les frapper s'ils ne tenaient pas bien leur position ou dès le mot d'énervement ou de ras-le-bol. Cela ne m'a pas laissé de bons souvenirs et s'il s'avère que le Chef-Capitaine est notre Roi, je garde envers lui une certaine haine de cette façon de faire. Je n'avais pas le sentiment que l'apprentissage par la douleur était la meilleure solution. Je devais avoir des soldats qui obéissent aux ordres parce que je leur inspire cette obéissance, pas par peur ou par douleur refoulé.

Alors, rapidement, j'ai donné une pause à mes recrues, le temps de souffler un peu. Cinq minutes et après on repart, telle était la consigne. Si elle fut globalement suivie, un temps plus tard, une nouvelle pause devait être donné. Les corps étaient fatigués et le mental ne tenait plus. Nous n'étions pas encore à la moitié de l'après-midi que j'ai offert une troisième pause. Une quatrième, une cinquième et ainsi de suite pendant que je perdais patience moi-même. Je ne contrôlais plus la situation. Là où des enfants de quinze ans, contraint certes, ne s'arrêtaient pas une seconde pendant un tiers de la journée, des hommes, des paysans dont les corps et les esprits subissaient le travail dur et souvent répugnant du travail de la terre et des animaux, ne tenaient pas une heure.


 J'étais moi-même fatigué, nous étions au Soleil depuis le début et même si la journée arrivait petit à petit à son terme, l'entrainement n'était pas terminé. J'ai endossé mon rôle de Chef. Après avoir mis fin à la dernière pause, j'ai parcouru les rangs avec le regard sombre et lorsque l'un ou l'autre ne faisait pas le mouvement à la perfection, je le signalais en donnant des petits pics de la pointe de mon épée. L'un ou l'autre paysans a tenté de rouspéter, de se tourner vers moi et de me regarder de haut. J'ai agi par mimétisme, j'ai pris le ton que le Sergent ou le Chef avaient eu avant moi et j'ai recadré chacune de mes recrues. La guerre n'admet pas l'erreur, la bataille exigera à votre corps le maximum de ce qu'il pourra donner. Même si vous êtes exténué, le combat continu, votre vie ne tient qu'à un fil, celui de l'arme de votre adversaire... ou de la vôtre. Au premier contact comme au dernier, le mouvement doit être suivi. Un mental d'acier, voilà où réside le destin.

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