05h28
Un goût sucré, puis une saveur amère crée un pur contraste gustatif.
Un souvenir me revient de ce liquide chaud que l’on boit souvent le matin.
Il me dégoûtait, pourtant depuis la sensation gustative de Michel, étrangement le café est agréable.
Il regarde son père saisir la hanse de sa tasse en terre cuite ébréchée sur le haut.
Kenji lui affiche un large sourire.
— Qu’est-ce que tu as prévu de faire aujourd’hui ?
La voix de Kenji est énergique, mais calme.
Il boit tranquillement une gorgée pendant le court silence.
Michel pose sa tasse en douceur et joue légèrement avec.
— Kuroki a reçu une commande de la famille royale et je vais récupérer du minerai pour lui.
— Comment vas-tu t’y prendre ?
Alors que les lèvres de Michel commencent à s’ouvrir, Kenji tapote sur la table en rythme.
— Le minerai d’argent est cher en ce moment.
Les épaules de Michel se baissent légèrement, tandis que ses sourcils se relèvent.
— Comment as-tu deviné ?
— En discutant avec Kuroki.
Ses lèvres s’étirent, puis il reprend une gorgée.
Michel fixe le regard de son père.
— Je vais aller à la grotte de Forgiennel.
— C’est une bonne idée ! Après tout, Hanakaze était un village minier autrefois.
— C’est pour ça que je pense qu’il devrait rester des ressources.
Ma connexion sensorielle passe sur Kenji…
Cela me laisse depuis sa vue regarder les traits fins, mais carrés de Michel.
Ses cheveux noirs et ses lèvres fines sont si semblables à ceux d’Émilie.
Son grand nez et les traits anguleux de son visage me rappellent son père.
Sa musculature bien développée reste cependant plus faible que celle de Kenji.
Un souvenir me revient, Kenji tenant son fils encore bébé dans ses bras.
Ses vêtements sont tachés de sang et sa fatigue musculaire est évidente.
Yumi le regarde avec attention.
— Je suis désolé, je…
— Ce n’est pas ta faute…
Une larme coule silencieusement sur sa joue.
Henri pose une main ferme sur l’épaule de Kenji.
— Émilie était une femme exceptionnelle.
— En effet, mais je dois veiller sur notre enfant et ce village pour elle désormais.
— Tu comptes reprendre son rôle de chef ?
— Exact.
05h31
Me revoilà dans le présent.
Les lèvres de Kenji effleurent la céramique et le goût du café sucré emplit mes sens.
— Il va falloir descendre en profondeur !
— Je m’en doute, mais je me suis préparé.
Ses traits faciaux tendus, il fixe le regard de son fils.
Je ne pourrai pas le protéger éternellement et j’ai confiance en lui.
— Tu risques de croiser des créatures dangereuses comme les géomorphes.
— Peux-tu me les décrire ?
— Ce sont des êtres compacts et massifs, qui ont des griffes très puissantes.
Il marque une pause.
— Ils sont lents, résistants et peuvent attaquer à distance comme au contact.
Kenji reprend une gorgée.
— Ils sont également capables de se fondre dans la roche tels des caméléons.
Michel se racle légèrement la gorge pendant qu’il serre sa tasse, tout en soupirant doucement.
— As-tu des conseils à me donner ?
— Normalement, il faut un groupe avec un mage et un tank pour les affronter sans risque majeur.
L’expression de Kenji est ferme.
— Le mieux que tu puisses faire est d’esquiver et de viser les articulations qui sont sans défense.
Michel fixe le regard de son père.
— Est-ce que j’ai mes chances ?
— Cela dépendra de sa puissance, mais impossible de la connaître sans l’affronter.
— Tu en as déjà battu un tout seul quand tu étais aventurier ?
— Oui, plusieurs même. Il suffit de briser le minuscule cristal qu’il a sur le front.
— Et s’il arrive à me toucher ?
— Ça dépendra de l’angle et de la portée, mais une seule attaque peut être fatale.
— Je vois…
— Tu pourrais demander des conseils à Mizuki pour mieux esquiver.
— On va se rejoindre plus tard, je lui demanderai une démonstration.
— N’oublie pas que tu peux reculer si le danger devient trop grand.
— La fuite n’est pas toujours un acte de lâcheté, je sais, tu le répètes souvent.
Un souvenir datant d’il y a treize ans me montre Kenji interdisant l’accès à la grotte de Forgiennel.
Il se tient devant quelques mineurs qui râlent.
Manie s’approche fermement de lui.
— Comment on va vivre si on ne peut plus extraire de minerai ? On en tire déjà pas beaucoup !
— Il y a d’autres solutions, d’ailleurs on a besoin d’une épicerie.
— Tu veux que je la gère et les autres ?
— J’ai déjà du travail pour chacun.
Ses sensations s’effacent et mes perceptions se connectent aux sens de Linda.

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