Partie 9 : Rupture
Alors qu’elle attendait que son père rentre pour en savoir plus, Marie commença à s’impatienter :
— Mais qu’est-ce qu’il fait !? Ça fait déjà plus de trois heures que j’attends !
Elle alla dans sa chambre pour essayer de se reposer un peu, pensant qu’il était parti au bar. Puis elle l’entendit franchir la porte.
Comme à son habitude, il empestait l’alcool à des kilomètres. C’était devenu critique depuis leur dispute. Il s’avachit sur le canapé, le regard fixé sur le « cadeau » de l’ange.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Marie. Qui te l’a donné ?
Gontran, complètement sous, regarda sa fille avant de serrer son cadeau contre lui, comme un enfant qui refuse de partager son jouet.
— C’est rien, rien du tout. Et qu’est-ce que tu fous ? Il est quelle heure là ? Tu devrais aller dormir.
— C’était qui, ce type-là ? Ce Lucifer, qu’est-ce qu’il te voulait ?
Gontran commença à s’agacer :
— Oh, mais fous-moi la paix ! OK ? C’est juste un ange qui croit en moi et en ma vision, comparé à certains ici !
— Ah ouais ? C’est bien. Mais ça ne m’explique pas pourquoi il t’a donné une ARME !
Gontran serra encore plus son pistolet noir immaculé, gravé de l’emblème de Lucifer ainsi que du numéro de son étage et de sa porte « 66/6 », ecrits en rouge.
— C’est pour me donner une chance ! s’écria soudainement Gontran en se levant. Cette arme est la preuve qu’il me recommande pour être surclassé et devenir un ange quand le tournoi commencera !
Il marcha jusqu’au frigo et poursuivit :
— Tu vois ? C’est ce qu’il se passe quand tu te trouves du « bon » côté, du côté de ta Tour ! Eh ben ta Tour te récompense et t’aide à t’en sortir. Et toi, tu préfères être de ceux qui la détruisent… conclut-il en ouvrant une canette de bière.
Marie prit une tête exaspérée. Une seule question lui tournait dans le crâne :
— Mais comment peux-tu croire que ces « anges » en ont quelque chose à foutre de toi ? Enfin… regarde-toi. T’es un immigré, un type du 10ᵉ étage. Ils ne nous considèrent même pas comme des êtres humains.
Elle s’avança doucement vers son père, la voix tremblante, le regard triste, un sourire nerveux aux lèvres :
— Et en plus de ça, maintenant tu bois comme un trou tous les jours. Tu crois que cet « ange » n’a pas senti ton odeur ? Tu pues à des kilomètres. Il était sûrement à deux doigts de prendre le flingue et de se tirer une balle tellement l’odeur lui matraquait le crâne.
Gontran écoutait, passif, les nerfs qui montaient, tandis que Marie continuait :
— Et toi, avec ta logique implacable de « bon immigré », tu t’es dit que ce type veut faire de toi un ange ? Mais bon Dieu, ouvre les… !
— Ça suffit ! explosa Gontran. Tu crois toujours être la plus intelligente, hein ? Alors si t’es si intelligente, t’as qu’à te trouver un meilleur endroit pour dormir ! Et vu que tu es si intelligente, pourquoi tu ne ferais pas en sorte d’être surclassée, hein !?
Il marcha jusqu’à l’entrée de la salle de vie. En se retournant, Marie vit ses larmes avant qu’il ne déclare :
— Depuis que ta mère est morte, pas un seul jour je n’ai cessé de penser à elle ! Et là, aujourd’hui, je me demande pourquoi elle a dû mourir pour donner naissance à une fille pareille !
Marie fut fauchée par une vague de tristesse. Sans répondre, elle enfila ses chaussures, attrapa un manteau et sortit sous les yeux de son père.

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