Stade, aube.

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La nuit eut tout le temps d’être longue : éternisée par les agissements concertés de l’excitation et de la peur, je n’y trouvai aucun sommeil et renonçai par là même à me reposer. Cependant, je ne ressens aucune fatigue :

J’y suis.

   Ils y sont aussi. De ces illustres parmi les illustres, témoins, en ce jour, du téméraire défi que je lance à leur déité, pas un seul ne cille en me voyant, et ce, malgré l’affront que je leur fais. Ils m’ignorent, se préparant machinalement, préférant se jeter entre eux des regards envieux, des œillades à l’affût de la moindre anomalie, de l’infime avantage à prendre. Dans cette glorieuse assemblée, une ombre ne peut briller : pour eux je ne suis rien, et ce rien n’est pour eux pas un risque. Je ne suis que le remplaçant. Un gravillon grisâtre sur la voie pavée d’or de Nestor d’Arcadie. Je ne suis que moi : Alex de Tarsie.

   Toutefois, je me prépare avec minutie, n’omettant rien ; la course sera longue et le moindre oubli funeste. J’enduis mon corps d’une huile protectrice, me rappelant, avec douleur, les rares fois où j’avais négligé cette étape. Les jambes surtout, ce sont elles qui surchauffent les premières. Puis mes bras, qui me lâcheront tout autant, à mi-course au moins. Quand viendra ce moment, lorsque l’effort se fera souffrance, je n’aurais pour seul moteur que ma détermination.

Sera-t-elle suffisante ? À dire vrai, j’en doute, mais peut-être qu’Elle... Sa seule présence, je le sais, ferait de mes sueurs source, de mes spasmes danse, de mon insignifiance grandeur. Mais hélas, je ne l'aperçois nulle part.

Aurait-Elle abandonné ?

   Cela me paraît une hérésie, une atteinte blasphématoire à son invincible nature. Comment cela se pourrait-il ? Serait-il possible que la soudaine fragilité des champions l’ait touchée, Elle aussi ?

   Je scrute tout autour de moi, espérant être témoin de son apparition, là-bas, par delà les collines surplombant le stade et je me prends à rêver. Je l’imagine émerger, incarnant la tranquillité, auréolée par l’aube aux doigts de rose. Poussée par une brise fugace, Elle prendrait sa place sur la ligne de départ, sans avoir rien négligé de sa préparation réglementaire. Et là, Elle nous attendrait, foulant la strie, impatiente de mener l’affaire à son terme.

   Mais pour le moment, cette joie se refuse à mes yeux. Je ne vois rien d’Elle : ni par delà les hauteurs, ni dans la zone d'échauffement et encore moins sur la ligne.

Elle n’est pas là.

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