05h40
Le regard de Kenji se pose sur la moitié restante de brioche, observe les miettes autour. Il revient ensuite sur Michel.
Cette cuisine me semble si familière…
Cela vient sûrement du retour d'expérience entre l'hôte et l'observateur.
Je ressens qu'il y a autre chose… C'est plus profond… Comme ancrée.
— Alors, comment vas-tu t’organiser ?
— Il faut d'abord que je récupère mon épée à la forge.
Michel pousse un léger soupir.
— Ensuite, j’ai un entraînement en trois contre un.
— Contre qui ?
— Richard, Mike et Katsuya.
Kenji hoche la tête.
— Ce sera ton premier, c’est bien plus complexe qu’un duel.
— Je sais…
— Tu vas devoir gérer plusieurs opposants capables de se coordonner.
— Tu as un conseil ?
— N’en fixe aucun et garde un champ de vision global.
— Merci. Au fait, tu vas à Ardentia aujourd’hui ?
— Oui, je dois régler plusieurs tâches administratives.
Un court silence s’installe.
— Quand est-ce qu’on commencera ma formation, Papa ?
— Dans la semaine. Commence par tenir un registre des flux monétaires du village.
Michel esquisse un bref sourire.
— D'accord.
Kenji l’observe un instant.
— On dirait que quelque chose t’intrigue, Michel ?
— Je me demandais juste pourquoi tu avais décidé de sucrer ton café ?
Kenji laisse échapper un léger sourire.
— Parce qu’un jour, ta mère m’a dit d’un doux murmure.
Il laisse sa phrase en suspens, son regard se perd un instant vers la fenêtre.
— Le café est comme l’amour, il faut le sucrer pour le rendre mémorable et révéler sa vraie saveur.
Un silence flotte entre eux.
— Elle a réussi à te faire changer d’avis ?
— Elle avait sa propre façon de persuader les gens d’agir comme elle le désirait.
Michel baisse un instant les yeux.
— J’aurais aimé la connaître. Maman devait être une femme formidable.
— En effet, mais on doit rester fort pour honorer sa mémoire.
Kenji pose une main sur l’avant-bras de son fils, croise son regard.
— Ta mère avait un caractère inébranlable, et elle serait fière de toi.
— Merci de m’avoir dit ça, Papa. Sur ce, je vais y aller.
Michel se lève, repousse doucement sa chaise.
— Passe une bonne journée et tâche de rester prudent.
Kenji se lève doucement, puis attrape les tasses vides en souriant.
Michel quitte la cuisine d’un pas serein et déterminé.
Mes perceptions passent par ses sensations de nouveau. Je réfléchis un instant à ma situation.
Je suis l’observateur d’un Chishiki, dont j'ignore le nom. Certains souvenirs ne sont pas vraiment les miens. Ma programmation mémorielle et mes instructions sont inexistantes. Mes perceptions sont partiellement influencées par l'hôte que j'occupe.
C'est illogique vu mon rôle neutre !
Mes déplacements devraient être contrôlables, sauf si…
Non, c’est impossible ! Pourtant, ai-je moi-même été un Chishiki.
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