881ème kilomètre, fin d’après-midi, 12’35’’ 58

2 minutes de lecture

Joanis le ptolémaïque

ne sera pas le seul,

finalement,

à arpenter

les arides

et ternes

déclines

des

Enfers.

   À mesure que les pentes se font plus abruptes, les ravins plus profonds, les coureurs, eux, se font de plus en plus rares. Défaillances techniques, blessures critiques, raideurs cadavériques : les causes sont multiples, l’effet univoque. De la vingtaine que nous étions, à nous élancer sur la piste, nous ne sommes plus qu’une dizaine et Atalante, incoercible déferlante, toujours en tête.

Son souvenir ne me quitte plus.

Il me pousse même, sans relâche, au-delà de mes limites, sans que rien de raisonnable ne puisse altérer son encodage. Mes oppositions s’expriment en vain, emportées par les baïnes, noyées aux larges par le chant de mon obsession : je me laisse dériver.

   Mes jambes me suivent encore, malgré une saturation thermique bouillonnante ; mon indicateur s’affole, passant d’un rouge vif au cramoisi.

97 %

98 %

99 %

97 %

98 %

99 %

97 %

Ces fractionnés chronophages ne font que retarder l’inévitable défaillance qui me guette. Tous les signes de ma chute s’annoncent et il serait naïf de les ignorer, espérant ainsi qu’ils en viennent à disparaître. Mes filtres s’encrassent sans cesse de ce grain rougeâtre qui sature entièrement l’atmosphère. Il s’infiltre dans ma bouche, dans mon nez, dans mon esprit, me donnant un avant-goût de l’éternité. Mes bras, quant à eux, se crispent de douleur et malgré moi, font pianoter à mes doigts de terribles requiem. J’entends même la fille de Phobos chanter, croasser de sa voix lugubre un éloge qui m’est destiné. Pourtant, elle comme les autres, je la repousse.


À elle, je n’ai plus rien à céder !

À elle, je lui ai déjà trop donné !

À elle, qui m’a toujours abusé !


   À ce stade, beaucoup auraient ployé. Nestor d’Arcadie, lui-même peut-être, l’aurait fait, s’abandonnant à son instinct de préservation, se réfugiant dans cette ombre épaisse qui en console déjà tant : l’anonymat.


Mais sait-il seulement ce qu’il en coûte ?

J’en doute.

Il n’y a que ceux qui n’ont jamais ressenti ce que cela fait, de n’être rien pour personne, qui puissent penser qu’il s’agit là d’un abri quelconque, d’un espace sûr et serein. Pour y avoir survécu jusqu’alors, je lui préfère le risque de la gloire.

   Atalante, Elle, le prend sans l’ombre d’une hésitation, filant comme une comète vers le millième kilomètre, laissant derrière elle la moitié de la distance à parcourir et ceux que le sort condamne à souffrir ou mourir.

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