1.15.1

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XV

Theo redescendit du bureau de Jo et trouva sa sœur seule dans le salon, devant la bibliothèque près du Chesterfield. Elle consultait des ouvrages placés sur la dernière étagère. Pour lire les tranches et récupérer les bouquins qui l’intéressaient, elle se mettait sur la pointe des pieds et s’agrandissait. Sa tête se relevait, son corps s’étirait avec grâce, et la cambrure de son dos accentuait la saillie charnue de ses fesses. Il y avait dans cette pose quelque chose d’engageant qui n’échappait pas à l’œil masculin, et Theo ne put s’empêcher de laisser le sien glisser lascivement le long de sa chute des reins. Il approcha dans son dos. Elle ne se retourna pas, qu’elle l’ait entendu ou non, et même quand il arriva près d’elle, elle ne le regarda pas. Ils ne s’étaient pas adressé la parole depuis la gifle, et elle était encore fâchée, visiblement.

« Recettes traditionnelles ? s’étonna-t-il en lisant par-dessus son épaule le titre de l’ouvrage qui l’occupait. As-tu l’intention d’apprendre à cuisiner ?

— Ce ne sont pas tes affaires. »

Alice voulut reculer, heurta le torse de Theo, fronça les sourcils, mais renonça à s’en aller. Leur proximité physique la dérangeait.

« Que veux-tu ?

— M’excuser. »

Alice tourna la tête bien décidée à ne pas lui pardonner et chercha à s’esquiver de biais, mais Theo posa la main sur son flanc et la ramena à lui. Elle perdit ses moyens. Cette main outrageuse qui n’avait rien de chaste, placée à la courbe de ses hanches avec tant de cavalerie, suffisait seule à la tourmenter. Alice ne pouvait plus songer qu’à son contact brûlant sur son côté. Elle devait vite la retirer, mais il la pressa, pressa si fort, qu’elle vit s’envoler dans un frisson ses dernières velléités. Il chuchota à son oreille :

« Je suis vraiment désolé, Sweetie. »

Et força un pardon plus offensant que la gifle qu’il prétendait excuser. Theo embrassa cette joue empourprée qu’il avait souffletée, mais qui ne rougissait plus que du trouble qui l’embrasait. Il y resta longuement appuyé, et Alice crut languir pendant une éternité. Son souffle la chatouillait. Son corps si proche la réchauffait. Elle cédait à ses excuses douces-amères, moins fraternelles que l’affront qui les avait suscitées, quand un claquement de porte les interrompit. Theo se surprit lui-même en défaut et s’écarta de sa sœur. Quelques secondes plus tard, Diana arriva au salon et les trouva chacun dans son coin, le frère dans un fauteuil en rotin, la sœur toujours devant la bibliothèque. Rien qu’au regard fuyant de Theo qui passait, déboussolé, la main devant sa bouche, elle sut que ce qu’elle avait entrevu une minute plus tôt, elle ne l’avait pas rêvé. En entrant une première fois dans la grande salle, elle avait d’abord cru avec effroi qu’ils s’embrassaient, puis elle constata qu’il ne s’agissait que d’un simple baiser sur la joue et en fut soulagée. Cette scène avait toutefois quelque chose d’extrêmement intime qui la dérangeait. D’un pas furtif, elle fit aussitôt demi-tour sans se faire remarquer et claqua la porte dans l’espoir de les déranger. Cependant, les trouver maintenant à l’opposé, si distants et si embarrassés, confirmait que quelque chose d’anormal s’était passé. L’accusation, néanmoins grave, épouvanta Diana qui refusa même de l’envisager. Elle feignit son air le plus enjoué et déclara comme si de rien n’était :

« La tarte est prête. Nous allons pouvoir prendre le thé. »

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