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Gliese 667 Cc.

Aussi insignifiant que soit ce lieu, ce grain de poussière dispersé aux confins de la constellation du Scorpion, il n’en reste pas moins le sinistre décor de la plus amère de nos commémorations. Aujourd’hui encore, Roy, son souvenir m’empoisonne l’esprit, y sécrétant, une à une, les gouttes venimeuses de la culpabilité. Rien de tout ce que nous avons pu faire, en plus de cinq cents années-lumière, n’est aussi clair que ce jour. Cette aube rouge ne cesse de se lever alors que je m’effondre, que je m’enfonce, que je m’enterre dans les ombres cauchemardesques que nous y avons tissées. Que n’ont-ils pu voir ces yeux que nous avons refermés ? Il me coûte d’en faire le compte et pourtant nous l’avons bien fait. En bon soldat, nous avons exécuté autant les ordres que les hommes : brisant des rêves, scellant des regrets, éternisant des enfances. Et voilà que tu hésites, que tu retiens ton bras. Aurais-tu oublié, Roy, qu’ils n’ont rien de ceux qui nous hantent ? La seule enfant ici, c’est celle que tu portes, et elle t’implore d’agir. Frappe, ne renonce pas alors que l’horizon s’éclaircit enfin des rayons de la liberté. J’en connais le prix, vas-y. Pourquoi recules-tu ? Roy ? Roy ! Roy… ne m’abandonne pas.

Ainsi soit-il : puisque c’est ta volonté, elle est tout autant la mienne.

Tu cours, Roy, envers et contre tous. Contre eux, contre moi, contre tout ce que nous avions décidé et pourtant tu ne fuis pas : sans renoncer à nous libérer, c’est une autre voie que tu suis à présent. Mais où nous mène-t-elle ? Difficile à dire et à dire vrai peu importe : tant que j’y suis avec toi.

Accablée par les traits ardents de nos poursuivants, ta chair siliconée se liquéfie, se déverse en d’innombrables larmes perlées, qui m’en soutirent quelques-unes lorsque je les reçois. Elles sont pour moi l’ultime offrande, la preuve irréfutable, s’il en fallait encore une, de ton total dévouement. De ton amitié. Pour toi, je voudrais les recueillir toutes, qu’aucune ne vienne se perdre en ces lieux indignes. Mais je n’y peux rien. Réduite à l’inaction, je me console à peine de savoir qu’elles seront, finalement, le peu de vrai qu’il restera de notre passage ici.

Dans la fournaise qu’est devenu ton monde, tu cherches encore mon regard, défiant toute la logique qui te constitue pourtant. Et lorsque enfin tu le trouves, tes lèvres se fendent, me prodiguant un sourire sincère, de ceux qui hurlent dans la tempête que tout ira bien. Un soulagement que je ne peux même pas te rendre. Mais je suis là. Là contre toi, jusqu’à l’extinction de nos voix. Roy, tu as fait le bon choix.

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