06h20
Des mannequins vêtus de tenues diverses sont alignés le long des murs en pierre. Sur le comptoir central sont posés des bobines de fil, des écheveaux de laine, des ciseaux de tailleur et des patrons en papier. Etsuko est assise confortablement au fond du canapé, ses doigts s'affaire à passer l'aiguille dans les coutures d'une robe.
Yuki est tellement mignonne ! Dire qu’elle aura six ans le mois prochain.
Sa fille endormie paisiblement laisse sa tête posée sur les cuisses charnues de sa mère.
J’ai le temps d’ajouter un motif floral et un bouquet de marguerites rendrait bien en bas de la robe.
La mélodie des firins s'éloigne doucement. Etsuko effectue des mouvements lents et méthodiques, tout en restant attentive aux réactions de Yuki.
Mizuki avait l’air heureuse de recevoir mon cadeau, mais je me demande si elle l’apprécie.
— Les cuisses de maman sont le meilleur oreiller du monde !
Ce murmure fait sourire Etsuko. Elle s'arrête de coudre et commence à caresser les cheveux bruns soyeux de sa fille qui sont semblables à ceux de sont père.
Ses cheveux sont un peu longs, je demanderai à Annie de lui faire des couettes.
Elle fixe Yuki d'un regard doux.
Yuki est tellement mignonne ! C’est le plus beau cadeau que Kazuya m’ait fait.
Brusquement, je ressens une grande colère qui monte en elle.
— Pourquoi a-t-il fallu que ces horribles bandits l’assassinent !
— Maman ?
Yuki ouvre doucement les paupières... Surprise Etsuko essuie une larme d'un revers de la main, avant de forcer un sourire sur son visage.
— Tout va bien, ma puce, tu peux dormir encore un peu si tu veux.
Yuki ferme à nouveau ses yeux noisette qui sont identique à ceux de sa mère.
— Trop beau le ruban de maman.
Etsuko passe sa main dans sa tresse noir cacao... Elle effleure le vieux ruban blanc que Kazuya lui avait offert lors de leur première rencontre. Ce cadeau les avait conduit dans l'étable de la ferme des Kulligan. Sans y avoir été, je me souviens de ce moment joyeux.
Des sourires échangés, les mains de Kazuya qui glissent dans sa longue chevelure. Un baiser discret au détour d'une ruelle, le foin sec sur leurs peaux, des caresses douces et tendres. De la douleur, puis de la joie. Un départ, une promesse, les pleurs... J'ai... vécu cela sans vraiment le vivre.
Kazuya… Si seulement tu étais encore, près de moi… On aurait dû se dire oui, construire notre vie, rêver ensemble… Aujourd’hui, je porte seule notre amour, notre espoir… notre petite fille. Sache que je veillerai sur elle avec mon cœur, comme tu l’aurais fait. Je sais que même si tu n’es plus là, mon amour pour toi ne s'éteindra jamais.
Etsuko sourit de nouveau en regardant le visage tout rond et joyeux de Yuki.
Je sais de mémoire que cet atelier de couture est au rez-de-chaussée de la maison des Naeki. Situé dans les ruelles à l'ouest de la place centrale. Je constate aussi que malgré l'absence de technologie moderne, le savoir-faire des habitants de Hanakaze est très avancé.
Trop avancé...
Pourquoi le prénom de Hana me revient ainsi...
Qui était elle ? Il me semble l'avoir connue.
Une amie... Je ne sais plus.
Les sensations d'Etsuko s’effacent...
Le lieu change encore...
Mizuki redevient mon hôte.
J'ai vraiment l'impression qu'avec elle mes perceptions s’élargissent. Shana et Michel m'offre déjà un grand champs de possibilité sensoriels, mais avec Mizuki c'est un cran au-dessus. Ses sens dépassent les limites humaines.
Dans tous les cas, mes interrogations s'accumulent, mais ne semblent pas trouver la moindre réponses. Inutile de tergiverser, il me faut observer si je veux me souvenir. Ce n'est pas seulement mon rôle, enfin, si... Je veux savoir. Il faut vraiment que j'arrête d'avoir ces réflexions, je ne dois pas dévier de mon but.
Annotations
Versions