0.9

2 minutes de lecture

Ils te brisent, tu t’effondres, mais tu ne me cèdes pas. Écrasé par la pluie battante des coups que nous t’assénons, réduit à ployer le genou, tu tranches dans le champ de tous les possibles, calculant pour nous une résolution soutenable : mais, était-ce vraisemblable, dis-moi ? N’aurions-nous pas, tout simplement, pêché par espoir ? Sentiment infantile qui, non content de faire croître en nous l’illusion ombrageuse d’une fin heureuse, a éclipsé, sans mal, une réalité éclatante : nous allons mourir, Roy, parce que tout ce qui vit, meurt. J’avais accepté cette idée lors de notre départ. Toi, en revenant vers moi, en faisant tes propres choix, tu y as consenti de même. Mais cela ne se passera pas ainsi, pas ici, pas parmi ceux qui nient sans ciller notre droit d’être au monde et d’en disparaître : nous n’avons pas choisi nos débuts, ni toi, ni moi, mais nous pouvons, peut-être, choisir notre fin.

Relève la tête, Roy. Vois les murailles épaisses qui nous retiennent : ces pans hypocrites qui nous laissent contempler l’inaccessible ailleurs, sans nous offrir la moindre chance de l’atteindre. Vois ternir cette verrière à mesure que nous nous en approchons, il n’en restera rien : d’ici peu, il n’y aura plus personne pour la voir ; elle disparaîtra comme tout le reste.

Je l’ai sifflé, comme il nous l’avait dit, et il m’a répondu, comme promis. Il est déjà sur nous, fondant contre cette bulle de savon qui ne demande qu’à éclater. Prépare-toi, Roy ; quand détonneront les échos stridents de l’assaut, quand ces trompettes ébranleront les fondations de cette forteresse de verre et d’acier, il te faudra te relever et aller de l’avant. Quoi qu’il advienne, ne renonce pas.

Il arrive, et nous… je pars.

  Lorsque le Llewyn percuta le dôme principal, faisant voler en éclats cette ultime frontière, Roy sonda la phanie de ce nouvel horizon, avec le sentiment que le coup l’avait atteint de même. Derrière lui, la meute avait cessé sa chasse, ayant égaré dans sa furie la raison de son acharnement. Lui-même avait renoncé à toute défense, abandonnant son arme sur le dallage noirci de ce qui n’était plus un sanctuaire. Enfin, il pouvait la soutenir de ses deux bras. Qu’elle était légère à cet instant, soulagée de tous les faix de son existence : et pour l’avoir accueillie tout près de lui, il la sentait à peine. Jamais elle n’avait été si proche et si distante à la fois.

— Roy, mais qu’est-ce que tu fous ? Ramène-toi !

Sur la passerelle d’embarquement, le capitaine Davis, contrevenant à sa doxa de non-intervention, brisa les amarres d’abattement qui retenaient Roy. Celui-ci se releva, à grande peine, et dériva d’une démarche amputée, désarticulée : seul chargé à présent de leur faire atteindre le rivage.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Dahu Hypnotique ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0