05h18
Assise sur un vieux tabouret près de la table d’examen au centre de la pièce…
Elle examine avec attention la main rougie et boutonneuse de Murad qu’elle tient dans la sienne. Des effluves variés de plantes sèches viennent d’un petit meuble en pin présent sous la fenêtre.
C’est flou, mais il me semble que Mirina adorait les plantes et les fleurs.
Elle saisit une compresse dans le tiroir d’une armoire et l’enduit d’un mélange verdâtre.
— Ça n’a pas l’air très grave, même si c’est certainement très douloureux.
La voix de Yumi est calme, mais rauque.
— Ça me rassure, mais ses plaques de boutons rouges me grattent tellement.
Celle de Murad est plus sèche.
— Ça va apaiser un peu les démangeaisons !
Elle l’applique et fixe le regard bleuté de Murad, qui grimace légèrement.
Ses yeux me rappellent son père.
— Tu n’as rien pour faire partir ça rapidement ?
— Il me faudrait des médicinas, mais je n’ai plus de stock.
— Je n’ai pas de chance, les furimis me piquent et tu n’as plus de stock !
Le ton de Murad est légèrement moqueur.
— Arrête de te plaindre ! Mizuki doit aller m’en chercher ce matin.
Celui de Yumi est taquin.
— Combien de temps te faudra-t-il pour faire le remède ?
— Quelques heures, mais je viendrai te voir dès que ce sera prêt.
— C’est une douleur horrible, pourtant je ne suis pas du genre douillet !
— Le poison des furimis est très virulent et reste actif longtemps.
Elle ajuste ses petites lunettes rondes avant de griffonner une note avec un vieux crayon.
Murad maintient fermement la compresse.
— Merci de ton aide.
— Pense à mettre des gants pour garder la compresse en place.
— J’essaierai de faire plus attention en entretenant les chemins du village.
Elle marque une pause et se tourne vers Murad.
— Ce produit gominant que tu utilises pour tes cheveux, est-ce qu’il va bien ?
— Il est pas mal, tu veux que je t’en procure ?
— Non, merci. Je préfère attacher mes cheveux en chignon.
— Au fait, pourquoi ne pas faire pousser des médicinas dans ton jardin ?
— La médicina est une plante capricieuse.
— Je vois que ce n’est pas simple. Tu as quel âge déjà ?
L’intonation de Murad est taquine.
Yumi affiche un sourire en coin.
— Veux-tu que je te raconte l’époque où je changeais tes linges ?
— Une autre fois…
La voix de Murad est plus hésitante pendant un court instant.
— Pourquoi ne t’es-tu jamais mariée ?
— Eh bien, certains événements font que l’on est amené à faire des choix.
— Tu aurais été une super maman.
Ses lèvres s’étirent un court instant, puis son regard affiche un air compatissant.
— Savais-tu que mes parents sont morts d’une maladie quand j’étais petite ?
— Marc m’a raconté que tu les avais perdus à cinq ans.
Pendant une fraction de seconde, il m’est possible de percevoir une petite fille en larmes…
Elle se tient figée devant deux corps que l’on recouvre de terre.
— Plus jamais… Plus jamais… Plus jamais…
Alors que ses mots se répètent me revoici dans l’instant présent.
Yumi fixe le regard de Murad avec détermination.
— La maladie touchera toujours les gens… J’ai donc appris à la combattre.
— Tu t’es concentrée sur ton apprentissage plutôt que sur tes relations ?
— En effet.
— Tu es une personne altruiste, Yumi. J’ai beaucoup de respect pour toi !
— Paul et toi avez aussi perdu vos parents très jeunes.
Murad est le demi-frère de Paul, mais ça restera mon secret.
— L’effondrement de la mine d’Astérnia a fait beaucoup de victimes.
— Pourtant, vous êtes devenus des hommes bien.
Un souvenir me revient dans ce même lieu, elle est assise près d’un lit.
Wendy tient fermement sa main en poussant des cris de douleurs.
— Promets-moi que personne ne saura, si Ruben l’apprend il me rejettera.
La voix de Wendy est agitée.
— Ne t’en fais pas autant et concentre-toi sur ton accouchement.
Celle de Yumi est beaucoup plus ferme ici.
— Promets-moi le, personne ne doit jamais savoir.
— Les promesses n’engagent que ceux qui les tiennent, mais tu as ma parole.
— Merci.
Yumi relâche la main de Wendy, puis se positionne entre ses jambes.
Après de longues minutes de souffrance Murad est entre de bonnes mains.
C’est ici que ce souvenir se termine, mais la précédente pensée de Yumi prend tout son sens.
Après tout, les relations humaines sont bien au-delà de toute compréhension scientifique.
— Il faut que j’y aille, sinon la route du moulin ne sera jamais restaurée.
— Votre travail est important pour tout le monde, mais restez prudents.
— C’est promis. Je ne veux pas te surcharger de travail !
Alors que Murad se lève, me voilà à regarder encore une fois un souvenir de Yumi.
Elle mélange des herbes…
Prends des notes…
Essaie les mélanges…
Ses sensations s’effacent et mes perceptions se connectent aux sens de Michel.

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