Baston à l’auberge du Corps au pied.

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Chapitre 2  - Baston à l’auberge du Corps au pied.


Nous retrouvons nos deux compères à l’auberge du Corps au Pied, établissement de bonne tenue, habitué à recevoir les voyageurs en transit océanique.

La salle est bondée, une grande partie des convives présents ce soir là s’embarquent le lendemain sur le paquebot mixte en direction de l’Amérique du Sud.

Une épaisse fumée plane au dessus des tables et le bruit des conversations est assourdissant. Toutes les langues du monde se mêlent dans le cliquetis des fourchettes.  

Les beuglements du garçon de salle dominent le brouhaha : « et deux fricassées de poule aux escabèches, deux  ! »

- Professeur, regardez cette bonne femme à la table à côté, elle ne cesse de vous dévisagez, vous la connaissez ?

En effet, à la table voisine une dame à la poitrine opulente sur laquelle dégouline un triple collier de perle de la plus belle eau, semble picorer avec dégout dans son assiette de poulpe à la béarnaise. Elle ne cesse de jeter des regards en coin en direction des deux hommes attablés devant leur assiette de soupe de tortue au Madère.

– Mais non andouille ce n’est pas moi qu’elle zieute, c’est toi ?

– Moi ?

– Et cette bonne femme comme tu dis c’est lady Rochester, la deuxième fortune d’Angleterre après la reine…

– Ah merde alors…

– Comme tu dis…

Soudain des éclats de voix parviennent du fond de la salle.

– Abruti, jean-foutre, mais qui est-ce qui m’a foutu un empafé pareil…

Le garçon de salle vient de se prendre les pieds dans la peau de tigre devant la cheminée et de répandre le plateau de salmigondis tiède à la milanaise qu’il portait, sur le costume d’un petit homme. Celui-ci, dressé comme un ressort braille comme un sauvage, rouge comme un gratte-cul, les yeux exorbités en serrant les poings.

Le loufiat essuie tant bien que mal la sauce gluante qui se répand en flot bouilloteux sur le falzar du quidam, tout lui ébouillantant à l’eau tiède les roubignoles, ce qui, avouons le, n’est pas des plus douloureux.

Le patron, alerté par les cris, accourt du fin fond de sa cuisine en se tordant les mains de désespoir tout en et se répandant en excuses. 

De rage, il ne peut s’empêcher de décocher un phénoménal coup de pompe dans le cul du misérable garçon. Avec pour effet immédiat de propulser le restant du plat, et le plat lui même, dans la tronche d’un autre convive, un grand échalas aux oreilles décollées en pantalon de golf et veste de tweed.

Ah my God ! hurle hystérique celle qui semble être l’épouse du malheureux assommé par le volumineux plat en granit (indispensable pour la cuisson à point d’un salmigondis tiède à la milanaise). Le pauvre hère vient de s’effondrer en arrière, les quatre fers en l’air, entrainant dans sa chute la nappe, les couverts, trois carafes, deux salières, un candélabre, dix verres en cristal et une tête de cheval empaillée posée là par hasard.

Le petit homme se nomme Elzéar Pectoraux, négociant en bretelles à Bordeaux. Il s’apprête à embarquer pour Montevideo où se trouvent les plus grands stocks de caoutchouc de la planète résultant d’un échange conclu par le gouvernement du pays avec la belle sœur du roi de Siam grande amatrice de café. C’est bien connu pour faire de bonnes bretelles il est essentiel de disposer d’un excellent caoutchouc.

L’autre victime, c’est Angus Mac Gregor, pasteur anglican en route avec Pamela son épouse pour rejoindre une mission sur le fleuve Orénoque. Son prédécesseur a vu son sacerdoce écourté bêtement. Ayant tripoté par erreur les nichons de la femmes d’un chef Guarinito dans un confessionnal étroit, ce dernier, un particulier particulièrement teigneux lui a coupé la tête et l’a réduite à la taille d’une balle de golf, suivant des procédés ancestraux pittoresques. 

Le pauvre Angus tout estourbi par le récipient culinaire  se met à ramper en émettant de petits couinements plaintifs. La vue troublée, tentant de se redresser,  il s’agrippe désespérément à un parapluie pendu à un porte-manteau sur pied, entrainant ce dernier dans sa chute, directement sur le crâne d’un colonel de bersagliere italien. 

L’attaché militaire à l’Ambassade d’Italie de Buenos Aires  s’écroule en avant, son visage  s’écrase dans son plat de spaghettis à la sauce tomate avec un bruit mou et répugnant. 

La plume de faisan de son ridicule chapeau accompagnant le mouvement de rotation de son occiput vient directement se ficher dans l’oeil de sa compagne de table, la célèbre contorsionniste Juanita du cirque de Patagonie. Celle-ci pousse à son tour un hurlement strident en écartant violemment les bras, en plein dans la gueule de ses deux voisins. 

A sa droite un commerçant grec au regard louche du vendeur de voitures d’occasion, Gérard Papadopulos (sa mère est française, originaire de La Motte Beuvron) et un Levantin famélique Grigor Ballamou représentant de commerce d’une entreprise familiale libanaise de cierges et articles religieux pour clergé orthodoxe.

La tête sortie du plat de nouille avec un curieux bruit de succion, complètement aveuglé par le coulis de tomate qui lui dégouline sur les yeux, le Bersagliere qui a sorti son revolver tire des coups de pistolet en l’air en jurant Porca Madona. 

Des morceaux de plâtre chutent du plafond et se répandent dans les assiettes, provoquant un tollé général et suscitant une indignation bien compréhensible de la part des convives qui constatent les dégâts dans leurs bols de soupe. 

Indignation faible au regard de celle des dineurs installés autour de la grande table du milieu de la salle qui voient avec effroi le grand lustre s’effondrer dans une gerbe phénoménale d’étincelles au milieu de la table.

La robe en taffetas synthétique d’une cocotte au regard vulgaire prend immédiatement feu. La pauvre fille se retrouve à poil en un instant. Elle tente de couvrir sa nudité et tire la première chose qui lui vient à portée de la main, à savoir la nappe de la table du buffet des desserts qui giclent dans tous les sens et s’écrasent sur les visages étonnés des clients attablés à proximité.

Leur réaction est immédiate, pour répondre à l’agression ils renversent les tables et lancent les assiettes tels des discoboles dans le grand stade d’Athènes au siècle de Périclès.

Les femmes sont les plus furieuses, les coups pleuvent. La cocotte drapée dans sa nappe blanche à peine tachée par un coulis de pruneaux, se dresse sur la barricade érigée par les harpies en furie et hurle des commandements en russe sa langue natale.

Pamela la digne épouse de son saint homme d’Angus, excédée par les coups de pétard du bersagliere, lui enfonce son chapeau à la con sur les yeux. Le coulis de tomate fait ventouse et le malheureux tel un canard sans tête, se met à courir  et se fait immédiatement descendre par une salve d’assiettes en provenance de la barricade des harpies.

Le patron hébété par le spectacle de son auberge transformé en une rue de Beyrouth de la grande époque tente de ramener le calme en montant sur une table tandis que le loufiat par qui tout le désordre est arrivé s’éclipse discrètement pour aller fumer une clope dans la petite rue derrière l’auberge en attendant que ce merdier se calme.

Lady Rochester, s’est levée et s’approchant de la table du professeur et de Couic.

- Messiou, pouis-je me inviter à votre tabel please ?

Le professeur se lève et s’incline raide comme un passe lacet,

Mais comment donc Milady, je vous en prie,

Haow yes , n’est il pas, le brouit de ce yioutel est very très disturbing…

Oui Milady ce rade est est un boxon innommable 

Le professeur semble particulièrement ému par la douairière. Mince pense en lui même Couic, mais le cher homme en pince pour la veille peau…

- Milady puis-je vous offrir un coup de ce petit Calva ? Voilà qui devrait vous remettre de vos émotions…

- Aoh, je ne souis pas vrouaiement disturbing mais yes why not !

Le professeur, Couic et la rombière trinquent. Tutu ne semble pas s’apercevoir qu’en fait Lady Rochester n’a d’yeux que pour Couic, ce dernier ne semblant du reste pas s’en rendre compte non plus.

Le calme peu à peu revient dans l’auberge. La boniche a prêté une de ses blouses à Natacha, la cocotte russe, qui bonne fille s’est associée à Pamela Mac Gregor pour panser les plaies et soigner les bosses des nombreux blessés qui gémissent en choeur.

Juanita a réussi a extraire le chapeau du colonel qui du coup se calme et rengaine son pétard.  

Grigor Bellamou a sorti d’une petite valise en cuir, un ostensoir et s’efforce de purifier l’atmosphère avec de l’encens en marmottant une prière en copte, langue qu’il a apprise dans sa jeunesse en colonie de vacances au Caire. 

Le colonel et Juanita finalement font ami ami, celle ci a extrait le chapeau des yeux du militaire et celui ci a récupéré avec un soupir de satisfaction sa plume encore fichée dans l’oeil de la contorsionniste.

Seul le propriétaire sanglote en silence. Au fond de lui, il se sent bien soulagé quand sur les coups de 23h 30  l’ensemble de sa paisible clientèle quitte son établissement en cortège pour rejoindre le port et embarquer pour l’Amérique du sud.











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