Acanthe*. I

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En ce milieu de printemps, la jeune femme se rendait comme tous les matins à l'université, et aujourd'hui le soleil brillait plus que d'habitude. Habillée d'un tee-shirt à manches courtes blanc et d'une longue jupe bleu ciel, elle transpirait déjà. Elle vit sur le bas-côté, une paire de lunettes de soleil abandonnées, mais manifestement neuves. Elle hésita, regarda autour d'elle si quelqu'un ne venait pas de les perdre, espérant les rendre et lorsqu'elle entendit la clochette d'un vélo qui prévenait de son passage, elle les récupéra de justesse. Le cycliste l'insulta d'avoir été sur sa route, mais elle n'y répondit pas, troublée par le contact des lunettes. Elle resta un instant au milieu du trottoir, demandant aux passants si ça leur appartenait, mais les Parisiens étant ce qu'ils sont, beaucoup la snobaient. Elle ne voulait pas passer pour une voleuse. Pressée par le temps et consciencieuse d'arriver à l'heure en cours, elle se dépêcha et se dit qu'elle irait au commissariat le soir, car elles avaient l'air de coûter cher.

Malheureusement la porte de sa salle était déjà fermée, elle réprima un juron et frappa, le professeur lui adressa un regard réprobateur qui la mis mal à l'aise mais la laissa entrer parce qu'elle n'était jamais en retard. Regagner sa place alors que tous accrochaient leurs yeux sur ses épaules fut la pire chose qu'elle eu à faire et se sermonna toute seule, se promettant de ne plus se mêler de ce qui ne la regardait pas. Les cours s'enchaînairent sans que sa pensée ne se détache des lunettes cachées dans son sac. La pause du midi la sauva et alors qu'elle était d'ordinaire la dernière à partir, elle fut la première à se précipiter, bousculant quelques personnes au passage.

Elle rentra chez elle pour déjeuner et se pris la tête dans ses mains en arrivant. Ce matin rien n'allait, elle avait cédé à la curiosité, mis en danger un cycliste, était arrivée en retard, n'avait rien écouté des cours et poussé des gens... C'était toute son éducation et ses vertus qui étaient à revoir en une seule matinée...

Elle regardait dans le vide, essayant de se calmer, ses yeux se posant automatiquement sur le crucifix qui ornait la chambranle de la porte menant à la cuisine. Elle secoua la tête pour se remettre les idées en place mais céda à l'envie et à la curiosité de sortir les lunettes, les posant devant elle. Décidément, elle ne pouvait pas se permettre d'acheter une aussi belle paire, et la personne les possédant doit avoir assez d'argent pour s'en racheter, alors qu'elle ne possède rien du tout. Elle se lève se dirigeant vers un miroir, bien décidée à se regarder avec sa nouvelle acquisition, et de savoir à quel point ça peut lui aller... Elle les enfile en fermant les yeux, prête à faire durer le suspence.

Mais en les ouvrant, elle ne voit dans le miroir qu'un visage masculin à la fois beau et hideux, à la fois homme et bête, se confrontant à un regard de feu et à un sourire bien trop sensuel. Elle cherche à crier, sans qu'aucun son ne sorte et se débat avec elle-même pour retirer les lunettes. Elle tremble tellement qu'elle n'arrive pas à se signer.

— Mon Dieu, est-ce là ma punition pour avoir péché ? chuchotte-t-elle en sanglotant.

Mais personne ne lui répond. Elle envoie un mail à son université pour leur dire qu'elle a de la fièvre et qu'elle ne viendra pas en cours. Qu'est-ce que cela peut être d'autre qu'une hallucination résultant d'une fièvre maligne ? La jeune femme, le coeur battant, les mains moites, essaye désespérément de s'en convaincre.

Pour clore cette journée, elle se fait une tisane, farfouille pour trouver des somnifères, et s'endort pour oublier.

Prisonnière de son esprit, enfermée dans son rêve, Acanthe lutte avec elle-même. Une part d'elle veut se résoudre à laisser tomber tandis qu'une autre veut chercher la vérité. C'est alors que lui apparaît encore le visage qu'elle a vu. Affaiblie, cédant la place à son inconscient, celui-ci lui fait vivre les rêves les plus indécents qu'elle ait pu voir et qu'elle n'aurait jamais pu imaginer, de nature bien trop prude à l'origine.

Ses dernières pensées lucides se tournent en demi-prières, réclamant son pardon et son sauvetage, engloutis par l'aura de mal naissante qui consume petit à petit là lumière qui la recouvrait jusqu'à présent.

*Acanthe signifie « innocence » et incarne l'harmonie, l'équilibre, le sens de la justice, la rigueur.

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