Prologue
Paris, 1er septembre 1923.
Le soleil de la fin d'été caressait les toits parisiens, mais dans un petit appartement du Marais, l'atmosphère était lourde. Une petite fille aux boucles rousse, Julia, jouait silencieusement avec une poupée en tissu, ses yeux fixés sur sa mère, Lucille. Celle-ci, d'ordinaire si enjouée, affichait depuis quelques jours un étrange voile de mélancolie. Son sourire, autrefois si éclatant, semblait éteint.
"Maman, tu es triste ?" avait demandé Julia, sa voix enfantine empreinte d'une inquiétude nouvelle.
Lucille avait souri, un sourire forcé qui n'atteignait pas ses yeux. "Non, ma chérie. Juste un peu fatiguée."
Mais Julia sentait que quelque chose n'allait pas. Sa mère était différente. Elle passait de longues heures à fixer le vide, un air absent et préoccupé. Elle avait commencé à faire des allers-retours au village de Saint-Sylvain, leur ancien foyer, sans vraiment expliquer pourquoi. À chaque retour, elle semblait plus exténuée, plus tendue.
Ce jour-là, Lucille était partie tôt le matin, disant à Julia qu'elle reviendrait avant la nuit. "Occupe-toi bien de toi, mon cœur, et écoute ton grand-père."
Julia avait acquiescé, sans se douter que c'était la dernière fois qu'elle entendait la voix de sa mère. Les heures s'étaient étirées. Le soleil avait commencé sa descente, peignant le ciel de teintes orangées, puis violacées. Les étoiles avaient pointé. Mais Lucille n'était pas revenue.
Le grand-père de Julia avait d'abord tenté de la rassurer. "Elle a peut-être eu un contretemps, ma petite puce. Elle est grande, elle saura se débrouiller."
Mais les jours se sont transformés en semaines, les semaines en mois. L'inquiétude avait cédé la place à l'angoisse, puis à une douleur sourde et permanente. La police avait ouvert une enquête, sans succès. Les voisins et les amis avaient été interrogés, sans qu'aucun indice ne permette de comprendre ce qui était arrivé à Lucille Victoire. Elle s'était volatilisée, comme si la terre l'avait avalée.
À l'âge de douze ans, Julia avait été contrainte de quitter Saint-Sylvain et ses souvenirs hantés pour s'installer définitivement à Paris avec son grand-père. Mais l'absence de sa mère était un fardeau qu'elle portait chaque jour. Une question brûlante l'habitait : que s'était-il passé ce fameux 1er septembre 1923 ? C'était une énigme restée sans réponse, une blessure jamais cicatrisée. Et maintenant, douze ans plus tard, l'heure était venue de retourner à Saint-Sylvain, le village de son enfance et de ses fantômes, pour enfin lever le voile sur ce mystère qui avait brisé sa vie.

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