Chapitre 4

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La voiture, dans laquelle ils se trouvaient, semblait usée, poussiéreuse. Un levier de vitesse en cuire terni, le tissu des sièges déchiré par endroit, et un autoradio capricieux et grésillant qui s’allumait sans qu’on ait appuyé sur le bouton. Une telle voiture devait dater des années 2000 songea William. En bougeant ses pieds, il heurta des objets. Il se pencha en avant et découvrit plusieurs pochettes de disque. L’un était illustré d’un loup garou déguisé en prêtre, l’autre un diable nimbé de flammes, tandis que le dernier représentait des hommes musclés portant de grosses guitares électriques.

« Je n’aurais jamais pensé que Rewel écoutait ce genre de musique » se dit-il. Puis, une brochure sous le dernier disque attira son attention. « L’Homme volant » était écrit en grosses lettres rouges sur la première page. Il l’ouvrit et lu attentivement le contenu de l’article.

Les modifications génétiques avaient pourvu un individu d’ailes de Libellule, lui permettant de voler sans difficulté. L’armée s’était emparé des travaux et les avaient testés sur leurs propres hommes. Dégouté et révolté de voir de telles modifications sur des êtres humains, William referma la brochure. Pour lui, ces gens là n’étaient plus des humains mais simplement des monstres. Il regarda Orvar assit à coté de lui. Celui-ci avait l’air d’une sardine enfermée dans sa boite tellement il était massif par rapport à l’espace dans la voiture, il réprima son dégout. Bien qu’Orvar lui ait sauvé la vie plusieurs fois, William ne le considérait pas comme son égal et ne lui faisait pas confiance. Surtout depuis qu’il savait qu’il avait fait partit du groupe des « Sirènes ». Tout un réseau de vente de produit illégale. Le procédé était simple. Dès la première consommation, le client devenait immédiatement accro à cette drogue puis il subissait une modification génétique de telle sorte qu’il pouvait entendre les ultrasons. Dès lors, pour acheter le produit, il se rendait au lieu que lui indiquaient, par les ultrasons, les dealeurs. Cela permettait de donner des informations sans que les forces de l’ordre puissent intervenir. Bon nombre de pauvre gens se sont fait charmer par le chant des sirènes.

Déjà deux jours que les trois hommes faisaient route ensemble. Mise à part un bout de tissue de la robe de San et des traces de sueurs, ils continuaient les recherches.

L’obscurité enveloppait la voiture. Les phares balayaient les différents obstacles qui se dressaient sur la route. Des voitures ayant les fenêtres brisées, les portes ensanglantées et les roues couvertes de morceaux de chair. Très peu d’habitants croisaient leur chemin, ils devaient être cloitrés chez eux ou avaient déjà quitté la ville. Les seuls encore dehors étaient les pickpockets qui profitaient du désordre pour voler des denrées alimentaires ou onéreuses. Un bus, les vitres brisées était couché en travers ici. Plus loin, un hélicoptère encastré dans une maison qui brulait. Enfin, les nombreux cadavres rassemblés en ronde autour des bouches d’égout rendaient le parcours difficile d’accès. Seule la lumière de la lune semblait apaiser un tant soit peu cette traversée chaotique.

— Je vous avez dit qu’il ne fallait pas prendre les grands axes routiers. J’avais raison, il fallait aller à mon laboratoire. On aurait trouvé du monde pour nous aider.

Les voitures arrêtées s’entassaient comme un long serpent d’acier. Bientôt la route fut infranchissable. Rewel descendit le premier.

— On fait quoi maintenant, planté au milieu de nulle part. Tu peux encore nous aider avec ton flaire sans faille. Il ricana.

— Je sens sa présence, elle n’est pas loin.

Le Cœur de William battait à cent à l’heure. Sans faire attention aux deux autres, il se faufila entre plusieurs voitures dont les flancs étaient couverts de sang qui percolait sur le sol. Tous les véhicules étaient encastrés les uns dans les autres. À mesure qu’il avançait, le faisceau de sa lampe balayait les environs. Beaucoup de traces de boue et de sang se répandaient sur le sol. Certaine avait la taille d’une empreinte d’éléphant. D’autres représentaient des sillons comme si on avait trainé des corps. Toutes orientées dans la même direction, vers la forêt en face de lui. Plus loin, des véhicules retournés complètement détruits, des bouts de corps humain éparpillés et un chauffeur encore derrière le volant, incapable de conduire étant donné que sa tête était broyée par la taule froissée. William, à deux doigt de vomir, se cacha le nez avec sa manche. Il tomba sur un cahier posé sur le sol. S’en approcha, et prit le livre ou était illustré un joli papillon d’une multitude de couleur. Il ressemblait à celui que sa fille aimait. Un éclair le traversa. Non impossible se dit-il, ce n’était probablement qu’un livre de coloriage égaré par un enfant. Aucune chance que ce soit celui de sa fille. Une pensée lui vint, celle de reposer le cahier et de rejoindre ses amis mais il ne le fit pas. Embarqué dans ses souvenirs, ceux qu’il n’avait pas oubliés, Il vit sa fille, l’air Penaud, ses petites mains potelées pleines de feutres de toutes les couleurs. Elle avait taché les murs blanc du hall d’entré en voulant aller se laver les mains.

Il finit par ouvrir le cahier et le feuilleta. Le sourire aux lèvres, il découvrit les différents dessins où visiblement l’artiste avait du mal à ne pas dépasser. L’un des dessins le foudroya, un personnage masculin était recouvert de sable collé et regardait une petite fille non loin de lui. Au dessus du dessin était écrit au feutre rose « mon papa et moi à la plage ». La bouche grande ouverte, il feuilleta très vite les autres pages. À la fin du cahier était écrit, de sa plume « Le cahier de la future artiste » William fit trois pas en arrière, Il serra très fort le cahier contre lui et le mit dans la poche de sa veste. Une larme coula le long de sa joue. Il ne savait pas s’il était heureux ou triste de connaître cette information. Quoi qu’il en soit, il devait rejoindre les autres.

— Orvar, j’ai trouvé se que tu sentais, sa voix semblait être coincée dans sa gorge.

Il présenta le livre. Les deux autres baissèrent les yeux.

— Je ne sens pas d’autres traces. Attendez. Il marqua une pause tout en regardant à droite et à gauche. Il mit un doigt sur la bouche.

— Des infectés, ils sont nombreux dit-il.

William avait beau regarder partout, il ne voyait rien tant l’obscurité était totale.

— Continuons à pied, le moteur de la voiture les attirerait ajouta Rewel.

Ils longèrent les véhicules au conducteur fantomatique. Au milieu des voitures, William aperçu une silhouette. Elle ne bougeait pas et leur tournait le dos, la tête recroquevillée vers l’intérieur.

La silhouette portait des vêtements déchirés qui dévoilaient les nombreuses pustules qui recouvraient son corps. Aucun doute maintenant, c’était bel et bien un infecté mais plus chétif que les précédents. La peau sur les os, les joues creusées, il ressemblait à un squelette. En passant à coté, William remarqua qu’il fermait les yeux. Seules ses deux grandes oreilles, semblable à celle d’une chauve souris, tremblaient. Sans bruit, les trois hommes continuèrent leur chemin. Peu à peu la tête du maigrelet se redressa. Les yeux clos, il ouvrit la bouche au maximum si bien que les nerfs et la peau qui retenaient la mâchoire inférieur se déchirèrent. William et les autres se figèrent. Sa gorge tremblait mais aucun son n’en sorti.

En un instant, le nuage obstruant la lune s’évapora, laissant son éclat opalin dévoiler peu à peu le théâtre macabre qui se déroulait devants leurs yeux médusés. Les créatures s’approchaient inlassablement, certaines rampaient au sol laissant derrière elles des traces gluantes.

— Et merde ! Il faut le supprimer s’efforça de dire Rewel en faisant le moins de bruit possible.

— Qu’est ce qui se passe demanda William.

— Regardez ses oreilles, c’est comme une chauve souris. Il est en train d’appeler ses copains avec des ultrasons inaudibles pour nous !

William, sûr de lui, empoigna son couteau et le planta dans le front du chétif. Son corps tomba et un liquide blanc inonda sur le sol.

— Court, s’écrira Rewel qui avait déjà prit la fuite avec Orvar.

Il rassembla toute son énergie pour faire le sprinte de sa vie. Des infectés se jetaient à ses pieds en essayant de lui attraper les jambes. Les muscles de ses jambes chauffaient.

— Par ici ! Orvar, derrière la porte d’un coffre lui faisait des signes.

William serra les dents, releva la tête et prit une énorme inspiration et couru jusqu’à la voiture. Il manqua de justesse les griffes acérés d’un infecté qui railla la peinture de la carrosserie dans un grincement foudroyant. La horde se rua sur la camionnette et la brutalisa. La taule se froissait sous les coups effrénés des malades. Certain se jetait dessus pour renverser le véhicule mais se brisait les os. À l’intérieur, les trois hommes peinaient à se comprendre tant le vacarme était assourdissant. Orvar retenait de toutes ses forces les deux portes du coffre qui menaçaient de céder.

— Il faudrait faire diversion pour pouvoir s’échapper, proposa Rewel en cachant la seule fenêtre avec sa blouse. .

— Ils sont trop nombreux, grinça Orvar. Nous n’y parviendrons pas. Mettez vous derrière moi !

Il plaça une barre en métal pour renforcer les portes qui menaçaient de céder sous les impacts de plus en plus violant.

William regarda Orvar : un colosse de son envergure, qui, jusqu’à présent n’avait reculé devant rien et qui était pour lui un étranger dont il se méfiait. Le voir perdre ses moyens, et se mettre devant lui pour le protéger, le troubla. Il savait au fond de lui qu’il n’aurait pas pu en faire autant.

Boom ! Crack ! La taule se broyait de plus en plus. Un hurlement aigue rugit et prit aux tripes les trois compagnons. Les mâchoires claquaient, les ongles grinçaient contre le flanc métallique de la voiture. William prit sa tête dans les mains. Des flashs back de son accident le frappait à nouveau. Des bribes de souvenir défilaient dans sa tête. Une route qui s’étale devant lui, il frappe le volant avec son poing. « Qu’est ce que j’ai fais », « elle ne me pardonnera jamais », « je suis un horrible père ». Ces mots faisaient écho dans sa tête mais il ne comprenait pas de quoi il s’agissait.

Rewel se pencha vers lui et lui murmura quelques mots inaudible dans se tumulte infernal.

William demeurait pétrifié incapable de bouger. Seuls ses yeux pouvaient témoigner du chaos qui l’entourait.

— Un de nous doit sortir par le toit et rejoindre la voiture.

William le dévisagea. L’idée de Rewel semblait suicidaire mais il n’avait pas tord. S’ils restaient ici, ils allaient tous y passer et l’espoir de revoir sa fille serait perdu.

William eu une idée qui lui traversa la tête. Il devait prendre le relais et agir pour aider ses compagnons. Il se redressa et ouvrit le loquer de la trappe. Rewel fronça les sourcils, il ne pensait pas qu’il allait accepter aussi facilement.

La vitres recouverte par la blouse commençaient à se briser sous le poids des dizaines de mains qui griffaient, poussaient et qui cognaient sans arrêt. Les portes tremblaient, claquaient. La barre de fer se pliait sous le poids des coups. La vitre se brisa. Une main ensanglantée s’engouffra dans le verre brisé. Le verre agrippait la chair laissant apercevoir les tendons sous jacents. Le bras entra dans l’habitacle jusqu’au coude, des bout de muscle tombaient sur la moquette et du sang contourna les pieds de Rewel.

— Il faut se préparer à se défendre cria Rewel dans ce vortex de cris et de claquement de dent.

Orvar le regarda, il hésita un instant et se résout à prendre une clé anglaise qu’il serra fermement.

Le bras se retira de la fenêtre, laissant un trou recouvert de chair broyée qui dégoulinait. Plusieurs doigts vinrent combler cet orifice jusqu'à arracher les bouts de verres un par un.

— Ils vont finirent par entrer et nous attaquer, trembla Rewel.

En un éclair, aussi improbable qu’il soit, ils entendirent tous les deux une mélodie provenant de l’extérieure. Le son agressif d’une guitare électrique déferlait sa puissance. Un synthétiseur, en parfaite harmonie, donnait un rythme effréné à la musique. De surcroît la voix d’un homme impulsait l’envie de se relever et d’affronter leur peur. Une montée d’adrénaline et un élan de bravoure s’empara du corps des deux hommes. Ils étaient prêt à tout pour sortir de là.

— William à réussi s’exclama Rewel.

Miraculeusement, les créatures se stoppèrent net. Un des modifiés, qui avait passé la tête par le trou de la fenêtre, remua sa tête avec nervosité dans tous les sens. Puis cria, du sang jaillit de sa bouche et aspergea la veste d’Orvar. Enfin, il se retira. Les bruits de claquement de mâchoires cessèrent. Orvar et Rewel s’échangèrent des regards perplexes. La musique continuait à retentir au loin.

Orvar s’approcha de la fenêtre brisée.

— Ils ne bougent plus, regarde ! Se réjouit-il.

En effet, immobile, hochaient leurs têtes de droite à gauche. Puis, ils firent demi-tour et se dirigèrent vers la musique.

— Merde William va avoir des ennuies, il faut aller le rejoindre.

— Pas besoin. Il m’a dis de le rejoindre dans le petit bois au bord de la route. Allons-y, fit Rewel en s’essuyant le visage.

Les premières lueurs du jour chassèrent la lune comme l’angoisse dans le cœur de William. Il avait réussi. À présent il contemplait son travail caché derrière la cime des grands arbres. Tous les infectés étaient agglutinés autour de la voiture où la musique déferlait. Comme un troupeau de gnous assoiffés, ils restèrent là à s’abreuver de la mélodie. Leurs corps tremblaient au rythme de la musique, leurs têtes vacillaient d’un coté puis de l’autre. Ils semblaient calme, apaisés, se n’était plus les brutes sanguinaires qui les avaient poursuivit quelques minutes plus tôt.

La veste de William était couverte de sang, son visage pâle témoignait de l'horreur qu’il venait de traverser. Il s'approcha, posa son sac contre un arbre et s'effondra dans un tas de feuille. Rewel alla au près de lui et présenta une gourde d'eau. Avec difficulté, il but le contenu.

— Comment pouvais tu en être sur que les infectés se regroupe en allumant le poste radio, demanda Orvar.

— Tu te souviens comment ma femme à réagit quand elle à entendu les coups sur la vitre ? Et ces deux infectés qui se sont rués sur le téléphone qui sonnait dans la salle de réception ? L’appel par les ultra sons du chétif ? Ils sont attirés par le bruit, ça ne fait plus aucun doute maintenant.

William était fier de se qu’il venait d’accomplir. Pour une fois c’est lui qui avait résolu le problème. Sauver deux hommes d’une situation désespérée l’avait rendu plus fort, oui deux hommes pas un homme et un modifié. Deux hommes certes différent mais tout aussi important pour l’aider à retrouver sa fille. Quelle sera la prochaine étape, par où aller, où chercher ? Immobile, au milieu de ces hêtres qui bougeaient au grès du vent, une complainte douloureuse semblait émaner du sifflement des feuilles.

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