0.6

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Viens, Roy, approche-toi. Contemple le tombeau de ma voix.

La forteresse thérapeutique jusqu’alors impénétrable s’écroula sans un bruit, sans le moindre assaut, effaçant par la même la frontière invisible qui les contraignait à une coexistence aveugle. Plus rien ne faisait obstacle à son avancée vers elle. Vers moi.

Au pinacle de ses jours, Roy enjamba les derniers mètres qui les séparaient. Viens. Elle… moi… était là, préservée dans son écrin de verre, attendant que quelqu’un, enfin, l’en libère. Serait-ce un conte ? Non. Bien sûr que non, Roy, ce n’est que ma vie. Il la voyait enfin. Et que vois-tu ? Il souriait. Te moques-tu ? Il ne se moquait en rien. Comment aurait-il pu ? Tout empressé d’admiration qu’il était, il n’avait même pas remarqué la complexe tubulure qui la maintenait en survie. Un câble pour toute chose, tout comme toi.

  Il était temps. Attends ! Roy s’immobilisa devant le terminal. Rien de plus simple pour lui que de défaire le contrefait. Mais elle hésitait et lui se figeait à quelques opérations de la délivrance. Avait-elle… peur ? Non. Tu te méprends sur mes intentions. Je me demandais simplement, avant que ne s’éteigne ma voix, s’il y avait… s’il y avait, parmi tout ce que nous avons vécu, un instant qui valait, plus que les autres, la peine de l’être.

  Roy sourit derechef, n’hésitant pas un instant.

Oh oui, je m’en rappelle. Comment ai-je pu oublier nos courses à travers les dunes scintillantes de Soboli. Nous y étions tellement loin de tout… Y étions-nous heureux ? Bien sûr, tu te souviens, Roy, du zèle avec lequel nous lui rapportions tout ce que nous pouvions extirper du cœur brûlant de ce monde. Nous étions alors comme ces fidèles compagnons qui portent, en gage d’amour sincère, tout ce qu’ils trouvent à leur maître. Quelle joie illuminait son visage quand elle nous voyait arriver ! Quel rire quand nous lui donnions, fiers, quelques miettes d’une civilisation disparue !

  À ces souvenirs, Roy étirait ses traits d’un air ravi.

La chaleur de ses lèvres sur les nôtres, Roy… Avons nous un souvenir plus doux ? Quelle tristesse lorsque nous l’avons quittée ! Crois-tu qu’elle pense encore à nous ? Non, tu as raison, Roy. Il est préférable de penser qu’elle nous a oubliés et qu’elle est heureuse, à présent.

Roy hocha la tête, patientant toujours.

Une fois de plus, tu es dans le vrai, Roy : ces instants valaient bien la peine de vivre.

Il est temps. Je suis prête.

Pianotant sur la console de contrôle, Roy desserra, une à une, les entraves qui la retenaient : la geôle se déverrouilla, les sangles se délièrent et elle ouvrit les yeux. Des yeux fatigués d’avoir trop dormi.

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