Procédure

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Dans la grande case du village, le silence s’était imposé. Depuis un moment, toutes les lèvres muettes, aucune voix n'était venue perturber le calme ambiant de la pièce. Il faisait si plat, que l’on entendait le feu craquer le bois des torches. Ses lueurs orangées faisaient luire les pommettes de l’homme assis au centre et, creusant brèches et entailles de son visage asséché, accentuait le regard dur qu’il portait sur son invitée.
À l’extérieur, une chanson gaie s'élevait progressivement. La nuit bientôt tombée, les petites filles s'étaient mises à danser et louer la prêtresse. Leurs douces voix filtraient au travers du bois d'Iroko qui composait les murs de la case.
— Demain, donc, reprit l'homme au centre, tu me donneras confirmation de la doyenne.
La femme debout en face, de bien des années son aîné, baissa timidement le regard.
— Vraiment ?
— Évidemment. Pourquoi cela semble te surprendre ?
Il grinça des dents en s'appuyant sur sa chaise.
— Par ici j'ai un chasseur souffrant, par là j'entends qu'il y a un champ saccagé. Bien des problèmes émergent ces derniers temps et j'aimerais traiter celui-ci au plus tôt.
— Je vous comprends... chef, mais je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi elle serait à l'origine de ce dont vous l'accusez. J'ai été sa première tutrice. C'est moi qui lui ai appris à prier. Je... je la connais comme si mon sein l'avait nourri.
— Que veux-tu que cela me prouve ? s’écria-t-il. Ses trois héritières sont alitées. Toutes les trois ! Et de ce qu'on m'a rapporté, bien des prêtresses ont été à leur chevet. Si aucune d'entre vous n'a pu les soigner, c'est donc bien qu'il s'agit d'une prière impure.
Il marqua une pause, considérant l'air son interlocutrice.
—Pourquoi prends-tu cette mine ? Ce sont vos propres règles, nos propres traditions !
De la pénombre derrière lui, une main légère vint se poser sur son épaule. Elle frotta avec douceur son cou.
— Mon frère aimé, ce ton ne te sied point. Tu sais que la colère ne permet pas le repos. Et si je suis présente, tu le sais, c'est pour veiller à ce que tu en aies.
À l’entrée de la pièce, leur invitée s'était prosternée.
— Je vous prie, chef, de repousser votre jugement. Une telle décision ne peut pas être appelée en si peu de temps.
Elle releva la tête pour croiser son regard, espérant que sa douleur se communique à lui.
— Aussi fondée soit votre suspicion, elle est ma propre héritière et je me porte garant de son innocence. Tout ceci provient nécessairement d'une erreur, d'un trouble... Par dix fois la lune ne sera pas redescendue que les trois filles seront de nouveau en pleine santé.
— Soit, répondit le jeune homme, dont les yeux cernés peinaient à rester ouvert.
Mais comme la main qui le choyait s'était arrêtée tout à coup, il se tourna vers sa sœur ainée, puis :
— Par cinq fois, corrigea-t-il. Je veux que cette affaire soit résolue au plus tôt. Et quoi que tu fasses, rien de cet échange ne peut être ignoré de votre doyenne. Tu l'informeras donc et, demain, au soir, tu me rapporteras ses opinions dans leurs entièretés.
L'invitée hocha la tête. Elle se leva, fit volte-face et, affligée du poids de sa mission, sortit de la cabane le pas alourdi.
Séfu sentit la peau de sa sœur ainée lui caresser la joue. Il pensa un moment en silence.
— Comment se nomme encore cette prêtresse ? Son nom me revient, et je le perds en quelques instants.
Pour toute réponse, et comme si les murs écoutaient leur conversation :
— Athéba, elle chuchota dans un souffle.

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